Pour les malades, c’est une double peine : ils souffrent dans leur chair, mais en plus, ils souffrent dans leur dignité.
Nous allons parler des MICI, prononcez MIKI. Cela veut dire Maladies Inflammatoires Chroniques de l’Intestin. En quoi ça consiste ? Vous imaginez une gastroentérite ? Et bien, pour certains malades, c’est comme ça, mais puissance 10 et tout le temps.
Leçon de choses
D’abord, pour comprendre de quoi on parle, voici un petit point scientifique sur ces MICI.
Il y a deux types de maladies : d’abord, la maladie de Crohn, qui touche l’ensemble du tube digestif de la bouche à l’anus. Ensuite, la recto colique hémorragique, qui se concentre sur le colon.
Ce sont des maladies qui évoluent par poussées, avec des épisodes de rémission. On ne sait pas combien de temps vont durer ces phases, il n’y a pas deux patients pareils. Une poussée, c’est quand la maladie est active, avec des signes cliniques qui peuvent parfois nécessiter de la chirurgie. Il n’y a pas de guérison, juste des rémissions.
Attention : témoignage marquant
Quelle vie avec une MICI ? Nous avons rencontré une habitante de Limoges atteinte de la maladie de Crohn. Quand on la voit, rien ne laisse penser qu’elle est malade. Elle nous apporte pourtant un témoignage aussi courageux que marquant.
Sa maladie est à l’origine de deux interventions chirurgicales aux conséquences sérieusement invalidantes. Au début, vous allez peut-être rigoler. Ensuite, vous vous mettrez à sa place. Enfin, vous serez pris de compassion et vous aurez envie d’en parler autour de vous.
Elle nous explique son plus gros problème : « Pour être triviale, on va à la selle de 6 à 16 fois par jour, avec un temps de réaction très rapide : 10 secondes en moyenne, jusqu’à 20 ou 30, mais rarement plus. »
Cela pèse sur son quotidien, forcément. Peu de sorties, pas d’invitations chez les amis, c’est une question de dignité : « Avant d’aller chez des amis, je ne peux pas leur demander si leurs WC sont assez isolés du lieu où on va être parce-que… ça ne se fait pas. Sur le plan social, c’est complètement ridicule. Je me fiche que les gens sachent que je suis malade, mais je ne veux pas qu’ils en soient témoins. Je ne peux pas. »
Vacances, vie sociale : la maladie est un sujet de préoccupation permanent qui impacte aussi sa vie de couple. Son compagnon nous confie : « On ne vit pas à deux, on vit à trois. Il y a nous deux, mais il y a aussi Crohn. Crohn on ne le voit pas, mais il est très présent. C’est lui qui dicte notre manière de vivre. »
Elle est bibliothécaire, et elle doit travailler depuis chez elle. Sur son lieu de travail, il lui faudrait des toilettes à proximité, et toujours libres. Le même problème peut se poser n’importe quand à l’extérieur, si elle doit trouver des toilettes en urgence. Elle raconte une anecdote particulièrement gênante : « Ça m’est arrivé une fois, où j’ai demandé dans une pharmacie, pourtant. On m’a répondu qu’on n’avait pas le temps de m’y accompagner. Je savais que je n’avais pas 20 secondes devant moi… Je suis entré dans la boutique à côté, j’ai expliqué à la dame, qui a pâli. Je devais être pâle aussi, je devais commencer à flipper, c’était en période de Noël et il y avait beaucoup de monde dans les rues. Je ne savais plus quoi faire. Ma voiture était à 50 m. Je savais que je n’avais pas le temps d’y aller. Parce qu’à la rigueur, une fois dans ma voiture, personne ne me voit… »
Changement de regard
L’ (excellent) livre « Le charme discret de l’intestin », de Giulia Enders, a redonné à cette partie du corps ses lettres de noblesses, mais quand on en parle, cela fait tout de même souvent sourire.
Pourtant, ce n’est pas marrant. Pour le comprendre, il suffit de regarder quelques chiffres que nous donne l’Inserm :
« Les MICI sont le plus souvent diagnostiquées chez des sujets jeunes, âgés de 20 à 30 ans. Toutefois, elles peuvent survenir à tout âge, et 15% des cas concernent des enfants.
Le fait que la prévalence de ces maladies augmente très rapidement dans les pays en voie d’industrialisation laisse suspecter un rôle de l’environnement, et en particulier de la pollution, dans leur survenue. Des études suggèrent une implication de microparticules ou encore de métaux lourds comme l’aluminium.
En France, où la prévalence est stable ces dernières années, environ 5 nouveaux cas de maladie de Crohn et autant de rectocolites hémorragiques sont diagnostiqués chaque année pour 100 000 habitants. »