22 Oct

Nouveau plan national pour l’Apron, ce poisson menacé qui aide à sauver les rivières

L’Apron du Rhône. Crédits : Marianne Georget, Conservatoire d’Espaces naturels Rhône Alpes.

L’Apron du Rhône est encore méconnu pour la plupart d’entre nous alors qu’il a tout d’une grande espèce. Menacé de disparition, sa présence dans les cours d’eau du bassin du Rhône permet de faciliter la remise en état de ces milieux naturels souvent malmenés. Sauver l’Apron, c’est aussi sauver les rivières !

Depuis 1998, deux programmes européens puis un plan national ont été mis en place pour le sauver d’une extinction totale. En 2019, l’Apron est passé du statut d’espèce ayant un risque d’extinction « extrêmement élevé » à « très élevé ». Ces premiers résultats sont encourageants d’où le lancement d’un second plan national pour les dix années à venir. Si certains reprochent de dépenser beaucoup d’argent pour le sauver, d’autres le considère comme une aubaine pour les rivières.


Avec Marianne Georget Animatrice du plan national d’actions Conservatoire d’espaces naturels Rhône-Alpes Mickaël Béjean, Responsable de l’aquarium Muséum d’Histoire Naturelle de Besançon Christophe Lime ,Vice-président de Grand Besançon Metropole en charge de l’Eau et de l’assainissement,  Cyril Thevenet Directeur Epage Haut-Doubs Haute-Loue.  Extrait documentaire CEN Rhône Alpes de S.Garassus etJ.Y.Collet « Apron, l’incroyable aventure d’un poisson sentinelle »
Reportage I.Brunnarius, D.Colle, JL Saintain, P.Gomez

Si le blog de la Loue et des rivières comtoises avait une mascotte, cela pourrait être l’Apron ! Ce petit poisson, tout de même surnommé le Roi du Doubs, est aussi discret qu’utile. A plusieurs reprises, j’ai déjà relaté les actions entreprises pour éviter sa disparition totale de nos rivières.

Des actions visiblement pertinentes puisque la présence de l’Apron semblerait se renforcer notamment sur la Loue. En 2018, Alain Cuinet, hydrobiologiste et responsable de la société Eaux Continentales, a repéré des aprons dans la Loue à hauteur de Chissey. Une première !

L’Apron présent dans la Loue

C’est en travaillant pour la communauté de communes du Val d’amour, qu’Alain Cuinet a repéré un premier apron dans la basse Loue au niveau de Chissey. Il était en train de travailler à la restauration d’anciens bras morts de la Loue. Présumant que cet apron n’était pas tout seul à avoir élu domicile dans ce secteur, un soir d’été, il a arpenté la Loue à la frontale avec d’autres passionnés. C’est la meilleure façon d’observer ce petit poisson que l’on peut confondre avec les cailloux des fonds de rivieres. Bingo ! une douzaine d’aprons a pu être comptabilisé à Chissey alors que les dernières études laissaient penser que l’Apron n’était présent que trois kilomètres plus en amont.

Le premier plan national d’actions (2012-2016) a permis « une meilleure connaissance de la répartition de l’espèce, précise Marianne Georget, coordinatrice de ces PNA au Conservatoire d’espaces naturels Rhône-Alpes. En 2012, le linéaire connu était estimé à 240 km. En 2017, celui-ci était d’environ 365 km ». Pour le secteur de la basse Loue, le poisson est « supposé présent » sur environ 48 km de Buillon à Chissey.

Cette découverte fait dire à Alain Cuinet qu’il est pertinent de vouloir agir pour le rétablissement de la continuité écologique et le retour au naturel de la basse Loue, actuellement encore sous l’étreinte d’une rectification de son cours naturel. Bien qu’exigeant, l’Apron a trouvé dans ce secteur un milieu dans lequel il peut se reproduire. Autant le préserver voir l’améliorer.

Dix ans pour le second plan national d’actions

L’un des enjeux de ces plans nationaux est de mettre en oeuvre « une gestion des cours d’eau adaptée à l’espèce pour son maintien et son extension ». Un travail au long cours qui explique la durée allongée à dix ans de ce second plan. Au total, 21 objectifs ont été affichés. Il s’agit aussi d’améliorer les connaissances biologiques sur la vie de l’Apron et de mieux le faire connaître auprès du grand public.

La présence de l’Apron dans certains secteurs des rivières du bassin du Rhône peut faire remonter en haut de la pile les dossiers de rétablissements de la continuité écologique. Les financeurs, en premier lieu l‘Agence de l’eau, privilégient ces travaux qui permettent de faire d’une pierre deux coups.

Le rétablissement de la continuité écologique est une obligation légale découlant de la directive européenne sur l’eau visant à l’obtention d’une bonne qualité des milieux aquatiques. Rétablir cette continuité, c’est permettre aux poissons de circuler, aux sédiments de ne pas stagner.. Les principaux obstacles à cette continuité sont les seuils, les barrages. Les propriétaires de nombreux barrages sont obligés de les aménager. Pour faciliter la circulation des poissons, des passes à poissons sont construites.

En ce moment, un vaste chantier est en cours à Chenecey Buillon. Ici, un barrage a toute son utilité. C’est ce que nous a expliqué Christophe Lime, vice-président de Grand Besançon Metropole chargé de l’eau et de l’assainissement. Le barrage permet de maintenir un niveau d’eau suffisant pour permettre la prise d’eau afin d’alimenter en eau potable 30 à 40 % des Bisontins.

D’où la nécessité de construire une passe à poissons qui permettent à l’Apron mais aussi aux autres poissons de remonter la Loue. Il est coutumier de dire que si l’Apron passe, tous les poissons passent ! Ces travaux sont estimés à 420 000 euros HT avec 70% de financement de l’Agence de l’eau. Il a tout de même fallu dix ans de démarches et d’études pour parvenir à commencer les travaux.

Les travaux de la passe à poissons de Chenecey Buillon. Denis Colle-Francetv.

Grâce au premier plan national, « tous les ouvrages publics, propriétés des collectivités, ont été aménagés pour permettre la continuité écologique » précise Cyril Thevenet, le directeur de l’Epage Haut Doubs Haute Loue. 

Reste à aménager les ouvrages privés. C’est plus compliqué malgré l’obligation légale. On se souvient des oppositions à Rennes sur loue, une association met en avant l’aspect patrimonial de ce barrage. « On espère, précise Cyril Thevenet, inscrire des actions dans ce second plan national pour ces ouvrages privés soit en récupérant la propriété des les ouvrages qui n’ont plus d’usage soit en travaillant avec les propriétaires privés ».

« Sur la Loue, peut-on lire sur le site dédié aux actions en faveur de l’Apron, six ouvrages font l’objet d’avant-projet porté par le syndicat mixte Haut-Doubs Haute-Loue  (devenu EPAGE) et la communauté de communes du Val d’Amour. Cet ensemble permettrait le décloisonnement complet sur l’aire de répartition actuellement connue sur la Loue. Toutefois, plusieurs ouvrages auraient du être équipés durant la durée du premier plan national voir effacés, mais les maîtres d’ouvrages sont confrontés à une vive opposition ».

La présence de l’Apron ne suffit pas elle seule à lever les difficultés pour obtenir cette continuité écologique si utile pour la biodiversité et la gestion des milieux aquatiques. C’est surtout un atout pour améliorer les financements des travaux.

Isabelle Brunnarius
isabelle.brunnarius(a)francetv.fr