06 Déc

«On veut des ronds, pas des points»

C’est à Toulouse, vivier de contestations sociales, qu’on retrouve après Paris la plus forte mobilisation contre la réforme des retraites. Jeudi 05 décembre 2019, jeunes, vieux, actifs et retraités ont massivement répondu présents à l’appel des organisations syndicales. Quelques incidents ont écorné le cortège.

 

Il faut remonter en 2016 pendant la «loi Travail» ou plus loin en 2010 —déjà contre la réforme des retraites— avec 155.000 manifestants selon les syndicats contre 35.000 d’après la préfecture pour retrouver un mouvement social d’ampleur dans la Ville rose. Ce 5 décembre 2019, dans les différents cortèges, le compte Twitter du préfet de la Haute-Garonne comptabilise 33.000 manifestants alors que les organisations syndicales en revendiquent 100.000. La vérité se trouve peut-être dans ces deux données, sans doute à la moitié (soit 66.000).

Au-delà de la bataille des chiffres, c’est la guerre des jeux de mots. Comme toujours, les manifestants rivalisent d’ingéniosité et se calquent sur les déclarations politiques du pouvoir exécutif pour signer leurs meilleures pancartes ou tags sur les murs et vitrines de la ville. Sur le macadam de la place saint-Cyprien, la colère est au rendez-vous. La masse compacte de manifestants investie également toutes les allées Charles-de-Fitte en direction du pont des Catalans. C’est sans compter sur le flot ininterrompu de grévistes qui traverse le pont-Neuf pour converger vers la rive gauche. À l’extrémité, la tête de cortège composée de «gilets jaunes» et de protestataires non-syndiqués enclenche la marche pour traverser la Garonne. Et s’il fallait une preuve pour démontrer que la mobilisation est conséquente, trente minutes après son départ l’arrière du cortège reste bloquée sur la place. Les drapeaux de la CGT colorent par grappes de rouge les rangs des manifestants composés de lycéens, d’étudiants, des salariés du privé, de retraités, d’enseignants du public, du personnels hospitaliers, de douaniers, d’agents des finances publiques, … presque tous les corps de la fonction publique d’État sont représentés. Parmi les contestataires, les soldats du feu sont chaleureusement applaudis et réalisent des die-in.

 

 

Au passage des manifestants sur les boulevards de la Ville rose, les balcons fleurissent de curieux qui saisissent leur smartphone et autre tablette pour figer la foule déterminée. Le cortège s’élance vers le quartier François-Verdier et croise à plusieurs endroits stratégiques une ligne de gendarmes mobiles, casque vissé sur la tête. Une présence qui, bien qu’elle soit à distance, échauffe les esprits de certains manifestants et abondent d’une seule voix de slogans hostiles à la police. Quarante minutes après l’arrivée des premiers manifestants devant le monument aux Morts, l’axe routier envahi par les participants majoritairement dans l’expectative ont les yeux tournés vers la rue de Metz barrée par des lignes de CRS avec l’appui d’un camion à eau. Ce dernier repousse plusieurs dizaines d’individus munis de boucliers de fortune comme des bâches ou des poubelles. Des projectiles lancés depuis les boulevards volent en direction des forces de l’ordre qui décident, après plus de vingt minutes de face-à-face parfois violents, de charger et de procéder à des interpellations tout en saturant l’air ambiant de gaz lacrymogènes. Mouvements de foule, cris, une scène quasi-habituelle dans les rues toulousaines. S’il existe encore des dégradations matérielles ciblées : agences bancaires, assurances, le degré de violence reste en-deçà par rapport aux scènes insurrectionnelles de décembre 2018 avec le mouvement des «gilets jaunes».

 

 

Pendant deux heures dans les rues de l’hyper-centre, c’est le jeu du chat et de la souris entre policiers et derniers contestataires. Sur les allées Jean-Jaurès, gendarmes mobiles et CRS travaillent de concert pour évacuer les individus qui allument des feux de poubelles et de palettes. 22 personnes ont été interpellées.