03 Déc

Le grand mort

Brêche (Tome 6) de Loisel, Djian et Maillé

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Le monde s’écroule. Méfiants et agressifs, les survivants sont de plus en plus isolés et de plus en plus craintifs. La situation empire d’heure en heure, et il reste encore un sacré bout de route à Pauline et Gaëlle pour rejoindre la Bretagne… Erwan de son côté commence lui aussi à perdre les pédales. Pendant ce temps, dans le petit monde, tout s’accélère également : une funeste partie est en train de se jouer…

Pour ceux qui n’auraient pas lu les cinq premiers tomes, Le grand mort mélange une histoire apocalyptique à des croyances ésotériques. Il s’agit ici de l’interconnexion entre notre monde et un monde parallèle, qui ne peuvent vivre l’un sans l’autre. Mais ce lien est rompu et notre terre sombre dans le chaos. Cela fait bien sûr écho au changement climatique dont nous connaissons aujourd’hui les prémices. Mais toute ressemblance s’arrête là. Car, il est ici question de fantastique et d’une quête pour retrouver cet équilibre entre « le petit monde » et la terre.

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Le dessin est très convaincant, dans la lignée des premiers tomes. Confrontant des personnages ordinaires à une terrible situation, les auteurs parviennent à mettre en place une ambiance angoissante. Mais hélas, l’histoire semble s’être embourbée, si bien qu’on n’apprend pas grand chose de plus que dans l’album précédent. Les scénaristes ont une fâcheuse tendance à répéter les mêmes motifs : la petite fille tue tous ceux qui l’approchent à l’exception d’Erwan… Une fois aurait suffit. Et bien, non. Cela se répète et l’intrigue a vraiment du mal à trouver un second souffle.

Les auteurs lèvent partiellement le voile sur les raisons qui ont conduit à cette apocalypse. Mais là encore, ils ne disent pas tout et on a l’impression que Loisel et Maillé veulent faire durer « la franchise »… Comme pour le tome cinq, on est encore déçu. D’autant que les premiers numéros étaient vraiment prometteurs.

M.K.

Fiche technique

Scénario : Régis Loisel, Jean-Bliase Djian

Dessin : Vincent Mallié

Couleurs : François Lapierre

Editeur : Vent d’Ouest

54 pages

17 Nov

Lire en leur mémoire… Lire pour ne pas oublier

Impossible de continuer à vivre comme hier, comme avant ce tragique vendredi 13…

 

Humblement, la Bullothèque poursuit sa mission de vous parler de bandes dessinées… Mais en rendant hommage à toutes les victimes des attentats de Paris.

 

Paix aux âmes des morts, prompt rétablissement aux blessés.

 

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Vu sur Facebook après les attentats

 

beaucoup de courage également à tous les croyants modérés dans leur pratique de quelque religion que ce soit. Car les temps pour eux sont désormais plus durs.

 

Ne cédons pas au lugubre chantage des extrémistes de tout bords.

 

Ne cédons pas à ces individus qui ont visé, comme il a déjà été dit par d’autres et de fort belle manière, notre « art de vivre à la française »… Qui pour autant n’est pas une exclusivité : dans bien des pays du monde on se rassemble pour écouter de la musique, pour partager un moment en terrasse d’un établissement, pour se balader dans les rues des villes que l’on connait ou que l’on découvre…

 

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Vu sur Facebook après les attentats

 

 

Fermer les volets, ne plus sortir, c’est l’assurance de ne plus vivre en société.

 

Ne plus ouvrir de livre aussi. Alors oui : la Bullothèque va continuer à lire et vous donner envie de lire. Aussi en mémoire des disparus, par respect pour les victimes…

Alex - 17 novembre 2015

 

Dessin d’Alex dans le Courrier picard du 17 novembre 2015

20 ans : ça se fête… avec les Lulus !

Bulle en stock fête ses 20 années d’existence à Amiens, tout en douceur, avec une séance de dédicaces des auteurs de « La guerre des Lulus » ! (Ed. Casterman)

 

A partir de 14h ce mercredi 18 novembre, cette institution de la BD picarde vous accueille pour un moment évidemment 100% BD !

 

Joyeux anniversaire !

