Je peux me tromper, je me trompe souvent. Mais j’ai vraiment l’impression que si Juan Bautista propose demain à Bayonne et samedi prochain à Arles une tauromachie aussi souveraine, aussi relâchée qu’hier à Fontanès, chez Gilles et Mathieu Vangelisti, alors les gens vont vraiment se régaler.
S’il a la chance – si nous avons la chance – qu’un toro charge avec autant de noblesse que les vaches d’hier, on risque de vivre des moments vraiment très intenses.
J’assiste à des tientas depuis des années. Et toujours avec autant de gourmandise. Il y a quelque chose de délicieux dans ces moments partagés avec un torero dans l’intimité du campo. Pour le matador et pour l’éleveur, c’est une séance de travail. Ce qui explique que pour l’aficionado invité, passées les premières minutes, cela peut quelquefois se transformer en un interminable pensum. La vache tombe, le picador hurle, le torero s’escrime, le ganadero s’empiffre de charcutailles et nous, on s’ennuie à mourir, on se demande comment s’évader de là sans être trop impoli.
Rien de tout ça hier. La ganadería San Sebastián, nouvelle venue dans le paysage taurin français, est installée en plein terroir viticole, à Fontanès, tout près de Saint Mathieu de Tréviers dans l’Hérault. Les silhouettes tutélaires du Pic Saint Loup et de l’Hortus surplombent la finca, où poussent les pins, les cades et les chênes kermès qui griffent les mollets des randonneurs venus de Montpellier depuis plusieurs générations. Les yeux de Vangelisti père et fils brulent d’une même passion. Surtout, les quatre vaches tientées ce samedi, d’origine Jandilla, ont toutes présenté ce mélange de noblesse et de piquant qui font le délice des aficionados et révèlent la technique du torero.
Juan Bautista, on le sait, est un technicien hors pair. Mais hier, vêtu comme pour aller faire le marché du samedi aux Lices, il a montré un je ne sais quoi en plus. Quelque chose qui tient de la décontraction, de l’autorité tranquille qui me laisse penser que demain à Bayonne et samedi prochain à Arles…
Joël Jacobi