05 Sep

La Mongolie d’Olivier Laban-Mattei

Olivier Laban-Mattei © Julie Philippe

Olivier Laban-Mattei © Julie Philippe

A l’été 2012, le photojournaliste Olivier Laban-Mattei s’éprend de la Mongolie. Il décide d’y retourner en octobre 2013 afin de documenter « Le pays du ciel bleu ». Son objectif : donner la parole aux Mongols et montrer les conditions environnementales et sanitaires de ce pays. 

Quel a été votre premier contact avec la Mongolie ?

J’ai décidé de partir avec mon fils Lisandru, alors âgé de 11 ans en Mongolie en juillet 2012, pendant un mois. Nous avons réalisé un livre à quatre mains. Nous avions tous les deux nos carnets de voyage. Tous les soirs, on s’imposait des moments d’écriture. Je n’ai pas touché son texte pour ne pas le dénaturer. J’ai peaufiné le tout à notre retour.

Comme vous, votre fils a pris des photos…

Lisandru prend des photos depuis qu’il est tout petit. En Mongolie, il a photographié avec un Leica de 1960. Grâce à ça, il a pu créer des liens avec la population, et en particulier avec les plus jeunes. Les enfants ont un regard assez précis et percutant sur les choses. Ils décèlent des émotions que les adultes ne perçoivent pas forcément. Il s’est créé un vrai échange. J’ai beaucoup appris de lui. Quand on est reporter, on prend des automatismes. Le voir évoluer sur le terrain m’a permis d’apprendre à regarder les choses différemment.

Paysage d’hiver à Bayan Khoshuu, un quartier déshérité (aussi appelé quartier de yourtes) situé à l’ouest d’Oulan-Bator. © Olivier Laban-Mattei / The Mongolian Project / MYOP

Paysage d’hiver à Bayan Khoshuu, un quartier déshérité (aussi appelé quartier de yourtes) situé à l’ouest d’Oulan-Bator. © Olivier Laban-Mattei / The Mongolian Project / MYOP

Avez-vous un attachement particulier pour ce pays ?

Certains pays sont plus marquants que d’autres. C’est le cas de la Mongolie. Je trouve des similitudes avec la Corse d’où je suis originaire. Pour moi, ils ne sont pas asiatiques, ils ont un côté européen, très sanguin. J’ai également été marqué par le rapport qu’ils ont avec la terre et à quel point l’image que nous avons d’eux est différente de la réalité.

Après ce voyage d’un mois, avez-vous décidé d’y retourner ?

Une fois là-bas, je me suis aperçu que, pour vraiment comprendre la complexité de ce pays, il fallait y vivre. C’est pourquoi j’ai décidé d’y aller pendant un an, d’octobre 2013 à août 2014. Sur place, à Oulan-Bator, j’ai créé une équipe constituée d’un vidéaste, de deux rédacteurs et d’un ingénieur. C’est ce qui a donné The Mongolian Project.com, un site internet permettant d’aborder plusieurs aspects de la société mongole, mais axé en priorité sur les conséquences du boom minier en termes d’environnement et de santé. La photo ne peut pas tout. L’association du son, de la vidéo et de la photo permet de vraiment raconter l’histoire. Notre priorité est que ce travail soit vu là-bas et qu’il profite aux Mongols.

Vous avez couvert de nombreux conflits. Est-il difficile de passer de la photo de guerre à la photo documentaire ?

Il est bien plus facile de photographier les conflits. L’image est évidente, alors que pour ce genre de travail, il faut construire une histoire. Comment photographier la pollution, alors qu’elle ne se voit pas ? Par ailleurs, dans un conflit, les gens savent pourquoi on est là. Dans le cas de la Mongolie, il faut leur expliquer. Les Mongols ont peur d’attirer le mauvais œil si l’on parle de leur pays en mal. Il a fallu gagner leur confiance. Mais au final, ils ont compris et soutenu notre démarche.

Quels sont vos projets à venir ?

J’aimerais retourner en Mongolie pour organiser des débats, former les journalistes. Là-bas, la presse connaît une certaine censure et il y a une crainte du pouvoir. Je voudrais également y retourner pour enseigner la technique photographique et documentaire. Je souhaiterais créer un lien entre les malades et les médecins en organisant des conférences dans des bidonvilles. 70% des personnes souffrant de cancer arrivent à l’hôpital en stade terminal, par méconnaissance.

Comment vous financez-vous ?

La Mongolie n’intéresse pas, donc c’est difficile à vendre. Il faut trouver des financements conséquents pour vivre et poursuivre les projets. Désormais, la presse n’est plus le principal financier. On doit compter sur les partenariats, les conférences et le mécénat. Et le travail avec les ONG. Je pars fin septembre au Soudan et au Cameroun pendant trois mois pour le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.

Propos recueillis par Julie PHILIPPE

Le livre « Mongols » (édition Neus) est en vente à la libraire du festival. L’exposition « Mongolie, l’eldorado n’existe pas » est visible dans le cadre de Visa pour l’Image, à l’église des Dominicains de Perpignan, jusqu’au 14 septembre.