14 Avr

«Gilet au bout de mes rêves»

Samedi 13 avril, l’appel national des «Gilets jaunes» à rejoindre Toulouse pour «l’acte XXII» a rassemblé plusieurs milliers de personnes dans une atmosphère de violences. Parmi les manifestants, des figures comme Priscillia Ludosky, Eric Drouet ou Maxime Nicolle. Ce vingt-deuxième samedi de mobilisation a également inauguré la nouvelle loi «anti-casseurs» qui a rendu possible plusieurs interpellations pour dissimulation du visage.

 

Ils n’atteignent pas le Capitole mais font de Toulouse la «capitale» d’un jour. Les «Gilets jaunes» manifestent pour la vingt-deuxième fois dans la Ville rose dans un méli-mélo de revendications, avec toujours le référendum d’initiative citoyenne (RIC) en tête. Interdite pour le quatrième samedi consécutif par décision préfectorale, l’emblématique place du Capitole est ceinturée par les forces de l’ordre venues en nombre. Plus de huit cents policiers et gendarmes quadrillent autant que possible les boulevards et ruelles de la ville.

Les premiers «Gilets jaunes» s’approprient l’esplanade François-Mitterrand, dans le quartier Jean-Jaurès, dès 10h avec un spectacle chorégraphique de type Haka qui met en scène des Marianne «en lutte face au patriarcat». Imaginé par un collectif «art’iviste» nommé Aux Arts etc … , un porte-parole précise aux médias qu’il est «interprété par des membres actifs» des «Gilets jaunes» toulousains. Vers midi, le cortège déjà composé d’au moins mille personne s’élance en direction de la médiathèque José-Cabanis en passant par les allées Jean-Jaurès en cours de réaménagement. Un terrain apprécié par les casseurs ou black block qui voient l’opportunité d’incendier du matériel de chantier ou de glaner tout élément qui peut servir de projectile contre les forces de l’ordre. C’est d’ailleurs en réplique à un jet de bouteille en verre en direction des policiers que ces derniers envoient des grenades lacrymogènes. Là, se trouve une équipe de l’émission télévisée «Quotidien». On reconnaît la journaliste Salhia Brakhlia avec un JRI, le preneur de son et de plusieurs agents de sécurité. Alors que la situation est redevenue calme, elle souhaite rejoindre le reste de son équipe mais se heurte à des policiers inflexibles qui barrent à quiconque les allées. Au même moment, plusieurs mètres plus loin, le caméraman reçoit au moins un coup de matraque à la jambe alors qu’il brandit sa carte de presse.

 

 

Pendant plus de sept heures d’affrontements, les dégradations visent principalement des agences bancaires, immobilières ou d’assurances. Le mobilier urbain est saccagé tout comme les scooters électriques appartenant à la société Indigo weel (ex-Vinci park) et les panneaux de publicité JCDecaux sont systématiquement brisés et tagués d’inscriptions plus ou moins inspirés. «Gilet au bout de mes rêves» ou «T’es où Jean-Luc?» en référence à l’immersion du maire (LR) de Toulouse dans une manifestation au mois de décembre 2018. Les affrontements se produisent partout en ville et les casseurs se dispersent en plusieurs groupes avec cette capacité d’être plus mobiles que les forces de l’ordre. Quasiment toute cette demi-journée, l’air est saturé de gaz lacrymogène et le sol jonché de résidus de grenades. Malgré les protections individuelles, il n’est pas rare d’être en situation de détresse respiratoire, d’avoir un fort écoulement nasal et une gorge irritée pendant au moins trente secondes. On ne compte d’ailleurs plus les mouvements de foules qui brassent manifestants ou simples passants avec leurs sacs plastiques aux mains quand un nuage de lacrymogène surgit.

 

Au passage des manifestants, les tables de restaurants se vident rapidement

 

Au bout de la rue Bellegarde, direction Jeanne-d’Arc, un groupe de casseurs se retrouvent face aux gendarmes mobiles. Les militaires tiennent la ligne, envoient du gaz lacrymogène ainsi que des grenades assourdissantes dont la détonation est décuplée par la configuration spatiale de cette rue étroite. Stationné sur le trottoir, un utilitaire a le pare-brise fissuré et les vitres latérales éventrées. Rapidement, un feu est allumé dans l’habitacle du véhicule par des individus. L’immeuble, tout proche, est touché de manière partielle. Seuls les volets en PVC sont endommagés mais des habitants dont une mère de famille avec un enfant sont évacués au milieu d’une épaisse fumée sombre. À proximité, dans la rue Bayard, les forces de l’ordre repoussent les manifestants vers le canal du midi et sont la cible de feux d’artifice qui touchent également un immeuble d’habitation.

 

 

 

Toute la demi-journée, les casseurs jouent au chat et à la souris avec les forces de l’ordre. Quand les policiers de la Bac le peuvent, ils procèdent à des charges pour récupérer aux mains des manifestants ces banderoles qui sont, entre autres, utilisées «comme moyen de protection contre le canon à eau», explique un observateur des manifestations toulousaines. Cet «acte XXII» des «Gilets jaunes» s’inscrit également dans le contexte de la promulgation de la nouvelle loi «anti-casseurs» qui sanctionne plus durement le fait de «dissimuler volontairement tout ou partie de son visage sans motif légitime». Dans un communiqué publié dimanche 14 avril, la préfecture de la Haute-Garonne fait savoir que «quinze personnes» sur les «quarante-cinq» interpellations sont liées à cette infraction.

 

→ Pour aller plus loin: «Manifestations: Faut-il couvrir les affrontements?»

 

Ce déferlement de violences et de dégradations —jugés légitimes ou illégitimes selon le côté que l’on se place— phagocytent les revendications pacifiques audibles à la naissance du mouvement des «Gilets jaunes». Ces violences exaspèrent notamment les commerçants où un patron d’un restaurant de la place Wilson en est venu aux mains contre des «Gilets jaunes». Des altercations rapidement stoppées par les policiers de la sécurité publique. Plus tard, à Jean-Jaurès, les forces de l’ordre sont conspuées par les manifestants alors qu’elles procèdent à des interpellations. La police réplique avec des grenades lacrymogènes et de désencerclement.

 

 

Vers 20h, la situation semble revenir au calme dans Toulouse. Sur le podomètre de la montre connectée, le compteur affiche pratiquemment 17km de marche. Bref, un samedi de manifestation.