02 Avr

Les « points noirs » du bassin du Dessoubre recensés par SOS Doubs Dessoubre

Le rapport de SOS Doubs Dessoubre

Les militants ont fait ce qu’ils avaient dit. C’était il y a un an, les truites du Dessoubre agonisaient, leur rivière est malade comme la Loue. Des cours d’eau eutrophisés : des algues nourries par les rejets d’azotes et de phosphores envahissent le fonds des rivières. Ces « nutriments »  viennent de l’activité humaine, agricole mais pas seulement. Les dysfonctionnements des stations d’épuration sont aussi à l’origine de la pollution des cours d’eau. D’où l’état des lieux « le plus complet possible » réalisé par les militants du collectif SOS Doubs Dessoubre. Ils sont allés sur le terrain vérifier les 32 stations d’épuration du bassin versant du Dessoubre. Un épais rapport remis hier mardi 31 mars aux représentants de l’Etat, du conseil général du Doubs et de l’Agence de l’eau.

 

Une réunion sous le signe du travail en commun et non de la polémique. Un croisement d’informations entre le terrain et les études. Ce travail de SOS Doubs Dessoubre pourrait servir, si nécessaire, à réorienter les priorités de l’Etat. Que lit-on dans ce document ? Où plutôt que voit-on ? Les militants de SOS Doubs Dessoubre sont allés sur place. Ils ont photographié tous ce qui leur semblait être des dysfonctionnements. Et comme une photo vaut mille discours, le constat est plutôt démoralisant.

Notre dossier démontre le manque d’efficacité de la surveillance et de l’entretien de ces dispositifs. Il montre également comment l’argent public utilisé ne produit pas les résultats attendus.

Sur les 32 stations d’épuration du bassin du Dessoubre, la quasi-totalité présente des anomalies plus ou moins importantes. En allant sur place aux Ecorces et à Maîche, nous avons, avec mon confrère Laurent Brocard, un peu mieux compris ce dossier complexe. Tout d’abord, il faut résonner global. L’assainissement, c’est une station, un réseau et des branchements. Autrement dit, tout le monde est impliqué : l’habitant qui réalise le branchement au réseau, la municipalité qui est responsable du réseau et l’Etat et le département qui contrôlent les stations.

LA STATION D’ASSAINISSEMENT : Prenons l’exemple de la station des Ecorces, un village de 682 habitants près de Charquemont. 520 personnes sont raccordées à la station d’épuration, les autres sont en « assainissement non collectif ». La station d’épuration date de 1979 et d’après le site du ministère du développement durable, cette station respecte la réglementation.

Station d'épuration des Ecorces

Station d’épuration des Ecorces

Le maire, Lucien Rondot, reçoit une fois par an les analyses réalisées par Véolia. C’est la loi. D’après ces résultats d’analyses réalisées sur une période de 24h, il n’y a pas d’infraction  donc pas de raison, pour l’instant, de réaliser des travaux d’amélioration. Plus tard, il est question de raccorder le réseau des Ecorces à celui de Charquemont. Lors de notre visite, le maire nous a remis les résultats de ces analyses. Ni lui, ni moi, nous ne comprenons d’emblée ce document technique qui précise que les résultats sont conformes à la réglementation.

J’ai juste été intriguée par deux résultats :

Azote global : 41 mg/litre
Phosphore total : 9.73 mg/litre

L’azote et le phosphore rejetés en trop grande quantité dans les rivières sont en partie à l’origine de leur dégradation.

J’avais en mémoire ceux de la station d’épuration de Maîche :

Azote global : 4 mg/litre
Phosphore total : inférieur à 1 mg/l

Il ne s’agit pas de comparer ce qui n’est pas comparable mais de chercher à comprendre. La station de Maîche a été inaugurée en 2009. Elle peut traiter les eaux usées de 9700 habitants ( Les écorces traitent en débit entrant 70 m3/jour et Maîche 1734m3/jour). En raison de la date de sa mise en service et de sa taille, elle est soumise à une réglementation différence de celle des Ecorces. Entre autres, cette station ne doit pas dépasser 15 mg/l d’azote et 2 mg/l de phosphore et les contrôles sont très fréquents.

Comment se fait-il que les rejets de la station des Ecorces soient conformes alors qu’ils sont élevés ? Lorsque la loi sur l’eau de 1993 a fixé les nouvelles règles de rejet, il y a une « régularisation » pour les stations construites avant cette date. Le pragmatisme l’a emporté sur l’élan écologique. Impossible de demander à toutes les stations de se conformer à la nouvelle réglementation alors elles ne sont pas soumises à la nouvelle réglementation. Ceci dit, la station des Ecorces ne rejette dans sa doline voisine une faible quantité d’eau chargée en azote et phosphore comparativement à des grandes stations d’épuration dont les rejets sont très peu concentrés… Mais, le problème dans le bassin versant du Dessoubre est la présence de nombreuses petites stations …. C’est l’accumulation des rejets non soumis aux nouvelles normes qui peut poser problème.