 

Vitrine Bulle en stock

12 Nov

Les nuits de Saturne

de Pierre-Henry Gomont

Les nuits de Saturne

À la vie, à l’amour, à la mort…

Au départ, il y a deux êtres que tout oppose, qui n’auraient jamais dû se rencontrer et encore moins s’aimer. D’un côté, Césaria, paumée, perchée sur de hauts talons et qui se prostitue. De l’autre, Clovis, roi déchu et ancien braqueur, tout juste sorti de prison. Dix ans de taule et la vengeance à venir pour seule nourriture.

Mais avant la vengeance, il y aura la rencontre, et une passion qui ne s’explique pas.

LNS03Les nuits de Saturne, est un roman graphique puissant et dérangeant. Clovis, qui sort de prison, n’a qu’une idée en tête, se venger d’un ancien complice qui l’a fait plonger. Alors étudiant activiste, Clovis était chargé de convoyer un militant italien engagé dans les réseaux d’extrême gauche. Mais l’aventure a tourné au fiasco. Aujourd’hui, il recherche Faber, son ancien comparse, pour le tuer. Sur sa route il croise Césaria. C’est la passion immédiate, absolue… Malgré ce qui les sépare…

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Les planches se succèdent dans des tons très colorés qui différent pour restituer les différentes époques du récit – le vert pour les flash back-… et le rouge pour témoigner des affres de Clovis… L’action se passant la plupart du temps la nuit, c’est une ambiance assez noire et crépusculaire qui se dégage de l’ensemble. Les dessins à l’aquarelle sont d’une beauté à couper le souffle et ils transcendent une histoire de polar somme toute assez classique.

LNS04Ce roman graphique est l’adaptation d’un ouvrage de Marcus Malte, « Carnage, constellation ». Les personnages y sont tourmentés et complexes. Le récit est violent. De l’ombre, va émerger la beauté comme une fleur qui pousse dans la fange. L’humanité des personnages finira par triompher et même si la fin n’est pas un happy-end, la noirceur qui parcourt l’album laisse place à une fin belle et tragique.

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Fiche technique :
Dessin et scénario : Pierre-Henry Gomont
d’après un roman de Marcus Malte
Editions : Sarbacane
168 pages

 

02 Nov

Mitterrand, un jeune homme de droite

de Philippe Richel et Frédéric Rébéna

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Personnage controversé et mystérieux, figure incontournable de la Cinquième République, Mitterrand n’en finit pas d’intriguer. Philippe Richelle nous propose de découvrir ses années de formation, entre 1935 et 1945 (entre ses 19 et 29 ans). Il sera notamment fait prisonnier pendant la guerre, s’évadera avant de s’impliquer pour l’aide à la réinsertion des prisonniers sous le régime de Vichy. Outre ses rapports avec des figures historiques telles que le maréchal Pétain, Laval ou Giraud, ce roman graphique donne à voir un leader et surtout un fin politicien en construction.

Les auteurs ont fait le choix d’éclairer une période peu connue de la vie de François Mitterrand, ses années de jeunesse. En 1935, étudiant en droit, il hésite à embrasser une carrière d’écrivain. Jeune bourgeois catholique fréquentant la haute société parisienne, il est proche de la droite antirépublicaine de l’époque. Pourtant, il n’est pas encore prêt à s’engager en politique et s’intéresse plus aux femmes et aux belles lettres.

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Il se range aux côtés de Pétain en 1940. Il recevra même « la Francisque » au printemps 1943 qui lui est décernée par le maréchal Pétain. Cette récompense du régime de Vichy est « le symbole du sacrifice et du courage et fait référence à une France malheureuse renaissant de ses cendres ». Quelques années plus tard, ce passé trouble le rattrapera notamment avec le procès de son ami, René Bousquet, secrétaire général de la police française sous Vichy.

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Pourtant, François Mitterrand basculera ensuite du côté de la Résistance. Il se défie alors du monde politique, qu’il méprise. Et c’est un personnage qui selon Philippe Richelle, le scénariste, « évolue et change d’avis ». De François Mitterrand, on a beaucoup écrit. Qualifié souvent de prince de l’ambiguïté ou de Machiavel, on observe ici un personnage en devenir.

