Depuis janvier, le dispositif mis en place dans le Doubs pour tenter d’enrayer le recours abusif au casse-cailloux et à l’arrachage des haies est en place. En demandant aux agriculteurs, collectivités et particuliers de déposer une demande préalable avant travaux, l’Etat veut apaiser les relations entre agriculteurs et défenseurs des paysages du massif jurassien. Ces dernières années, l’usage de cet outil s’est répandu. Passer le casse-cailloux permet d’enlever des blocs de pierre qui contraignent les pratiques agricoles. Cela modifie le paysage typique de cette moyenne montagne et la nature des sols. Une méthode de déclaration basée sur le volontariat que la direction départementale des territoires du Jura envisage de développer dans le Jura. Mais pour l’instant, la FDSEA du Jura refuse d’en parler en raison de tensions à la suite d’une affaire judiciaire.
Il suffit d’un événement pour que le dialogue se grippe. Dans le Jura, le ton est monté d’un cran depuis la tentative des agents de l’Office Français de la Biodiversité de mettre sous scellés un casse-cailloux appartenant à un groupement d’agriculteurs dans le secteur de La Marre. Une mise sous scellés décidée par le parquet de Lons-le-Saunier. L’infraction au code de l’environnement a été constatée en 2018 et l’enquête est en cours.
C’est dans ce contexte tendue que la FDSEA du Jura n’a pas souhaité participer à l’une des premières réunions mise en place par les services de l’Etat dans le Jura pour trouver un accord sur l’usage du casse-cailloux dans le Jura. La réunion a été reportée à septembre. Le directeur de la DDT 39 ne baisse pas les bras; Jean-Luc Iemmolo est persuadé que « tout le monde est prêt à discuter ».
L’enjeu est important, il implique autant la préservation de l’environnement, l’avenir de la filière comté que l’image touristique du massif jurassien. Dans le Doubs, les discussions ont duré deux ans. Et le 21 novembre dernier, un accord était signé en préfecture du Doubs.
Défenseurs de l’environnement et agriculteurs, sous la houlette des services de l’Etat, sont parvenus à un accord pour préserver une des spécificités du massif jurassien, les affleurements rocheux. Deux ans et demi après la polémique autour de l’usage du casse-cailloux l’heure est au dialogue et au pragmatisme. Désormais, il faut faire une demande préalable à la Direction des Territoires, DDT, avant toute « destruction d’éléments rocheux ». Un premier pas avant la prochaine mise en place d’arrêtés préfectoraux de protection de ces habitats naturels.
Ce 20 juillet, un premier bilan a été publié par la préfecture du Doubs. Trente-six demandes préalables de travaux ont été transmises aux services de l’Etat. Trente-quatre venaient d’exploitants agricoles et deux de mairies. Sur les dix-sept dossiers qui ont pu être instruits, trois dossiers ont été refusés et onze ont reçu un avis favorable avec préconisations. Nous sommes justement allés à la rencontre de Gilles Bonnet, un agriculteur des Ecorces qui a fait une demande préalable à la Direction des Territoires. Dans le reportage, vous verrez pourquoi il l’a faite et comment le comité technique rend sa décision. Puis, direction le Haut-Jura à la rencontre des Jurassiens.
Avec Gilles Bonnet Agriculteur Ludovic Paul Responsable du service d’économie agricole Direction des territoires du Doubs Florent Dornier Commission environnement FDSEA 25 Manuel Lembke Chef de service Biodiversité Parc Naturel Régional du Haut-Jura Claude Pilloud agriculteur Jean-Luc Iemmolo Directeur départemental des territoires du Jura Reportage I.Brunnarius, L.Brocard, P.Mayayo et S.Chevallier
Cette demande préalable reste volontaire. Pour les agriculteurs ou les municipalités qui envisagent de construire, c’est rassurant car
Ces demandes préalables permettent d’indiquer aux pétitionnaires s’ils sont concernés par une réglementation environnementale (espèces protégées, évaluation d’incidence en zone Natura 2000…) et constituent une étape nécessaire dans la préparation d’un projet portant sur des affleurements rocheux.
Une anticipation qui permet d’éviter d’éventuels poursuites en cas d’infractions au code de l’environnement. Des atteintes à l’environnement qui se sont poursuivis lors de la période du confinement.
Dans son communiqué, la préfecture du Doubs souligne que :
Au total, sur une centaine de signalements de destruction d’éléments topographiques (haies et bosquets ou affleurements rocheux) qui sont remontés à l’administration, les faits sont suffisamment caractérisés par l’OFB à ce stade pour engager des procédures judiciaires dans une cinquantaine de cas. De plus, quelques cas de travaux de destructions d’affleurements rocheux en zone Natura 2000 feront l’objet d’actions de police administrative, car ils n’ont pas fait l’objet d’évaluation d’incidence préalable au retournement des prairies concernées.
Enfin, pour ce qui concerne les atteintes aux haies (hors cas d’atteintes à des espèces protégées) réalisées spécifiquement par des agriculteurs, des pénalités de 1 à 20 % du montant des aides de la politique agricole commune (PAC) sont susceptibles d’être appliquées sur les dossiers ayant fait l’objet des destructions les plus importantes. Chaque exploitant concerné sera invité à transmettre à la DDT un programme de replantation de haies sur un linéaire équivalent à celui qui a été arraché. Ces programmes devront être mis en oeuvre au cours de l’automne 2020.
Lors de notre rencontre sur le terrain, Florent Dornier, le représentant de la FDSEA 25 chargé des questions environnementales estimait à 40% la proportion d’agriculteurs du Doubs qui ont fait une demande préalable pour travaux depuis janvier. Plus ils seront nombreux à prendre les devants, plus les poursuites devraient diminuer.
Dans son dernier numéro, le journal d’information du Comité Interprofessionnel de Gestion du Comté présente le dispositif mis en place dans le Doubs. Tout en rappelant, la perte de surfaces agricoles, le CIGC dénonce l’usage abusif du casse-cailloux.
L’utilisation immodérée du casse-cailloux déstructure irrémédiablement les sols et constitue un non-sens agronomique : les pierres broyées modifient la chimie du sol, la terre fine s’enfonce, de sorte que les cailloux ressortent systématiquement au bout de quelques années et la matière organique, moins bien filtrée, dégrade la qualité des rivières.
L’arrachage des haies est aussi peu profitable. Effet brise-vent, habitat privilégié d’une faune dévoreuse de campagnols, régulation de l’eau : les bénéfices des haies et pré bois sont bien connus des producteurs de lait à Comté.
Les chercheurs du laboratoire Chrono-environnement de l’université de Franche-Comté ont aussi dénoncé les effets négatifs du passage du casse-cailloux et de la destruction des haies. Dans une lettre ouverte au Préfet de la Région BFC envoyée en mai dernier, des membres de ce laboratoire, redemandaient aux Préfets et aux élus du Doubs et du Jura de
mettre un terme définitif à ces pratiques à ces pratiques qui artificialisent et simplifient un patrimoine paysager qui fait la réputation de notre région, détruisent irrémédiablement des milieux d’une grande richesse biologique et favorisent la pollution des cours d’eau.
Dans le Doubs, rappelle le Préfet dans son communiqué du 20 juillet, le travail de pédagogie, de formation, d’information et d’échanges doit se poursuivre. Avec, à long terme, la mise au point d’une cartographie des zones à préserver.
Isabelle Brunnarius
isabelle.brunnarius(a)francetv.fr