14 Avr

« Clic-clac »: Juste une mise au point …

La journaliste Adeline François (BFM TV) a minimisé dans sa matinale le cliché réalisé par Ronaldo Schmidt (AFP). Pour cette image iconique, il décroche le prix de la photo de l’année 2018 du prestigieux World press photo. Retour sur un commentaire symptomatique de l’incompréhension du travail fait par les photoreporters.

Comme d’autres confrères, j’ai écouté avec lassitude les propos d’Aline François, journaliste à BFM TV. «Le prix de la meilleure photo d’actualité a été remis à un photographe de l’Afp, qui s’appelle Ronaldo Schmidt, qui a juste appuyé (rire) sur le clic-clac au bon moment», a expliqué la présentatrice dans la matinale du vendredi 13 avril 2018.

Une appréciation qui a provoqué une vague d’indignations auprès des (photo)journalistes sur les réseaux sociaux. «Sérieusement, montrez un peu plus de respect pour les reporters de terrain», a répliqué Grégoire Lemarchand, rédacteur en chef adjoint à l’AFP. Quelques heures plus tard, la société des journalistes de la célèbre agence de presse a réagi en demandant des «excuses pour ce commentaire déplacé». Une doléance entendue par l’intéressée qui a présenté, sur le Huffington post, «ses excuses les plus plates et les plus sincères». Ce qui est considéré comme une «maladresse», de l’aveu-même d’Adeline François, est en réalité symptomatique d’une vision fantasmée et simpliste du travail réalisé par les photojournalistes. En d’autres termes, je pourrais reprendre le célèbre slogan (en 1900) de Georges Eastman pour Kodak «Appuyez sur le bouton, on s’occupe du reste». La photo de presse, c’est bien plus complexe que cela.

 

La chance, il faut la provoquer

Depuis juillet 2015, je suis membre de la Réserve citoyenne de l’Éducation nationale. J’interviens dans les écoles, collèges, lycées et même post-bac pour parler de mon métier, de mon savoir-faire. J’accorde de l’importance à présenter mes images, à les décrypter avec mes auditeurs mais surtout je rappelle à ces élèves qu’une photo de presse ce n’est pas le résultat d’avoir photographié n’importe quoi et n’importe comment. Une bonne photo d’actualité réunie deux idéaux, parfois difficiles à atteindre. Elle doit apporter une information et être forte esthétiquement (je cite alors en exemple la photo du petit Aylan Kurdi). Résumer le travail des photojournalistes avec une simple explication qu’ils n’ont «juste [qu’à] appuyer sur le clic-clac au bon moment» est vraiment une analyse à l’emporte-pièce. Pour avoir une bonne image, il faut anticiper les événements, les mouvements de foule. Il faut sans cesse observer et se placer correctement. Et même si «par chance» vous êtes là au bon endroit et au bon moment, il faut continuer à réfléchir —en une fraction de seconde— au cadrage et à la composition que vous cherchez. La chance, il faut la provoquer. Alors, quand je réécoute à nouveau cette appréciation journalistique sur une chaine d’information en continue, je me dis qu’il n’est pas bon de faire mon métier. Entendre un tel propos, cela me fait penser que l’éducation aux médias et à l’information n’est décidément plus réservée qu’au champ de l’école, mais aussi à des adultes …

/// Pour aller plus loin: «Burning Man» à Caracas : l’histoire d’une photo explosive… et consensuelle, à lire sur L’Obs