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Le récit est préçis et froid, presque clinique, à l’image de son protagoniste. Ce qui n’exclut pas un certain romanesque comme l’ont été les années de guerre pour ce futur Président. Le dessinateur Frédéric Rébéna affirme que « cette personnalité à multiples facettes est très difficile à cerner et donc à saisir par le dessin. » Et il est vrai que le trait de Rébéna n’est pas toujours identique comme si la figure de Mitterrand se dérobait au geste du crayonné.

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L’album se finit de façon assez brutale à la fin de l’année 44. Un second album devrait suivre qui courra de l’immédiat après-guerre à la fin des années cinquante.

M.K.

Fiche technique

Scénario : Philippe Richelle

Dessin : Frédéric Rebena

Edition : Rue de Sèvres

152 pages

28 Oct

L’île de jamais jamais

Les voyages de Jean Sans Terre II

De Javier de Susi

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On retrouve ici Vasco, le héros nonchalant et désabusé des voyages de Jean Sans Terre. On l’avait laissé sur les terres du Chiappas (cf. La pipe de Marcos). Il poursuit sa quête sur les traces de son ami Jean. Ici, il est encore question de Révolution, mais plus précisément des Contras, mouvement financé par les Etats-Unis pour s’opposer au mouvement sandiniste, d’inspiration marxiste, qui a pris le pouvoir au Nicaragua en 1979. Javier de Susi fait à nouveau le choix de traiter d’une histoire qui a été effacée de la mémoire collective par l’indifférence des médias.

Vasco se rend sur l’île d’Omepete située sur le lac Nicaragua. Il y fait la connaissance d’un groupe de jeunes gens réfugiés dans la jungle, d’une communauté vivant dans une grande maison, d’un écrivain en manque d’inspiration et d’un gourou dirigeant un orphelinat. Les références littéraires et cinématographiques s’accumulent à commencer par J. M. Barrie, Peter Pan, les enfants perdus et le capitaine Crochet, sans jamais alourdir le propos.

Paola, une des amies de Vasco, dit dans les premières pages du livre que « Nous sommes ce que nous racontons que nous sommes. » A travers le parcours de Vasco, il s’agit donc ici de l’histoire de chacun. Les personnages racontent tous leur propre histoire, qui est aussi celle d’un peuple, d’un pays, d’un continent. Vasco lui refuse de se raconter. Il est l’antihéros qui deviendra malgré lui celui qui change la permanence des choses.Verso_73791

Conte philosophique, le dessin en noir et blanc de Javier de Susi traduit aussi à merveille les différents niveaux du récit. On y trouve des ruptures de ton qui n’existaient pas dans le premier tome. Notamment quand il s’agit d’illustrer le propos des enfants rencontrés par Vasco, le dessin devient beaucoup plus enfantin. La forme épouse au mieux la narration.

Dans cet ouvrage très convaincant, l’auteur poursuit ce qu’il avait entamé dans le premier tome, une geste politique et poétique à travers les endroits oubliés de l’Amérique latine. Vasco, son personnage principal, est plus que jamais l’héritier du grand Corto Maltese. Et toutes ces références assumées, donne à lire un roman graphique d’une grande qualité.

M.K.

Fiche technique

Scénario et dessin : Javier de Susi

Editeur : Rackham

25 Oct

Point de fuite

de Lucia Biagi

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Sabrina est une jeune italienne de 26 ans au caractère bien trempé, elle vit chez ses parents dans une petite ville de province, mais passe le plus clair de son temps chez son petit ami, Stefano. Mal à l’aise dans son corps et dans sa vie, elle exprime parfois violemment son mal-être et se heurte à sa famille et à son entourage. Confrontée comme tous les Italiens de sa génération à une terrible crise économique, elle affronte également une crise existentielle. Au seuil de l’indépendance et du monde adulte, elle ne se sent pas en mesure de faire face à ces changements. Début décembre, une grossesse imprévue vient bouleverser sa vie déjà passablement mouvementée. Elle décide d’avorter mais le rendez-vous à la clinique est fixé au mois de janvier, du fait des fêtes de fin d’année…

L’italienne Lucia Biagi livre ici un récit tout en finesse. Loin de porter un quelconque jugement sur les contradictions de son héroïne, elle aborde le thème de l’avortement à travers un récit intimiste et nuancé. Perturbée -comment ne pas l’être quand un tel événement vous tombe dessus- Sabrina doit composer avec le chaos psychologique qui s’empare d’elle.

