05 Sep

Un train pour le bout du monde

Un médecin et une infirmière du « Matvei Mudrov » font passer un électroencéphalogramme à Nadegda Gaskevitch. Elle a fait une chute sur la tête en 2003 et a besoin depuis de soins réguliers. © William Daniels / Panos Pictures / National Geographic Magazine

Un médecin et une infirmière du « Matvei Mudrov » font passer un électroencéphalogramme à Nadegda Gaskevitch. Elle a fait une chute sur la tête en 2003 et a besoin depuis de soins réguliers. © William Daniels / Panos Pictures / National Geographic Magazine

La lecture d’un article aura suffi à William Daniels pour choisir sa prochaine destination. En mars et mai 2013, il monte à bord du Matvei Mudrov, le train médical qui longe la Baïkal Amour Magistrale (BAM), ligne ferroviaire parcourant l’Extrême-Orient russe sur 4 000 km. Avec un objectif, photographier les oubliés de la Taïga.

« J’aime les bouts du monde, ces endroits délaissés auxquels quelques irréductibles s’accrochent coûte que coûte ». Après l’Afrique, la Russie. Après les couleurs chaudes et la lumière éclatante, l’atmosphère feutrée et glaciale de la steppe hivernale. Deux mondes s’affrontent dans les clichés du photographe. Le confinement et la tiédeur des wagons, et dehors de grandes étendues blanches et glaciales. L’exaltation d’un moment de fête cède ensuite la place à un espace silencieux et vide que la neige a figé. Continuer la lecture

Nicolas Jimenez : « Il n’y a pas assez de réflexion collective sur le métier »

Nicolas Jiménez fait partie du jury de Visa pour l'image. © A. G.

Nicolas Jiménez fait partie du jury de Visa pour l’image. © A. G.

Nicolas Jimenez travaille depuis dix ans au quotidien Le Monde. Il en est aujourd’hui le directeur de la photo. Il fait partie pour la première fois du jury pour le Prix Visa d’or News. Sa semaine est un marathon : rendez-vous avec des photographes, des agences de presse, des membres du jury. Il nous en parle.

Quels sont les critères de sélection pour les Prix Visa d’or ?

Nous avons une réunion cet après-midi pour débattre du Visa d’or News. Je pense que les discussions vont être très centrées sur les clichés de Centrafrique. J’imagine que les travaux vont nous être présentés, suivi d’un tour de table. Les années précédentes, je faisais partie des présélections : nous déjeunions entre membres du jury avant de voter, souvent après de longues discussions.

Pourquoi avez-vous accepté d’être membre du jury ?

J’ai de l’affection pour ce festival. Jusqu’à la fin de mes études, j’ai travaillé chaque été pour Visa et quatre ans avec Jean-François Leroy (le directeur du festival). Ça me fait plaisir d’être de l’autre côté de la barrière. Le Prix Visa News est prestigieux et gratifiant pour moi et le journal. Continuer la lecture

Maryvonne Lepage : « Ce n’est pas parce que Camille a disparu que le journalisme doit s’arrêter »

Un livre en hommage à Camille Lepage est paru à l'occasion de Visa pour l'image. ©Amandine Lefèvre

Un livre en hommage à Camille Lepage est paru à l’occasion de Visa pour l’image. ©Amandine Lefèvre

Camille Lepage a perdu la vie il y a un peu moins de quatre mois alors qu’elle couvrait le conflit en Centrafrique. Un hommage et un livre la mettent à l’honneur à Visa pour l’image. De passage au festival, sa mère, Maryvonne Lepage, estime sa visite indispensable pour soutenir les jeunes photographes et poursuivre l’œuvre de Camille.

Un recueil de photos de Camille (Lepage) sort à l’occasion du festival dans le but de financer un prix à son nom. Qu’avez-vous ressenti en le découvrant ?

Beaucoup d’émotion. Le livre permet de sortir du monde virtuel de la photo que l’on voit sur internet. C’est important de pouvoir toucher les photos et les conserver. Tourner les pages, ce n’est pas la même chose que faire défiler les photos sur l’iPad. Ce livre correspond à Camille.

C’était important pour vous d’être présente à Perpignan ?

C’est normal que je sois là en la mémoire de Camille. Mais aussi pour les photojournalistes, notamment les jeunes qui démarrent dans le métier. Avec ma petite touche, je poursuis sa mission.

Quel genre de photographe était Camille ?

