C’est l’aboutissement d’une année de travail. Le temps d’un après-midi, les 50 élèves de CE1 et CE2 de l’école élémentaire des Auxons, près de Besançon, ont été les médiateurs culturels du musées Courbet. Un travail pour mieux comprendre la démarche du maître d’Ornans. L’opération, baptisée « La classe, l’oeuvre ! » par les ministères de l’Education et de la Culture, est nationale. Le musée Courbet participe pour la première fois à cette initiative.
L’objectif, explique le musée Courbet dans sa brochure éditée pour l’occasion, est d’inviter les élèves à étudier les oeuvres du musée tout au long de l’année scolaire afin de concevoir leurs propres interprétations et médiations, présentées à l’occasion de la Nuit Européenne des musées.
Un air de fête flotte dans les salles du musée Courbet. Cet après-midi là, les enfants mènent la danse sous les yeux attendris de leurs familles. Mieux vaut commencer la visite par la collection permanente. Et là, le silence feutré du musée s’éclipse pour laisser place à la voix des écoliers. Avec leur institutrice Vanessa Jussy, ils ont imaginé une scène à partir de l’observation du « portrait présumé d’une jeune fille d’Ornans ». Aline Salvat, adjoint du patrimoine au musée Courbet, était venue auparavant dans leur classe leur présenter ce tableau. Un travail tout en finesse sur l’observation de la composition d’une toile et sur la pose du modèle.
Nous sommes en 1848. Gustave Courbet a 23 ans. Il travaille dans son atelier à Ornans. Une jeune femme vient lui rendre visite. Une jeune femme frappe à la porte de l’atelier de Gustave Courbet. Elle tient un panier dans les mains. Courbet est en train de ranger ses pinceaux, ses pots de peinture.
Entrez !
Bonjour. Vous êtes Monsieur Courbet ?
Oui, c’est moi. Mais appelez moi Gustave.
Mon oncle m’a dit que vous réalisiez des portraits.
Oui effectivement, vous seriez intéressée ? C’est un portrait de vous ?
Oui, si vous avez le temps …
Ca tombe bien, j’ai du temps en ce moment. Je fais mes études à Paris et je suis rentré cet été pour retrouver ma famille et me ressourcer dans ma région que j’aime tant.
Mais asseyez-vous, je vous en prie…
La jeune fille s’assoit face à Courbet, le panier sur ses cuisses. Elle regarde Courbet.
Pourriez-vous vous tourner légèrement ?
La jeune fille se place alors de profil, le panier toujours sur les genoux.
Pourriez vous poser votre panier ?
La jeune fille pose son panier puis croise les bras.
Pourriez vous poser vos mains, entrouvertes sur vos cuisses ?
La jeune fille fait ce qu’il demande.
Pourriez-vous vous tourner de trois-quarts et regarder vos mains ?
La jeune fille se tourne.
Ne bougez plus, c’est parfait !
Courbet peint cette jeune fille pendant deux heures. Il lui propose de revenir le lendemain pour poursuivre le travail. Quand elle quitte l’atelier, il se rend compte qu’il a complètement oublié de lui demander son nom et d’où elle vient …Il choisira alors le titre suivant : « Jeune fille présumée d’Ornans »
En quelques minutes, les enfants ont su traduire ce qui fait le génie d’un peintre : les détails d’une composition donne sa force à la toile. Ce « sentiment d’émouvante douceur » surgit des traces de pinceau mais surtout de la pose décidée par le peintre. Courbet ne laissait rien au hasard. Et c’est en mettant la main à la pâte que les enfants ont pu s’en rendre compte. Ils ont retravaillé avec des pastels gras ce portrait de jeune fille , ils ont pris la pose devant un photographe. C’est concret et cela restera sans doute gravé dans leur mémoire.
Un travail transdisplinaire : expression écrite, arts plastiques, informatique... Gustave Courbet était dans les têtes des enfants et de leurs enseignantes toute l’année scolaire. Outre les interventions d’Aline Salvat, les enfants ont passé une journée entière au musée et à la ferme de Flagey. Autre tableau étudié : Les paysans de Flagey, de retour de la foire (1850-1855). Cette grande toile, prêtée par le musée des Beaux-Arts de Besançon le temps de sa rénovation, mange le mur. La classe de CE1 de Sophie Berthod a décliné dans le temps et l’espace cette toile qui bouleversa les codes de la scène de genre. Une représentation à son tour chamboulée par les enfants : ils se sont incrustés dans la toile avec leur casquette et sac à dos. Le tableau s’est aussi allongé pour représenter l’imaginaire des enfants… Que faisaient donc les enfants des paysans de Flagey pendant que leurs parents étaient en chemin ?
L’accrochage du musée prend tout son sens quand les écoliers jouent la scène de la prison de Sainte Pélagie. Zoé rend visite à son frère, accusé d’avoir participé à la destruction de la colonne Vendôme. Elle lui apporte une truite de la Loue en guise de modèle… Une référence à la célèbre trilogie des truites peintes par Courbet et symbolisant avec vigueur la privation de liberté. En 1873, le peintre s’exile en Suisse. Au mur, côte à côte, l’autoportrait de Sainte Pélagie et une vue du château de Chillon au bord du lac Leman en Suisse.
Et si d’aventure vous avez l’occasion de vous rendre dans les quinze jours à venir au musée Courbet, vous pourrez observer l’abondante production graphique des élèves des Auxons. Et jouer à deviner quelles sont les toiles cachées dans les peintures-montages des écoliers. Un jeu où les adultes n’ont pas été les plus rapides à répondre !
Isabelle Brunnarius
isabelle.brunnarius@francetv.fr
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