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L’auteur choisit les tons jaunes et bleus –la bichromie- et un trait simple et direct pour transcender une histoire finalement assez banale. A la manière des mangas, les décors sont vite croqués et les personnages rapidement reconnaissables. Dans l’Italie d’aujourd’hui, et pour une génération touchée de plein fouet par le chômage et la précarité, Lucia Biagi aborde la problématique de son personnage sans tabou, en affirmant clairement la liberté du choix d’avorter, sans pour autant esquiver la difficulté de s’y confronter.

Lucia Biagi ausculte le parcours de Sabrina sans jamais prendre parti. Dans un entretien à Télérama paru le 2 juillet 2015, elle affirme que « l’avortement a souvent été abordé, en Italie, d’un point de vue politique ; je souhaitais, de mon côté, mettre en scène le choix d’une personne spécifique. Je n’ai pas voulu expliciter pourquoi Sabrina souhaite avorter de façon si déterminée, parce je pense que ce choix lui appartient, et qu’il ne doit en aucun cas être questionné. »

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Deuxième opus d’une jeune auteur, c’est la chronique d’une jeunesse désenchantée qui ne croit plus aux grands idéaux mais qui tente malgré tout, jour après jour de gagner une liberté difficile à conquérir.

M.K.

Fiche technique

Scénario et dessin : Lucia Biagi

Editeur : Ça et là

160 pages

22 Oct

La dame de Damas

De Jean-Pierre Filiu et Cyrille Pomès

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C’est le récit d’un amour impossible entre Karim et Fatima dans une banlieue de Damas pendant la révolution qui a débuté en 2011. Karim et sa famille sont engagés contre Bachar Al-Assad, Fatima a dû unir son destin à celui du régime. Ils vont pourtant se retrouver en cet été 2013 où « la mort blanche » frappe la capitale syrienne…

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Après l’ouvrage « Le printemps des arabes », Jean-Pierre Filiu, scénariste et historien et Cyrille Pomès, dessinateur, nous font revivre, à travers ce Roméo et Juliette du Moyen-Orient, le destin de ces hommes et femmes ordinaires qui subirent –et subissent encore- la barbarie au quotidien. Ici, il s’agit de raconter les débuts de la révolution syrienne, et la sanglante répression qui a conduit le dictateur syrien à employer des armes chimiques contre son peuple.dame-de-damas-62-webFiliu emprunte les voies de la fiction et réussit le tour de force de rendre compte de la complexité de la situation, qu’il s’agisse de la chronologie des évènements ou des forces en présence (…), tout en racontant une histoire d’amour sous les bombes. Le réquisitoire contre le régime est sans pitié, loin des clichés véhiculés parfois dans certains médias. Et on comprend mieux ici comment la résistance a pu s’organiser, notamment dans les mosquées. Et comment certains démocrates ont pu progressivement se rapprocher de la religion. Le contexte international est aussi très bien relaté et notamment le rôle de l’ONU, qui jamais ne prendra de position claire en faveur des opposants au tyran.

Pomès fait le choix du sépia pour restituer l’ambiance des rues et des intérieurs de Damas. Le dessin est enlevé, très rythmé, et colle à l’urgence du récit. Les visages expressifs rendent bien compte de la violence des sentiments éprouvés par les différents personnages. Sans trop s’embarrasser de lourds décors, il excelle à esquisser un environnement ou une atmosphère pour en dégager l’essentiel.

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Ce roman graphique est essentiel à lire. Pour tous ceux qui s’intéressent à la situation dramatique que vit la Syrie depuis quelques années. Et aussi pour ceux qui ne la connaissent pas. C’est sans conteste une des découvertes majeures de cette année 2015.

M.K.

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Fiche technique

Scénario : Jean-Pierre Filiu

Dessins : Cyrille Pomès

Editeur : Futuropolis

104 pages

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