Ainsi va la vie des rivières comtoises… Les hommes ont beau dire, ont beau faire, la santé des poissons est toujours fragile et révèle le mauvais état écologique des rivières. Outre la tristesse de voir des poissons mycosés mourir, ce nouvel épisode doit saper le moral de tout ceux qui agissent pour l’amélioration de la qualité des eaux. Autant d’argent investi pour si peu de résultats probants…
Voici l’intégralité de l’interview de Stéphane Regazzoni réalisée par Florence Petit et David Martin :
Mes confrères qui se sont rendus sur le terrain ce jeudi 9 janvier ont rencontré Stéphane Regazzoni. Très en colère, l’amoureux de la vallée du Dessoubre dénonce l’agriculture intensive comme étant à l’origine des malheurs des truites. Preuve à l’appui avec cette photo de sol après épandage en période d’enneigement.
Ce cliché pris le 25 décembre dans la vallée du Dessoubre ruine les efforts entrepris par la chambre d’agriculture, l’agence de l’eau et le conseil général du Doubs. Entre 2009 et 2010, l' »opération collective Dessoubre » a permis d’aider la mise aux normes des exploitations agricoles. Pour un agriculteur, c’est un investissement lourd : environ 100 000 euros avec 30% d’aides. Selon Didier Tourenne, spécialiste de ces questions à la chambre d’agriculture,
« on est passé de 60 à 75% des exploitations aux normes c’est à dire, pour la vallée du Dessoubre, avec cinq mois de stockage d’effluents ».
Au cours de ce programme, 67 exploitations ont profité de ces aides sur les 530 existantes.
Il reste donc, dans ce secteur, 25% des fermes qui ont, elles, une capacité de stockage de six semaines. Ce sont souvent des petites exploitations ou celles dont les propriétaires vont bientôt partir à la retraite.
Cela serait plutôt ce type d’exploitation qui épandrait en plein hiver faute de stockage suffisant. Didier Tourenne a même reçu deux coups de fil d’agriculteurs du Doubs embêtés car leurs réservoirs étaient déjà pleins. Bien conscients des risques de pollution, aucune alternative n’est proposée (à part l’augmentation du stockage) alors que l’épandage sur sols gelés est bel et bien interdit… Quand il y a urgence comme en mars dernier, toutes les partenaires de ce dossier travaillent ensemble pour épandre tout de même mais dans des conditions encadrées et les moins risquées pour l’environnement (sols profonds et plats) . Mais la nature karstique du sol rend compliquée cette démarche. Le Dessoubre, comme les autres rivières comtoises, rappelle le syndicat mixte du Dessoubre, a de nombreuses résurgences. D’où la difficulté d’établir des liens directs entre écoulements et pollutions.
Et si toutes les exploitations étaient aux normes, si il n’y avait pas d’épandage en période hivernale, est-ce qu’il n’y aurait pas eu cette mortalité? Pas sûr. Depuis la crise de 2010, les experts français estiment que les causes de ces mortalités sont multifactorielles ( stations d’épurations, barrages, micro polluants ..). Jean-François Humbert, le responsable du groupe scientifique de la conférence départementale Loue et rivières comtoises, a du
« mal à croire au lien direct entre ces épandages et les mortalités. Ces pratiques sont en revanche intolérables ».
Le scientifique prend au sérieux ces nouvelles mortalités et souhaitent que des quantifications précises soient réalisées car cela avait manqué en 2010 lors de la crise de la Loue.
Ce qui est important pour Jean-François Humbert et pour l’ONEMA, c’est le nombre de poissons que l’on va retrouver atteints de cette mycose. Les agents de l’Etat sont sur le terrain pour essayer de quantifier le nombre de poissons. Le laboratoire d’analyses de Poligny devrait être également sollicité pour savoir si c’est bien le saprolegnia qui serait à l’origine de cette mortalité comme pour les crises de la Loue, de la Bienne et du Doubs.
« Ce champignon, rappelle Jean-François Humbert, ne serait pas à lui tout seul à l’origine des décès des poissons. Le champignon arrive en fin de processus, quand les défenses sont altérés ».
Une position différente de celle de chercheurs suisses qui, en mai 2012, annonçaient avoir identifié une souche de saprolegnia qui pourrait être directement à l’origine des mortalités.
Les semaines à venir seront donc décisives pour savoir si il s’agit bien d’une nouvelle crise pour une rivière comtoise ou de mortalités saisonnières en raison de la période de reproduction qui affaiblit les truites (un ombre a tout de même été retrouvé mort alors que sa période de reproduction est printanière). Si la première hypothèse se confirme, il y aura-t-il une plainte déposée ? Et par qui ? Est-ce que ce nouvelle épisode donnera le coup d’accélérateur aux mesures prises pour sauver les rivières, un peu à l’image de ces aménagements routiers réalisés une fois qu’un automobiliste a trouvé la mort à un passage connu pour être dangereux… La Conférence départementale Loue et rivières comtoises doit se réunir d’ici la fin du mois et la santé des poissons sera à l’ordre du jour de la réunion du groupe scientifique lors d’une réunion prévue avant le printemps.