Elle avait du tempérament. Il en faut dans ce métier. C’était une bosseuse, un peu « jusqu’au-boutiste ». Camille avait envie de prouver aux autres et à elle-même qu’elle était capable. Continuer la lecture

La Mongolie d’Olivier Laban-Mattei

Olivier Laban-Mattei © Julie Philippe

Olivier Laban-Mattei © Julie Philippe

A l’été 2012, le photojournaliste Olivier Laban-Mattei s’éprend de la Mongolie. Il décide d’y retourner en octobre 2013 afin de documenter « Le pays du ciel bleu ». Son objectif : donner la parole aux Mongols et montrer les conditions environnementales et sanitaires de ce pays. 

Quel a été votre premier contact avec la Mongolie ?

J’ai décidé de partir avec mon fils Lisandru, alors âgé de 11 ans en Mongolie en juillet 2012, pendant un mois. Nous avons réalisé un livre à quatre mains. Nous avions tous les deux nos carnets de voyage. Tous les soirs, on s’imposait des moments d’écriture. Je n’ai pas touché son texte pour ne pas le dénaturer. J’ai peaufiné le tout à notre retour.

Comme vous, votre fils a pris des photos…

Lisandru prend des photos depuis qu’il est tout petit. En Mongolie, il a photographié avec un Leica de 1960. Grâce à ça, il a pu créer des liens avec la population, et en particulier avec les plus jeunes. Les enfants ont un regard assez précis et percutant sur les choses. Ils décèlent des émotions que les adultes ne perçoivent pas forcément. Il s’est créé un vrai échange. J’ai beaucoup appris de lui. Quand on est reporter, on prend des automatismes. Le voir évoluer sur le terrain m’a permis d’apprendre à regarder les choses différemment. Continuer la lecture

Israël et la Palestine au coeur de Saint-Jacques

Valentine Vermeil s'est intéressée aux fêtes religieuses en Palestine et Israël. © Laura Morel

Valentine Vermeil s’est intéressée aux fêtes religieuses en Palestine et Israël. © Laura Morel

Philippe Deblauwe, fondateur de l’agence photographique Picturetank, présente le travail de plusieurs de ses photographes sur Israël et la Palestine. Tout cela, dans son propre appartement, au cœur du quartier gitan de Perpignan.

La rue Llucia. Une rue étroite du quartier Saint-Jacques à Perpignan. Les habitants s’y croisent, s’y interpellent. Certains s’attardent quelques instants pour parler aux femmes, assises sur des chaises en plastique au milieu de la chaussée. Des enfants jouent un peu partout, se courent après en criant. La vie ne s’arrête jamais au cœur du quartier gitan. Continuer la lecture

Le marathon d’un jeune photographe à Visa

Tim Robinson montre son travail à l'agence Polaris. © Marie Collinet

Tim Robinson montre son travail à l’agence Polaris. © Marie Collinet

Les jeunes photographes sont nombreux à Visa. Ils sont là pour se faire connaître. Mais dans la foule, certains semblent perdus. Tim Robinson, un photographe encore amateur de 24 ans, s’est préparé pour être le plus efficace possible.

8h45 : Le réveil est difficile pour Tim Robinson. Après neuf mois de voyage entre le Pakistan, l’Inde, Londres, il est à Perpignan pour le festival Visa pour l’image. Une grande première pour ce jeune Australien de 25 ans. Il sait qu’il doit être en forme pour présenter ses deux grands projets photos aux agences. Il quitte son hôtel du centre-ville sans petit-déjeuner. L’endroit est un peu miteux, mais c’était le moins cher de la ville. 40 euros la nuit, tout de même.

9h45 : Sacoche d’ordinateur à la main, sac en bandoulière, le photographe en herbe enfile son badge d’accréditation (60 euros). Un peu hésitant, il se glisse dans la file d’attente en bas du palais des Congrès. Il veut être l’un des premiers à gravir les deux étages pour arriver devant le stand de Getty. Il espère pouvoir obtenir un rendez-vous. Avec ses tongs et son jean troué, le grand rouquin se la joue cool. Mais le stress monte. Il commence à transpirer. Le temps qu’il se rafraîchisse, les premières personnes sont déjà rentrées.

