C’était une première. l’idée d’organiser une telle rencontre. Le 7 juin dernier à Ornans, l’association Canton Vivant avait convié le « grand public » à venir s’informer et débattre sur l’état de la Loue. Des affiches avaient été collées un peu partout dans la vallée. Résultat, une centaine de personnes s’est déplacée vendredi soir. Avant le débat, un extrait du film Doubs Loue de Jean-Philippe Macchioni et quatre interventions ont été suivies avec intérêt :
Jacques BREUIL, vice-président du Conseil Général, en charge du développement durable
Alexandre CHEVAL, garde fédéral de pêche
Alain CUINET, directeur bureau d’études spécialisé en hydrobiologie
Pascal REILE, Cabinet Reilé – hydrogéologue spécialiste du Karst et hydraulicien
ont chacun leur tour présenté leur point de vue ou leur connaissance du dossier.
La salle des Isles basses était comble mais est ce vraiment un bon indicateur de l’intérêt des habitants et des élus à sauver la rivière de leur vallée ? J’en doute.Même si le député Eric Alauzet (EELV) , le conseiller régional de Lavans Vuillafans Eric Durand (EELV) , Jean-François Longeot , maire d’Ornans et conseiller général (UMP) sont venus, même si quelques maires de la vallée se sont déplacés, cette réunion publique dont avait plus des airs de réunion de famille que d’assemblée populaire.
Dans la salle, il y avait aussi des présidents d’association de pêche, des représentants du monde agricole, des représentants du collectif Loue et rivières comtoises… Mais comment savoir si il y avait dans l’assistance de vrais néophytes, des curieux avides de comprendre pourquoi ils ne voient plus guère de truites quand ils se penchent sur la passerelle d’Ornans.
L’association Canton Vivant a pourtant bien compris l’enjeu d’ouvrir le débat à tous. Si ces néophytes étaient venus, qu’auraient-ils appris ?
Ils auraient pris conscience que :
–Le bassin versant de la Loue, c’est 112 800 habitants répartis sur 236 communes.
–Le sol karstique est si particulier qu’un épandage mal maitrisée à Levier peut avoir un impact sur la Loue.
— –Le contrat de rivière pour la Loue a omis de prendre en compte dans son périmètre Pontarlier alors que cette zone est connue pour être reliée par les sous-sols à la source de la Loue. En 1901, la contamination à l’absinthe de la Loue à la suite de l’incendie d’une usine d’absinthe de Pontarlier en est la preuve. Aujourd’hui, la Loue est polluée dès sa source.
–Des champs envahis par les pissenlits, c’est mauvais signe ! Trop de nitrates et risques de baisse de qualité et de diversité de la flore nécessaire à la fabrication d’un bon comté.
–La trop forte présence d’azote dans l’eau s’explique par l’activité agricole et humaine( problèmes d’assainissement mal traités).
-Le bulletin de vote que l’on glisse dans les urnes a son importance. Les agriculteurs appliquent les politiques agricoles décidées par nos gouvernements et l’Europe. « La Loue permet de nous interroger sur le modèle économique que l’on veut » (Eric Durand EELV). La filière Comté va-t-elle profiter de la fin des quotas pour augmenter sa production et mettre ainsi encore plus en péril la Loue? Les projets de porcheries pour fabriquer des saucisses de Morteau avec du porc local et non importé de loin est logique en soi mais les conséquences sur l’environnement ne doivent pas être omises.
–Le seuil irréversible a peut être été franchi en matière de quantité de poissons dans la rivière. Entre Ornans et Cléron, on est passé de 600 à 30 kilos par hectare de truites (Alexandre Cheval, fédération de pêche)…
– Les stations d’épurations ont beau être vérifiées régulièrement, de nombreuses incertitudes demeurent. Les médicaments , les micropolluants ne sont pas filtrés. Ensuite dans la rivière, on peut retrouver des effets cocktails entre différentes molécules qui ne sont pas du tout maîtrisés. Il y a aussi un phénomène de bio accumulation dans le temps qui est sous évalué.
–Il existe une aide technique du conseil général pour aider les municipalités dans leur gestion des stations d’épuration, explique le vice-président du conseil général du Doubs Jacques Breuil. Mais encore faut-il, une fois que les communes se soient mis aux normes, que les habitants fassent la démarche de se raccorder et ce n’est pas toujours le cas.
–La législation évolue : Depuis 2007, les phosphates dans les détergents textiles ménagers sont interdits en France. Prochainement, l’utilisation des phosphates devrait aussi être limitée pour les lave-vaisselle domestiques et industriels.
–Mieux vaut ne pas compter sur la Police de l’eau, l’ONEMA, pour verbaliser les réfractaires ( épandages sur sols gelés par exemple). Ils ne sont pas assez nombreux ! Michaël Prochazka, ancien agent de l’ONEMA, nous précise que le nombre d’agents sur le terrain a été réduit de moitié.
–C’est très compliqué de comprendre qui décide de quoi et qui fait quoi. Entre le SAGE, le syndicat mixte de la Loue, la Commission Locale de l’Eau , les groupes d’experts ( en région ou national), le syndicat mixte Doubs Loue, le syndicat mixte des milieux aquatiques du Haut-Doubs… On s’y perd, on s’y noie et finalement les actions ne sont pas lisibles.
–On peut pratiquer le canoé-cayak sur la Loue sans danger en ce qui concerne la qualité de l’eau mais qu’il est toujours interdit de consommer le poisson pêché dans une portion du Doubs en raison d’une forte présence de PCB. En Haute-Saône, les pêcheurs doivent être vigilants en raison de la leptospirose…
-Sur les 236 communes du bassin versant, seules quelques unes ont adhéré à l’opération zéro pesticides. C’est ce qui me fait le plus réfléchir. Changer ses pratiques pour désherber, ce n’est pas une question de budget, c’est juste une question de volonté. Et là, il n’y en a pas ! Pourquoi ? Par manque d’information, par négligence, par indifférence ?
-« Seul on ne peut rien, c’est en étant solidaire que l’on peut avancer » a déclaré à l’assistance Alexandre Cheval, le garde de pêche de la fédération du Doubs. Solidaire, vous avez-dit solidaire ?
Isabelle Brunnarius
isabelle.brunnarius@francetv.fr