26 Sep

Gustave Courbet répond à Nicolas Jachet.

La truite de Courbet version 2012 vu par Jean-Michel Blondeau à partir d'une photo de Patrice Malavaux

Jean-Michel Blondeau, Ornanais et habile webmaster de SOS Loue et rivières comtoises, a concocté tout spécialement pour le blog de la Loue une réponse au courrier de Nicolas Jachet : Il s’est glissé dans la peau de l’illustre peintre !

Voici son billet :

jeudi 30 août 2012 18:47

Très chère Isabelle,

Vous m’avez convié à sortir de mon sommeil pour vous aider à illustrer votre réponse à la lettre du Sieur Jachet, suite à son séjour dans ma vallée. C’est en effet le spectacle le plus désolant qu’il soit possible d’imaginer.

J’ai hésité à vous brosser une prairie du plateau couverte de pissenlits, mais j’ai créé le réalisme et non l’hyper-réalisme, mon style aurait amené la confusion avec les jonquilles de mon époque.

Avec ces nouveaux outils informatiques je ne retrouve pas encore l’habileté de mes pinceaux, mais ce sera bien suffisant pour exprimer ce que j’en pense.

Ce que vous voyez là, ce ne sont que quelques poissons morts, dont la seule vue suffit à me retourner dans mon trou depuis une bonne trentaine d’années.

Ils ne sont pourtant que les indicateurs visibles de problèmes bien plus graves et profonds : C’est en effet toute ma région, la Franche-Comté qui part à vau-l’eau avec son économie malade.

Le comté devenu immangeable, les prix du lait vont s’écrouler, le problème de la pollution agricole se réglera de lui même avec la ruine des paysans. Mais pour le tourisme de qualité qui faisait aussi la richesse de ma chère vallée, il n’y aura bientôt plus que mes toiles (bien mal éclairées) à donner à voir. Quand je pense que de mon temps ils les auraient bien brûlées !

C’est la société dans son haut, dans son bas, dans son milieu qui a rendu les armes. L’État et les élus, trop occupés à estomper la catastrophe dépensent l’argent public sans compter, mais à quoi serviront des passes à poissons quand tout sera crevé ?

Le courrier du Sieur Jachet montre quelle perception un voyageur de passage peut avoir de notre région. Mais ce n’est malheureusement pas celle de la majorité des habitants de la vallée, habitués à confier les merdes à la rivière, et pour qui un bel orage va remettre les choses en ordre ! D’où je suis, je connais leur moindre pensée, et j’ajouterai ce qu’ils se cacheront bien d’avouer, persuadés qu’ils sont qu’eux-mêmes n’en subiront pas les conséquences et que leur descendance se démerdera comme elle le pourra…

Cet égoïsme en est la principale cause, avec le manque d’éducation et de connaissances qui permettent depuis toujours les arrangements complices.

Ne vous attendez pas à ce que je me lève, faisant revivre l’esprit de la Commune, afin de mettre fin aux intérêts de quelques castes et privilégiés au détriment du peuple. Depuis la crise de l’usure vous avez laissé les mafieux entrer au capital des banques, les risques sont redevenus identiques à ceux de mon époque, et un nouvel exil m’est aujourd’hui difficilement envisageable. Écoutez plutôt les conseils de quelques uns de vos contemporains (tout comme moi réalistes) comme les gens du collectif SOS Loue et rivières comtoises, ils sont compétents et œuvrent à faire émerger depuis deux ans les dernières chances de solutions.

Encore vous faudra-t-il réussir à mettre tout ce monde autour d’une table avec comme seule volonté une sortie de crise honorable.

Vous souhaitant beaucoup de courage et la réussite nécessaire, je vous remercie, de la constance de votre engagement pour cette noble cause.

Veuillez agréer, chère Isabelle, l’expression de mes salutations sincères.

Gustave. Fait à Ornans le 30 août 18 2012.