Isabelle Brunnarius
Isabelle.brunnarius@francetv.fr
PS: Techniquement parlant, nous avons remarqué qu’il était difficile de poster des commentaires sur ce blog. Je vous propose donc de me les envoyer par mail et je les publierai « à la main » à la suite de cet article !!
Réaction sur Facebook de Truitasse Hva : « Suite à l’article paru sur la vallée du Dessoubre, il faut quand même remarquer que cette année le niveau des cours d’eau a fait le yoyo, que la fraie fatigue les poissons et surtout que les températures de l’eau favorisent la transmission plus facile de bactéries. C’est vrai que l’on remarque beaucoup d’épandage sur terrain inondés, en neige, mais les retombées atmosphériques et autres pollutions insidieuses doivent certainement combiner un cocktail assez néfaste. J’attends les résultats des recherches mais il serait quand même temps d’agir et de punir certains fautifs »
Réaction du 11 janvier de Cédric Bobillier : « Désormais c’est TOUT le Dessoubre qui est contaminé. Je me suis rendu cet après-midi le long de cette belle riviere et ce que j’y ai vu m’a laissé un sentiment d’Horreur et de désolation. Entre le Pont de la Voyéze et Le Pont Neuf, j’ai personnellement constaté plus de 15 truites affectées ou mortes. Toutes avec les mêmes salop… de tâches mousses blanchâtres. D’autres pêcheurs qui sont en contact par mail avec moi ont fait depuis ce matin les mêmes constatations de Consolation à Saint-Hippolyte.
C’est Catastrophique ! Il faut réagir, mais comment ? Tout s’est dégradé en moins de 48h.
Voilà, je tenais juste à vous tenir informé ».
Réaction de Romain Barreau : « Merci pour votre reportage. Sans celui-ci je n’aurais pas été au courant de ce qui se passait sur la rivière que je fréquente assidument dès l’ouverture depuis plusieurs années. Le constat est révoltant. Bien sur que cela devait arriver au Dessoubre, qui est logé à la même enseigne que la Loue, le Doubs et la Bienne. Mais depuis tout ce temps rien n’a évolué, la qualité de l’eau sur toutes les rivières se dégrade sans cesse. Dans cette eau que nous buvons, des poissons meurent dans le silence. Je pense qu’il s’agit d’un problème suffisamment important pour faire un reportage sur toutes ces différentes rivières afin de mettre en valeur le même problème, et de le diffuser au niveau national. Un service rendu à la population !
Réaction de Frédéric Solmon le 13 janvier : L ‘ ONEMA se serait déplacé sur le DESSOUBRE ce matin pour effectuer un train de mesures très important , qu’on en juge : prendre la température de l’eau à plusieurs endroits et compter les truites mortes !!!!! Les bureaux des AAPPMA du Haut et Bas DESSOUBRE calquent leur attitude sur celle de l’ONEMA : attendons quelques semaines pour voir ….en priant le ciel qu’il pleuve et qu’une bonne petite crue fasse dévaler ces cadavres de poissons qui font tache dans le
paysage .Bien entendu, aucune mesure de restriction de la pêche n’a été prise en cette période de vente de cartes…Actuellement seul le Préfet pourrait l’interdire sauf en no kill de la berge ,par exemple pour parler grosses truites , auraient été trouvées une de 85 cms et une de 105 cms(!!!) mesurée , dans le dégrilleur du barrage Jeambrun : leur disparition est un bien pour ce qu’il reste dans la rivière ! Les riverains , pêcheurs , gardes,du Haut Dessoubre ,que j’ai vus hier, parlent de 9 truites adultes sur 10 disparues ce qui ramenerait la biomasse de 350 kgs à 35/50 kgs à l’hectare.
Mais , bonne nouvelle, confirmation que la REVEROTTE serait indemne.Faudrait-il la pêcher électriquement pour réaleviner le Dessoubre en truitelles autochtones de souche méditérrannenne pure ?
Enfin j’ai bien peur que l’on ne connaisse jamais les causes précises de cette hécatombe mis à part l ‘évocation des serpents de mer habituels( agriculture, industrie, rejets
domestiques , ….)responsables de la pollution chronique, diminuant la capacité biogénique et le cheptel piscicole de la rivière des 2/3
mais n ‘expliquant pas entièrement cette mortalité brutale.