Camille Lepage a perdu la vie il y a un peu moins de quatre mois alors qu’elle couvrait le conflit en Centrafrique. Un hommage et un livre la mettent à l’honneur à Visa pour l’image. De passage au festival, sa mère, Maryvonne Lepage, estime sa visite indispensable pour soutenir les jeunes photographes et poursuivre l’œuvre de Camille.
Un recueil de photos de Camille (Lepage) sort à l’occasion du festival dans le but de financer un prix à son nom. Qu’avez-vous ressenti en le découvrant ?
Beaucoup d’émotion. Le livre permet de sortir du monde virtuel de la photo que l’on voit sur internet. C’est important de pouvoir toucher les photos et les conserver. Tourner les pages, ce n’est pas la même chose que faire défiler les photos sur l’iPad. Ce livre correspond à Camille.
C’était important pour vous d’être présente à Perpignan ?
C’est normal que je sois là en la mémoire de Camille. Mais aussi pour les photojournalistes, notamment les jeunes qui démarrent dans le métier. Avec ma petite touche, je poursuis sa mission.
Quel genre de photographe était Camille ?
Elle avait du tempérament. Il en faut dans ce métier. C’était une bosseuse, un peu « jusqu’au-boutiste ». Camille avait envie de prouver aux autres et à elle-même qu’elle était capable.
Comment avez-vous réagi à l’annonce de son départ pour le Sud Soudan ?
On en a discuté. Si je n’avais pas été d’accord, elle l’aurait quand même fait. Mais elle avait besoin du soutien de sa famille. Du mien surtout. Après des discussions sérieuses et houleuses parfois, j’ai compris sa détermination. A partir de là, je l’ai soutenue. Elle était épanouïe dans ce qu’elle faisait. Tous ceux qui l’ont côtoyée disaient qu’elle était heureuse.
Si c’était à refaire, la soutiendriez-vous de la même manière ?
Bien sûr. Je n’ai aucun regret par rapport à Camille et à ce qu’elle a fait. Je pense qu’il est nécessaire pour tous les jeunes qui se lancent dans ce métier d’avoir le soutien des proches. C’est une preuve d’amour. Accepter le choix de ses enfants, c’est aimer ses enfants.
Est-ce que la mère que vous êtes encouragerait les jeunes à couvrir les conflits malgré le danger ?
Evidemment. Ce n’est pas parce que Camille est décédée que la vie journalistique doit s’arrêter. Elle y est allée et il y en a d’autres qui iront. Beaucoup de photojournalistes sont morts depuis le début de l’année. Mais s’ils ne parlent pas de toutes ces personnes qui souffrent dans le monde, qui le fera ? Il ne faut pas y aller n’importe comment. C’est un engagement personnel, il faut être fort mentalement et physiquement. On ne fait pas ce métier comme on fait des photos de mode ou people. C’est une passion.
Quel souvenir gardez-vous de votre fille ?
Ce n’est pas un souvenir, c’est une vie. Camille, ce n’est pas seulement de 2012 à 2014. Elle a été un bébé, un enfant et une jeune adulte qui a mené sa vie tel qu’elle l’a décidé, en faisant des choix. Mes souvenirs, c’est tout ça.
Malik KEBOUR et Amandine LEFÈVRE