22 Oct

Coureur de fond, une passion d’écrivain ?

A quelques jours du lancement du prochain Marseille-Cassis, pourquoi ne pas se replonger dans quelques pages inoubliables de Haruki Murakami dans « Autoportrait de l’auteur en coureur de fond ». Pour le plaisir…

On m’a souvent demandé à quoi je pensais lorsque je courais. En général, les gens qui me posent cette question n’ont jamais participé eux-mêmes à des courses de fond. A quoi exactement est-ce que je pense lorsque je cours? Eh bien, je n’en sais rien.
Quand il fait froid, je suppose que je pense vaguement qu’il fait froid. Et s’il fait chaud, je dois penser vaguement à la chaleur. Quand je suis triste, je pense à la tristesse. Si je suis content, je pense au bonheur. Comme je l’ai déjà dit, des souvenirs m’assaillent aussi, un peu au hasard. Et il m’arrive parfois, enfin, presque jamais en fait, d’avoir une idée que j’utiliserai dans un roman. En réalité, quand je cours, je ne pense à rien qui vaille la peine d’être noté.
Simplement je cours. Je cours dans le vide. Ou peut-être devrais-je le dire autrement: je cours pour obtenir le vide. Oui, voilà, c’est cela, peut-être. Mais une pensée, de-ci de-là, va s’introduire dans ce vide. Naturellement. L’esprit humain ne peut être complètement vide. Les émotions des humains ne sont pas assez fortes ou consistantes pour soutenir le vide. Ce que je veux dire, c’est que les sortes de pensées ou d’idées qui envahissent mes émotions tandis que je suis en train de courir restent soumises à ce vide. Comme elles manquent de contenu, ce sont juste des pensées hasardeuses qui se rassemblent autour de ce noyau de vide.
Les pensées qui me viennent en courant sont comme des nuages dans le ciel. Les nuages ont différentes formes, différentes tailles. Ils vont et viennent, alors que le ciel reste le même ciel de toujours. Les nuages sont de simples invités dans le ciel, qui apparaissent, s’éloignent et disparaissent. Reste le ciel. Il existe et à la fois n’existe pas. Il possède une substance et en même temps il n’en possède pas. Nous acceptons son étendue infinie, nous l’absorbons, voilà tout.