Pour le troisième samedi consécutif, les « Gilets jaunes » ont manifesté dans les rues de Toulouse. D’abord pacifique, la contestation a pris une tournure dramatique avec de violents affrontements qui ont duré plus de quatre heures. Dans son dernier bilan, la préfecture fait état de 57 blessés dont 48 policiers.
À Toulouse, deux rassemblements —l’un organisé par les « Gilets jaunes » et l’autre par des syndicats— ont convergé sur les boulevards du centre-ville pour protester contre les différentes mesures économiques décidés par le gouvernement. Dans un premier temps pacifique, la situation a véritablement dégénérée avec les manifestants les plus radicaux.
Dans le quartier Jeanne d’Arc, une partie du cortège se détache et veut rejoindre la gare Matabiau. Cette tentative est immédiatement réprimée par les forces de l’ordre avec des tirs de grenades lacrymogène, rue Bayard. À cet instant, la colère prend une autre dimension et il s’érige à hauteur d’un célèbre fast-food américain une barricade faite de chaises, de tables, d’un parasol ainsi qu’un petit départ de feu de palettes. Acculés et visiblement en sous-effectif, les policiers nationaux répondent aux nombreux jets de projectiles par des grenades lacrymogène. La place Jeanne d’Arc est littéralement dans un nuage de «lacrymo». Des mouvements de foules dispersent les premiers manifestants et les passants venus faire les emplettes pour ce premier samedi de décembre sont pris de panique. En pleurs et avec une gène respiratoire, ces non-manifestants se réfugient dans les commerces du quartier. Là, une famille sort de l’ascenseur qui provient de la station de métro et une femme est en détresse respiratoire. Elle est transportée avec l’aide de manifestants et journalistes dans un restaurant kebab pour qu’elle puisse reprendre ses esprits. Une situation qui peut paraitre anodin dans cet ensemble d’affrontements violents mais qui peut marquer durablement les esprits de ces passants, notamment pour les plus jeunes.
Dans cette artère de la ville très fréquentée, les passants ont été pris au piège dans les gaz lacrymogène.
Quelques instants après, la réponse des forces de l’ordre se fait plus intense quand la taille des projectiles jetés par les manifestants grossissent. Les policiers jettent en l’air ou au sol des grenades assourdissantes. Au moment de l’explosion, un flash blanc apparait et une forte détonation de 170 db se fait entendre. En moins de 15 secondes, quatre grenades sont lancées. Dans ce moment, la situation est réellement dangereuse et plusieurs journalistes sans protection adéquate, dont moi, choisissent de se réfugier dans les habitations environnantes. Après plusieurs longues minutes nécessaires pour éliminer les derniers résidus de lacrymogène dans le corps, les affrontements sur la place Jeanne d’Arc sont toujours d’une intensité inédite. Barricades, incendies, jets de pavés, … de mémoire de journalistes, le degré de violence de certains manifestants qui veulent en découdre et la répression des policiers est sans précédent. Du jamais vu, même après les manifestations toulousaines survenues suite à la mort du militant écologiste Rémi Fraisse, à Sivens. Les images ont circulé sur Twitter ou encore Snapchat et en fin de journée plusieurs dizaines de curieux se dirigent vers l’épicentre des affrontements. Plusieurs mouvements de foules font reculer les personnes présentes mais en réalité ce ballet d’allers-retours durera plusieurs heures.
// Pour aller plus loin: «Manifestations: Faut-il couvrir les affrontements?» et en (reportage) vidéo, la journée du samedi 1er décembre.
Dans ce troisième samedi de mobilisation des « Gilets jaunes », plusieurs observateurs avertis s’accordent pour dire que près de 1.500 personnes ont participé au défilé. Dans les rangs de ces manifestants, on trouve des personnes de tous les âges, dont certains manifestaient pour la première fois depuis la création des « Gilets jaunes ». On découvre également des contestataires venus de tous les horizons politiques allant de l’extrême-gauche à l’extrême-droite. On pouvait entendre, élément nouveau, à la fois La Marseillaise et quelques instants plus tard l’International puis quelques slogans anticapitaliste. Ce méli-mélo de protestataires est quelque chose d’inédit, il brasse sous ce gilet jaune un mécontentement divers aux réponses complexes. Si certains esprits se permettent de parler d’une «guerre civile», cette qualification semble inappropriée mais dans les rues de Toulouse —jusqu’en milieu de soirée— le climat était clairement insurrectionnel.
En noir, munition d’un lanceur de balle défensive.