10h03 : Dans la salle des agences, au deuxième étage, une bonne dizaine de personnes attendent devant Tim face au stand de Getty. Quand son tour arrive, il n’y a déjà plus aucun créneau pour la journée. Le planning étant fait au jour le jour, on lui conseille de revenir demain encore plus tôt. Mais le bureau n’ouvre qu’à 10 heures, Tim ne voit pas comment il pourrait arriver plus tôt. Il reste courtois malgré l’absurdité de la réponse et la fatigue. Continuer la lecture

04 Sep

Yunghi Kim, le storytelling d’abord

A l'exposition « Le long cheminement de l’Afrique : de la famine à la réconciliation 1992-1996 » la légende suivante décrit ce cliché "Camp de Kibumba, près de Goma, Zaïre, août 1994. Un million de Rwandais ont fui les combats entre Tutsis et Hutus, entraînant, selon les organisations humanitaires, le plus grand exode de réfugiés de l’histoire moderne. Le monde était sous le choc et les services d’urgence n’étaient pas préparés, ce qui a favorisé la propagation rapide du choléra dans les camps, provoquant la mort de milliers d’autres personnes. © Yunghi Kim / Contact Press Images"

« Camp de Kibumba, près de Goma, Zaïre, août 1994. Un million de Rwandais ont fui les combats entre Tutsis et Hutus, entraînant, selon les organisations humanitaires, le plus grand exode de réfugiés de l’histoire moderne ». © Yunghi Kim / Contact Press Images

De 1992 à 1996, Yunghi Kim, photoreporter américaine (Visa d’or News en 1997), a couvert quatre ans de conflits africains, de la Somalie à l’Afrique du Sud, en passant par le Rwanda. Ni ses clichés, ni ses légendes ne prennent la mesure de ces drames. Pour elle, l’émotion de l’instant prime sur le contexte. Aussi tragique soit-il. 

Entourée d’une vingtaine d’admirateurs de son travail, Yunghi Kim présente au couvent Sainte-Claire son exposition « Le long cheminement de l’Afrique : de la famine à la réconciliation, 1992-1996 ». Un travail mené lors de la famine en Somalie, avec les réfugiés du Rwanda ou encore lors de la libération de Nelson Mandela en Afrique du Sud. « Il n’y avait jamais eu autant de morts en Afrique que durant cette période. »

Ce sont surtout les réfugiés rwandais qui ont nourri son travail. En août 1994, elle était parmi les exilés hutus dans le camp de Kibumba (Zaïre). Les légendes sont concises : « Rwandais ayant fui les combats entre Tutsis et Hutus ». Dérangeant, lorsque l’on sait qu’à cette époque les seconds venaient de massacrer les premiers. A aucun moment, le visiteur mal renseigné ne peut comprendre que des bourreaux se sont peut-être glissés dans ces photos. Continuer la lecture

Pas de visa pour la Syrie

Bombardement d'un baril de TNT sur des habitations civiles. De nombreux blessés et morts sont à déplorer en ce 10 juillet 2014. Les corps sont en lambeau. Cet homme a perdu sa femme déchiquetée à ses pieds. Il crie sa tristesse.

Bombardement d’un baril de TNT sur des habitations civiles. De nombreux blessés et morts sont à déplorer en ce 10 juillet 2014. Les corps sont en lambeau. Cet homme a perdu sa femme déchiquetée à ses pieds. Il crie sa tristesse. ©Laurence Geai/SIPA

L’édition 2013 de Visa pour l’image avait largement mis en avant la crise syrienne. Cette année, elle a disparu des salles d’expositions de Perpignan. 

Jérôme Sessini, Sebastiano Tomada, Goran Tomasevic, trois photographes et autant d’expositions consacrées à la Syrie lors de l’édition 2013 de Visa pour l’image. Le visa d’or avait été attribué à Laurent Van Der Stockt pour son reportage dans la banlieue de Damas au moment des attaques chimiques. Sans compter la venue d’Edith Bouvier pour son livre Chambre avec vue sur la guerre. Cette année, du couvent des Minimes à l’église des Dominicains en passant par la chapelle du Tiers-ordre, Alep est invisible. Que reste-t-il du conflit syrien qui a tant mobilisé ? Continuer la lecture

Le financement public-privé maintient Visa à flot

Les Soirées de Projection au Campo Santo - en arrière plan, la Cathédrale Saint-Jacques. © Mazen Saggar

Les Soirées de Projection au Campo Santo – en arrière plan, la Cathédrale Saint-Jacques. © Mazen Saggar

Visa pour l’Image, c’est 1,5 million d’euros de budget pour 4 millions de retombées. Si certains financements publics baissent, le soutien municipal et la part importante d’apports privés permettent au festival de voir l’avenir avec une relative sérénité.

Dimanche dernier, parmi les voix s’exprimant à l’ouverture de Visa, celle de Bernard Fourcade a ramené l’événement à sa cuisine interne. Le président de la CCI de Perpignan et des Pyrénées-Orientales a lancé un pavé dans la mare en laissant planer le doute sur le renouvellement de la subvention accordée au festival. « Je ne sais pas si on pourra être à vos côtés les prochaines années, a-t-il déploré, la crise économique entraîne la remise en cause d’un certain nombre de nos actions. » Continuer la lecture