L’équipe du musée Courbet est partie de la toute récente rénovation du tableau de Courbet « L’atelier du peintre » exposé au musée d’Orsay à Paris pour proposer une exposition autour des photographies d’ateliers d’artistes signées Vincent Knapp.
C’est une mise en abîme. En une image, la femme de Vincent Knapp, elle-même graphiste, résume le propos de l’exposition estivale du musée Gustave Courbet. Il s’agit d’un atelier, celui de Zao Wou-Ki, dans lequel, elle a glissé des détails de l’immense et célèbre toile de Courbet, l’Atelier du peintre ou l’allégorie réelle de sept années de ma vie. Ce tableau où Courbet se représente entrain de peindre un autre tableau, est un des plus complexes à interpréter.
Les visiteurs du musée Courbet pourront tenter de décrypter la composition de cette immense toile grâce au dispositif installé à la fin du parcours de l’exposition temporaire : le musée d’Orsay a mis au point avec la fondation Orange un dispositif virtuel. Petit Bonus, il est également possible de visualiser en 3D l’atelier de Courbet à Ornans.
Mais l’essentiel est ailleurs. Les fidèles d’entre les fidèles des expositions du musée Courbet auront le privilège de la mémoire. L’exposition présentée cet été a déjà était montée à Ornans, c’était en 1987. Il y a tout juste trente ans, le conservateur du musée Courbet, Jean-Jacques Fernier, avait eu l’idée de commander une série de photographies à Vincent Knapp.
A Vincent Knapp, le photographe, nous avons ordonné d’aller à Paris (sa ville d’amour) à Zürich (sa ville natale) à New York (sa ville d’envoûtement), fouiller les ombres, sonder les murs, traquer les objets. Il en est revenu avec une moisson tragique et superbe : il a dit : le lieu est mort, restent les outils et les hommes !
Voilà ce qu’écrivait le tonitruent passionné de Gustave Courbet dans le catalogue de 1987. Quant au jeune Vincent Knapp (1957-2007) , il s’attaque à cette commande inspirée par les dernières recherches autour de l’Atelier du peintre ou l’allégorie réelle de sept années de ma vie, en toute humilité.
Toujours dans le catalogue de 1987, Vincent Knapp, détaille sa démarche :
Je photographie d’abord l’atelier ce qui me laisse du temps pour réfléchir au portrait. Ce qui importe c’est de prendre une photo qui en dise un peu plus sur chaque artiste… Au travers d’un geste par exemple. Même si il est casse-pied, il faut qu’on le sente casse-pied, si il a un tic, je montre le tic. Je cherche à ce que le portrait raconte quelque chose sur la personne photographiée. Alors je suis sans pitié parce qu’il ne s’agit pas de prendre des photos de beauté. Avec des artistes femmes c’est beaucoup plus difficile parce qu’elles essaient de plaire en photo. Si le portrait est réussi, alors il transmet tout cela, une émotion très personnelle. Cela n’a rien avoir avec la ressemblance. Une photo ressemble toujours à quelque chose et en même temps elle s’en échappe. Dès qu’elle est encadrée, en noir et blanc, l’image devient abstraite.
En 2017, cette série de photos d’artistes et de leurs ateliers prend une dimension remarquable. Frédérique Thomas-Maurin, conservatrice en chef du musée Courbet, a eu l’idée de présenter des oeuvres de ces artistes photographiés par Vincent Knapp. Et voilà comment le visiteur peut approfondir sa compréhension d’une oeuvre, d’une artiste. Il pourra non seulement admirer les oeuvres de Zao Wou Ki, Olivier Debré, Helena Viera Da Silva, Michel Seuphor, Aurélie Nemours, César…
L’épouse de Vincent Knapp, présente lors du vernissage avec l’oncle (Peter) et le père (Walter) de son mari, a prêté des photographies d’autres artistes prises en dehors de cette commande de Jean-Jacques Fernier : Gilbert et George, Peter Knapp, Jean-Michel Othoniel, François-Xavier et Claude Lalanne, Soulages sont, eux, photographiés en couleur.
Photographier un atelier d’artiste peut révéler sa personnalité, tout autant que de réaliser son portrait. Il n’existe plus de photographies de Gustave Courbet dans un de ses ateliers. Subsiste une photo où il prend la pause entrain de peindre un cerf dans un espace vide. Mais lorsqu’il peint lui même son atelier, c’est bien pour nous livrer son état de pensée. Les photographies de Vincent Knapp livrent elles-aussi une part d’intériorité.
Isabelle Brunnarius
isabelle.brunnarius(a)francetv.fr
Catalogue de l’exposition : Histoires d’ateliers, de Courbet à Soulages. Photographies de Vincent Knapp (1957-2007).
Editions du Sekoya. 19,50 euros