IMPROBABLE – Ce jeudi 22 octobre devant le palais de justice de Toulouse, les forces de l’ordre ont tenté de déloger les avocats avec du gaz lacrymogène. En grève pour la deuxième journée consécutive contre la réforme de l’aide juridictionnelle et en soutien aux avocats du barreau de Lille, récit d’un après-midi sur le qui-vive.
13h50, près de la place Esquirol à Toulouse, de sirènes de police se font entendre. Deux camionnettes foncent à vive allure et détournent le regard des passants de leur activité. « Il doit se passer quelque chose », me dit un confrère photographe. Un rapide coup d’œil sur Twitter confirme nos hypothèses.
Les CRS sont arrivés #Toulouse #AJenPeril
— Floripedes (@Floripedes) 22 Octobre 2015
Instantanément, les images vues dans les JT d’avocats lillois expulsés manu-militari du TGI s’impriment en tête. Il faut donc courir en direction des allées Jules-Guesde pour comprendre ce qu’il se passe et s’il y a des images à réaliser. Sur place, la confusion règne. Il y a deux groupes de manifestants, l’un est à l’entrée principale du tribunal de grande instance (TGI) et l’autre devant la caserne Saint-Michel de la gendarmerie. Une dizaine de policiers de la compagnie de sécurisation et d’intervention (CSI) tiennent une ligne de 6 à 7 mètres devant un camion de gendarmerie qui transporte des détenus. Certains fonctionnaires de police sont casqués, d’autres non mais ont tous des boucliers.
A l’écart, une avocate assise à même le sol a les yeux rougis. C’est le signe que les forces de l’ordre ont utilisé du gaz lacrymogène. Elle refuse de se faire photographier. « C’est bon, ça suffit les photos ! », dit-elle avant qu’un de ses confrères derrière-moi ne réplique d’un « s’il vous plait ». A deux minutes près, il aurait peut-être possible de réaliser cette photo du tir à la gazeuse lacrymogène. Il y a aucun autre journaliste sur place à ce moment. Un avocat me montre une des vidéos réalisées par smartphone. On constate, sur le film, à la gauche de l’écran le gaz lacrymogène tiré à la gazeuse pendant uniquement 3-4 secondes. Ce qui est suffisant pour disperser les manifestants en première ligne et provoquer instantanément pleurs et gênes respiratoires. « Ils nous ont chargé et gazé sans sommation« , me dit un autre avocat. Le Syndicat des avocats de France a recensé qu’une « quinzaine d’avocats a été gazée [et] deux avocats ont reçu des coups de matraque« .
Quinze minutes plus tard, une voix au microphone propose de quitter la ligne défendue devant le camion de gendarmerie et de se rassembler à nouveau devant le palais de justice. Le but des avocats? Obstruer toutes les entrées au Palais pour éviter que les détenus qui doivent comparaitre ne se rendent dans le box des prévenus. Au plus fort de la manifestation, un peu plus de 250 personnes étaient rassemblées. Une voix parmi les manifestant s’insurge: « C’est inadmissible ce qu’il s’est passé, ils veulent nous écraser comme du guacamole?« .
Des avocats qui bloquent une entrée à 150 mètres font des gestes avec leurs bras pour signaler que deux véhicules de l’Administration pénitentiaire tentent d’entrer dans le parking souterrain. Scène improbable, les femmes et hommes en robe noire réalisent la course du 100m. L’adrénaline remonte, les avocats crient et scandent des slogans. D’un geste de la main, les manifestants veulent faire reculer le Renault Kangoo de l’Administration pénitentiaire. Je vois un confrère photographe de la Dépêche du midi filmer la scène avec son appareil photo.
Quarante-cinq minutes après les incidents devant le palais de justice, beaucoup de médias sont présents. Un JRI de France 3 Midi-Pyrénées est là, puis ITélé, BFMTV, un autre photojournaliste de l’AFP arrive aussi. Sur la place du Salin, il semble se passer quelques chose mais rien de certain, machinalement il faut courir près des avocats. C’est là aussi le jeu du chat et la souris. « Ils sont entrés de force », déplore un avocat. Après avoir son souffle, un journaliste témoigne : « Si un jour je savais que j’allais courir après des avocats … ».
Vers 15h45, le bâtonnier Anne Fauré demande à ses confrères de se disperser pour 16h et explique qu’une suite avec dépôt de plainte est envisagée. Il reste néanmoins une dizaine d’avocats à 150 mètres de l’entrée du palais de justice qui n’ont pas été visiblement pas prévenu d’une demande de dispersion. De l’autre côté de l’allée Jules-Guesde, 10 policiers chargés du maintien de l’ordre se positionne en face des manifestant. « Mais regardez-les cela ! », s’exclame une avocate. « Collabos ! », lance une autre voix.
Avant la dispersion, les avocats retirent leur robe et manifesteront encore demain.
Dans la soirée, Christiane Taubira, la ministre de la Justice, « déplore les incidents survenus » et « souhaite que les conditions de sérénité soient rétablies et que le mot d’ordre de grève puisse être suivi sans incident. »
Les avocats toulousains sont en grève jusqu’au 26 octobre. Une action est prévue en début d’après-midi, avec distribution de tracts, dans les rues toulousaines ce vendredi 23 octobre.