Les stations d'épurations du bassin versant du Dessoubre

Les stations d’épurations du bassin versant du Dessoubre

 

 LE RESEAU :  l’association SOS Doubs Dessoubre ne s’est pas contentée de regarder seulement les stations. Les dysfonctionnements pointés dans son rapport portent aussi sur le réseau.

A Maîche, la station fonctionne correctement. Ses rejets, très peu chargés en nutriments,sont bien en deça des normes imposées par la législation. Le collectif SOS Doubs Dessoubre pointe tout de même deux dysfonctionnements. Les défenseurs des rivières estiment que les lingettes et autres détritus trouvés près du gouffre de la Rasse ( là où l’eau traitée est rejetée) sont les signes de problèmes avec les déversoirs d’orage. Pour tenter de faire simple, en cas de grosses pluies, il y a des débordements et une partie des eaux n’est pas traitée. Réponse du directeur des services techniques de Maîche, dans ce cas l’eau est très peu chargée en nutriments (grande dilution) et surtout cela ne concerne qu’environ 1.30% des eaux traitées sur un an. L’autre problème soulevé par le collectif est en aval de la station d’épuration. Le ruisseau est dans un sale état : eaux troubles, lingettes… En fait, alerté le jour de cette visite, le personnel de la station trouvera une solution dans la journée : une partie du réseau était obstruée et cela perturbait l’écoulement des eaux usées qui se retrouvaient ainsi dans le ruisseau. La station de Maîche doit surveiller 70 km de réseaux !

Reprenons l’exemple des Ecorces. Les eaux usées traitées sont rejetées dans une doline à deux pas de la station. Une doline qui est reliée, d’une manière ou d’une autre au Dessoubre, c’est le principe des sols karstiques.

« La doline est totalement colmatée et ressemble désormais à une mare fétide avec une eau totalement marron et des dépôts très épais. » souligne le rapport de SOS Doubs Dessoubre.

Dans cette même doline se rejettent également les eaux pluviales du village. Autant l’eau qui ressort de la station d’épuration est, à l’oeil nu, à peu près claire, autant celle qui vient du réseau d’eaux pluviales peut être source de pollution. Voici une image de ce rejet pris le jour de notre tournage :

L'arrivée des eaux pluviales dans la doline des Ecorces

L’arrivée des eaux pluviales dans la doline des Ecorces

 

Cette mousse blanche a été également constatée par les militants de l’association SOS Doubs Dessoubre lors de précédentes visites. Cela peut très bien provenir d’un mauvais raccordement au réseau de l’une ou de plusieurs habitations du village. Et c’est très fréquent.

LES BRANCHEMENTS : là, c’est l’affaire de tous ! Dans les villages, il arrive que les habitations ne soient pas du tout branchées au réseau ou mal raccordées. Quand une municipalité réalise des travaux de raccordements à une station d’épuration, les habitants ont deux ans pour faire faire les branchements à leur frais.. Mais parfois, cela traîne ! Des aides financières existent pour ses travaux mais malgré cela reste des travaux onéreux. 
Autre problème, la méconnaissance du public de l’impact de leur geste sur le fonctionnement des stations d’épuration.  A Maîche, un agent passe un jour par semaine à nettoyer les pompes obturées par les lingettes jetées dans les toilettes…. Voici la photo de ces détritus :

 

Ne pas jeter les lingettes dans les toilettes !

Ne pas jeter les lingettes dans les toilettes !

 

 Voilà rapidement le type de problèmes soulevés dans le rapport du collectif. La rencontre entre SOS Doubs Dessoubre et les services de l’Etat, du conseil général du Doubs et de l’Agence de l’eau a duré tout un après-midi. A la suite de la mobilisation des défenseurs des rivières, des mesures commencent à être prises. L’Etat est entrain de mettre au point de nouvelles règles plus drastiques et plus protectrices du milieu karstique. Plusieurs réglementations complexes doivent être prises en compte pour définir ces nouvelles règles. Chaque station d’épuration pourra avoir ses propres normes en fonction de l’impact de ses rejets sur l’environnement.  . Un impact très difficile à évaluer car l’eau se faufile un peu partout dans nos sous-sols calcaires. Cela va être long à mettre en place et une fois de plus il faudra trouver le point d’équilibre entre exigence environnementale et contraintes financières.

Isabelle Brunnarius
isabelle.brunnarius@francetv.fr

Le 6 juin prochain, SOS Doubs Dessoubre organise une  journée d’information ou de formation sur les problèmes du bassin versant du Dessoubre le 6 juin 2015 à 14 heures à  St Hippolyte.