Les vertus du dialogue se voient plus souvent sur le long terme. Il aura fallu presque vingt ans pour que pêcheurs et exploitants de barrages parviennent à la signature du règlement d’eau commun aux aménagements hydroélectriques du Doubs franco-suisse. La signature du nouveau règlement d’eau commun aux aménagements hydroélectriques du Doubs franco-suisse a eu lieu le vendredi 13 octobre à Biaufond. C’est le résultat d’une longue concertation entre services publiques, associations et industrielles. Le précédent règlement avait été signé en 1969 et depuis les années 90, les pêcheurs s’étaient mobilisés pour que les hydroélectriciens tiennent compte de la vie des poissons lorsqu’ils agissent sur les débits des rivières pour produire de l’électricité.
C’est un dossier complexe. Deux réglementations, l’une suisse, l’autre française, des notions techniques complexes, des enjeux économiques et environnementaux aux antipodes, de nombreux acteurs des deux côtés de la frontière. Malgré tout ces obstacles, l’association de pêche La Franco-suisse est satisfaite de l’accord officialisé hier au bord du Doubs.
Avant, l’eau pouvait monter d’un mètre en une demi-heure et elle redescendait aussi vite.
se souvient Christian Triboulet, le président de l’AAPPMA La Franco-Suisse. La rivière Doubs a la particularité d’être à cheval sur la frontière franco-suisse sur une partie de son linéaire dans les environs de Goumois.
Sur le schéma réalisé par EDF; vous pouvez aussi visualiser les trois barrages concernés par cet accord. En Amont, celui du Châtelot, le plus important, est géré par la société suisse le Groupe e dont EDF est actionnaire, puis un peu plus bas, il y a les barrages du Refrain (EDF) et de la Goule (Suisse).
Depuis la création de ce blog, j’ai souvent relaté le bras de fer entre défenseurs de la faune piscicole et industriels. Plus de 150 rapports de mortalité ont été envoyés par la société de pêche aux services de l’Etat. Des éclusées permettaient de répondre aux besoins urgents en électricité mais pouvaient avoir des conséquences mortelles pour de nombreux poissons privées d’eau. En fait, laisser filer l’eau, c’est perdre de l’argent. D’où la nécessité de négocier pour parvenir à un accord acceptable financièrement par les électriciens et écologiquement par les pêcheurs.
Un vrai politique des petits pas mais qui a fini par payé. En 2003, un accord-cadre concernant « l’amélioration des écosystèmes dans le Doubs franco-suisse par la gestion des débits d’eau permanents ». Autrement dit, moyennant compensation financière, les exploitants du barrage du Châtelot acceptent de laisser un débit de 2m3/seconde sur les 7 kilomètres entre le barrage et l’usine. Un premier pas, restait à harmoniser les pratiques entre les trois barrages et à accepter la présence des ONG à la table des négociations. C’est désormais chose faite pour ce groupe bi-national. A force d’échanges ( 25 séances du groupe de travail) , de retour d’expérience, de réunions un accord a été possible.
Les mesures d’exploitation définies portent sur la limitation de l’échouage et du piégeage des espèces piscicoles, ainsi que sur la protection des frayères et des alevins pendant une période dite sensible entre le 1er décembre et le 15 mai
Reste deux points à négocier : un « lissage » pour les débits compris entre 7 m3 et 0 au Châtelot et la question de la fermeture complète du barrage du Refrain dans le cadre d’opérations de maintenance. Le dialogue est maintenu puisque l’accord de ce 13 octobre 2017 prévoit une « évaluation au bout de 5 ans l’efficacité du nouveau mode de gestion et de prendre le cas échéant les mesures complémentaires nécessaires ».
Mais tout n’est pas fini ! Christian Triboulet et les pêcheurs suisses et français souhaitent aussi être consultés, avec Pro Natura, WWF, pour les mesures à prendre pour la qualité de l’eau du Doubs franco-suisse. Ce groupe de travail franco-suisse leur est, pour l’instant, fermé.
isabelle brunnarius
isabelle.brunnarius(a)francetv.fr