Le 2 avril dernier, le média d’investigation de Toulouse Médiacités publiait un scoop nommé : « CHU Leaks : ces documents confidentiels qui accablent l’hôpital toulousain ».
Le sous-titre est flatteur pour les journalistes, et pas vraiment pour l’hôpital : « Mediacités a eu accès à plus de 26 000 fiches d’incident enregistrées par le personnel du CHU de Toulouse. Graves dysfonctionnements techniques, manque d’effectif, mise en danger des patients : cette fuite inédite de documents confirme la situation plus qu’inquiétante de l’hôpital toulousain. »
Des documents mal compris ?
Que se passe-t-il au CHU de Toulouse ? Il ne s’agit pas ici de juger la gestion de l’hôpital ou les conditions de travail du personnel. Mais les auteurs des « CHU Leaks » ont-ils bien compris les documents qu’ils avaient sous les yeux ?
Il est vrai que certaines fiches sont inquiétantes : «Lors de l’intervention chirurgicale, la pièce à main du moteur… a craché un liquide noir dans la bouche du patient… et a brûlé la lèvre et la joue gauche.» Un cardiologue rapporte la défaillance technique d’un défibrillateur qui «ne reconnaît plus le signal au moment de choquer le patient».
Et pourtant, même si c’est surprenant, la déclaration de ces incidents, dont le sérieux n’est pas remis en cause, devrait plutôt rassurer.
Déclaration d’incident = sécurité
En effet, plus un hôpital déclare d’incidents, plus il mise sur la sécurité.
Le constat peut paraître paradoxal. Mais l’objectif de ces déclarations est bel et bien d’améliorer la qualité des soins. Ce type d’incidents est fréquent dans les hôpitaux. Si on ne les déclare pas, ils risquent de se reproduire. En les déclarant, on réduit ce risque.
La Haute Autorité de Santé l’expliquait clairement en 2015 : « Alors que le retour d’expérience est une démarche incontournable dans les secteurs à risque tels que l’aviation ou le nucléaire, le secteur de la santé s’appuie encore beaucoup sur un retour d’expérience tacite, limité à un cercle spécialisé et moins sur des retours d’expériences structurés et pluri professionnels. Ce retard porte atteinte à la sécurité du patient : les erreurs non recueillies et non analysées ne sont pas corrigées de façon adéquate et risquent de se reproduire régulièrement. »
Grand mélange
Dans ce domaine, le CHU de Toulouse semble plutôt bon élève. Or, les journalistes de Médiacités, et ceux qui reprennent leurs informations, le font au contraire passer pour un site dangereux, mélangeant les difficultés sociales et économiques que traversent les hôpitaux à ces fiches d’incidents qui n’ont rien à voir.
La Fédération Hospitalière de France, qui n’est pas la dernière pour critiquer le manque de moyens des hôpitaux, vient de dénoncer cet article :
« Il faut rappeler que le rôle des fiches d’évènements indésirables est fondamental, que ce soit pour améliorer :
- la qualité des soins directement dispensés aux patients ;
- les procédures d’utilisation du matériel autour du patient ;
- la maintenance des infrastructures et des matériels ;
- l’organisation des services de soins, techniques et administratifs »
La santé est un sujet sérieux qui demande du temps pour être compris ; dans un contexte déjà compliqué pour les hôpitaux, les « CHU Leaks » ne font qu’apporter un trouble inutile aux soignants, et surtout aux patients.
Mise à jour le 17 avril 2018 : Mediacités répond ici aux critiques.