Si vous lisez régulièrement les billets de ce blog, vous avez sans doute compris que je suis assez branché prévention. C’est une conviction, mais surtout un constat : on vit mieux et plus longtemps si on ne fume pas, si on prend soins de son environnement, si on pratique une activité physique, si on ne fait pas le fou au volant.
Au bénéfice pour la santé, on peut ajouter une dimension bassement économique.
Depuis longtemps, le système de santé français s’est développé autour du soin, de la prise en charge des maladies. Dans ce domaine, nous sommes bons, avec d’excellents médecins et de non moins excellents chercheurs. Nous sommes aussi très solidaires : même les pathologies les plus lourdes et les plus onéreuses sont prises en charge collectivement. Mais cela coûte cher, et la collectivité ferait de sérieuses économies s’il y avait moins de malades.
Le temps de la prévention ?
Une évolution est donc en train de voir le jour : plutôt que de soigner les malades, il semble pertinent d’éviter que la maladie arrive.
Un bon exemple de cette nouvelle préoccupation est le plan national présenté en mars par la ministre de la Santé Agnès Buzyn. On y parle de l’activité physique pour prévenir l’obésité, des vaccins obligatoires, de la consommation de sel, du dépistage de certains cancers…
Une autre piste n’est pourtant que peu explorée : la santé au travail.
On apprenait en février que les arrêts maladie se multiplient en France.
En un an, entre février 2017 et janvier 2018, les indemnités journalières en cas d’arrêt de travail auraient augmenté de 5,2% selon la caisse nationale d’assurance maladie. Un coût total de 10,3 milliards d’euros. C’est énorme.
Recette « miracle »
A l’occasion de la journée mondiale de la santé au travail, nous sommes allés la semaine dernière tourner un reportage dans une entreprise Corrézienne originale, la ciergerie Brousse, à Saint-Viance.
Originale, déjà à cause de son activité : elle fabrique des cierges, pour les églises. Alors on se promène entre les cartons de paraffine et les figures bibliques, c’est étonnant…
Mais surtout, l’entreprise a travaillé pendant deux ans sur la santé des salariés. C’est une simple rencontre avec un médecin de travail qui a poussé la directrice du personnel à réfléchir à de nouvelles organisations.
Le circuit de production a été revu pour éviter le port de charges lourdes, de nouveaux équipements ont mis fin aux mouvements douloureux…
La directrice du personnel est maintenant plus sereine pour l’avenir : l’âge moyen de ses salariés augmente, et ils sont de plus en plus fragiles face au risque d’accident. Cette évolution naturelle a été anticipée.
Mais cet exemple est encore rare selon l’ergonome qui a suivi le projet. Pour Huguette Ploumeau, de l’AIST de Corrèze :
« Souvent, on est plus dans le curatif que dans le préventif. On est dans la correction, alors qu’on peut prévoir les situations à risque. On pourrait faire davantage pour la prévention primaire. »
Sensibilisation pour les patrons
Une organisation patronale bien connue fait le même constat : le Medef organise pour les patrons des journées consacrées aux TMS, les troubles musculo-squelettiques. C’est Alice Blondeau, chargée de mission « santé » en Haute-Vienne, qui nous explique pourquoi, de façon très pragmatique :
« Des personnes ont des TMS dus à leur travail. Parfois, ces personnes sont après en inaptitude, et on peut être dans l’impossibilité de les reclasser. Financièrement, ça coûte cher. »
Pour une fois, l’enjeu de santé publique a aussi un intérêt clairement économique. Et la prévention ne concerne pas que l’industrie : n’importe quel bureau peut-être adapté pour préserver la santé de celui ou celle qui l’occupe, avec un clavier qui évite les mouvements répétitifs des épaules ou un écran mieux positionné pour soulager les cervicales.
Avis aux entreprises : avec du bon sens et un investissement modique, on peut éviter des problèmes handicapants d’abord pour les hommes et les femmes qui travaillent, mais aussi pour la société en général.
En plus, chez la ciergerie Brousse, le projet a mobilisé un personnel très intéressé par le sujet, avec à la clef une vraie source de motivation.
Pourquoi attendre ?