La date approche à grands pas : chaque troisième vendredi d’octobre, dans un véritable pèlerinage, les habitants de Limoges convergent vers le quartier de la boucherie pour célébrer la frairie des petits ventres. Un hommage à l’histoire, et à la gastronomie locale : girot, boudin, et autres couilles de mouton.
Une question légitime
Comme ce blog va parfois à contre-courant, prenons du recul pour se demander si tout cela, c’est bien bon.
La question peut sembler très rabat-joie, certes, mais elle est tout de même légitime : alors que beaucoup s’inquiètent à juste titre du glyphosate, qui est classé comme « cancérogène probable » par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), la charcuterie est classée comme « cancérogène certain »… Quand on s’intéresse au sujet objectivement et sans a priori, tout en étant limousin, il y a de quoi s’interroger un peu.
Un constat validé
Pour mieux comprendre la classification du CIRC, on peut se rendre sur le site de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). On y parle de « produits carnés transformés » : c’est « la viande qui a été transformée par salaison, maturation, fermentation, fumaison ou d’autres processus mis en œuvre pour rehausser sa saveur ou améliorer sa conservation. La plupart des viandes transformées contiennent du porc ou du bœuf, mais elles peuvent également contenir d’autres viandes rouges, de la volaille, des abats ou des sous-produits carnés comme le sang. »
On est bien dans le sujet. Mais alors, que signifie la classification « cancérogène pour l’homme » ?
Selon l’OMS, « cette évaluation se fonde généralement sur des études épidémiologiques montrant le développement du cancer chez les personnes exposées. Dans le cas de la viande transformée, cette classification se fonde sur des indications suffisantes provenant d’études épidémiologiques de ce que la consommation de viande transformée provoque le cancer colorectal chez l’homme. »
Des chiffres à relativiser
Pour l’OMS, certes, il y a des morts, mais ce n’est pas la cause de cancer la plus importante, et de loin : « Selon les estimations les plus récentes du Global Burden of Disease (GBD) Project, organisme de recherche universitaire indépendant, 34 000 décès par cancer par an environ dans le monde sont imputables à une alimentation riche en viandes transformées (…). Ces chiffres contrastent avec 1 million de décès par cancer par an environ à l’échelle mondiale imputables à la consommation de tabac, 600 000 à la consommation d’alcool, et plus de 200 000 à la pollution atmosphérique. »
Le cholestérol en embuscade
Bon, promis, c’est le dernier chapitre sur les méfaits des abats, et après il y aura du positif. Mais on ne peut pas parler que de cancer…
Selon la nutritionniste Pascale Modaï, citée en 2014 par le site allodocteur, toutes les viandes, en particulier les abats, même maigres, sont sources de cholestérol : « Le plus riche en cholestérol est la cervelle (plus que le jaune d’œuf) ensuite rognons et foie. Les plus pauvres en cholestérol sont le cœur, la langue mais on y trouve malgré tout trois fois plus de cholestérol que dans le poisson. »
Et puis il y a un risque pour les femmes enceintes : « On déconseille aux femmes enceintes de manger trop d’abats, comme le foie, les rognons, la langue de veau et de bœuf car ils sont très riches en vitamine A, qui à forte dose est potentiellement tératogène, c’est-à-dire pouvant entraîner des malformations graves chez le bébé. »
Pas que du négatif
Certains sites internet ont tout de même tendance à conseiller la consommation d’abats. Ouf.
On pouvait lire en 2016 sur « e santé » : « Ils (les abats ndlr) sont assez pauvres en graisses et relativement peu caloriques. Et les abats sont très riches en vitamines, en protéines et en minéraux. Le foie de veau par exemple contient beaucoup de fer. Ce sont des aliments de très bonne qualité diététique. »
Pascale Modaï confirme en expliquant que les abats sont riches en protéines de qualité, essentielles à l’organisme : « Elles jouent un rôle dans la structure et le renouvellement des muscles, des os, de la peau, des phanères (cheveux, ongles, poils) mais aussi l’immunité (fabrication des anticorps).
Mais selon Estelle Goudou, diététicienne à Limoges, la médaille à un revers. Pour elle, les reins ou le foie sont des filtres du corps humain. Les toxiques s’y accumulent. Et quand on mange par exemple du foie, on ingurgite ces toxiques : « Le foie enferme tous les mauvais nutriments ».
Alors, la frairie, on y va ?
Bien sûr qu’on y va ! Toujours selon Estelle Goudou, « Il ne faut pas être sectaire ». Le côté festif et convivial de l’évènement est majeur. On peut manger des abats de temps en temps, et en plus, cela fait de la marche à pied.
En revanche, les produits proposés doivent être consommés en conscience, tout comme l’alcool, un autre cancérogène avéré…