23 Nov

La romancière, le photographe et la vallée de la Loue

Photographie de Stéphane Gavoye

Photographie de Stéphane Gavoye

C’était un de ces jours où je me lève sans chercher à savoir si j’ai mon compte d’heures de sommeil. Dans la semaine, le photographe Stéphane Gavoye m’avait contactée : il nous proposait d’aller voir si on entendait bien les murmures de Haute-Pierre, il voulait aussi attraper les lumières d’automne. J’attendais ce moment depuis longtemps….

Les murmures sont ceux imaginés par la romancière Carole Martinez. L’auteur du « Domaine des murmures » et de « La terre qui penche » nous fascine l’un comme l’autre. Nous aimons son style lyrique et chaleureux, ses histoires se déploient à travers les siècles dans cette vallée de la Loue si chère à nos coeurs.

Nous voilà en marche vers cette Terre qui penche… les phrases de Carole Martinez me reviennent à l’esprit. Des heures à plonger dans son univers… La Loue est omniprésente. Dès les premières page de « La terre qui penche », la rivière est un personnage à part entière :

« La vague a rugi sa rage jusqu’à Ornans, emportant tout sur son passage sans distinction aucune, puis, après ce formidable spectacle des eaux, la Loue, rassasiée, a regagné son lit avec son butin de chair et de bois ». La Terre qui penche

Déjà dans « Du domaine des murmures », Carole Martinez avait cousu ses histoires avec les fils des légendes franc-comtoises comme celle de la Vouivre. Deux siècles séparent les romans et la Dame verte hante toujours les eaux de la vallée. Esclarmonde la mystique et Blanche, cette « minute » qui sait vaincre le diable, sont les héroïnes de Carole Martinez. Elles nous révèlent les forces et les fragilités de la féminité. La vallée de la Loue abrite leurs secrets. Et, nous, lecteurs, nous marchons en rêvant aux mondes de ces jeunes filles.

 « Alors, à mesure que le jour s’est déplié sur cette terre qui penche, la vie du dehors s’est laissé prendre au piège de sa propre image, étonnée de se voir des contours si nets à la surface des eaux mortes et inquiétantes qu’aucune ondulation ne venait plus troubler. La Loue faisait silence et , jusqu’à ce que les cloches aient sonné sexte, on n’a plus entendu le moindre clapotis contre les pierres.» La Terre qui penche

Dans « La terre qui penche », Carole Martinez construit des passerelles entre ses romans anciens et futurs, elle sème des points de croix… L’histoire d’Esclarmonde est parvenue jusqu’à Blanche :

« Alors je l’ai suivi, encore, me demandant pour qui était la dernière rose. J’ai cru un temps qu’il l’offrirait à sa mère ou peut-être à la statue de Marie qui est dans la chapelle ou encore au fantôme d’Esclarmonde, cette jeune recluse qu’on a emmurée là, il y a deux siècles. » La Terre qui penche.

Et le lecteur de « La terre qui penche »  découvre qu’un des prochains opus de cette série de romans donnera vie à Elias et son épouse. La vieille âme de Blanche nous l’annonce, des archéologues fouillent la terre et découvrent des ossements d’un homme et d’un cheval… Ils tentent de reconstituer l’histoire qui s’est déroulée des siècles avant. Le lecteur, lui la connaît.

J’avais tout cela en tête lorsque je découvrais, enfin, l’heure bleue de la vallée de la Loue. Stéphane Gavoye a saisi les murmures de cette terre qui penche.  Voici les images de Laurent Brocard montées par Eric Debief.
Les extraits des romans sont lus par Carole Martinez.


La romancière, le photographe et la Loue

Isabelle Brunnarius
isabelle.brunnarius@francetv.fr