Commenter et tenter de légender une photo. Pendant une semaine, les festivaliers de Visa pour l’image à Perpignan se prêtent à l’exercice. Aujourd’hui, décryptage d’une image tirée de l’exposition « Testament », en hommage à Chris Hondros.
« Cette photo m’insupporte, je ne veux même pas la voir ». Patrick, commerçant à Perpignan, est catégorique. Il ne se sent pas concerné par l’actualité mondiale et trouve même le cliché « violent et sans intérêt ». Il ne saura donc jamais qu’elle a été prise le 23 juillet 2003, lors de la guerre civile au Libéria, par Chris Hondros. Le travail du photographe américain, tué en 2011 en Libye, est présenté à l’hôtel Pams de Perpignan pendant Visa.
« Il faut continuer à aller sur ces zones de guerre »
Sitor Senghor, venu de Paris, est bien plus sensible au photojournalisme : « Cette image me fait peur. Cet homme, la rage qu’il dégage… C’est très fort. » Selon lui, la scène se déroule « lors de l’une des nombreuses guerres civiles qui déchirent l’Afrique ». Bien vu. Patrick Crosson, photographe amateur, reconnaît le caractère dangereux du métier : « L’homme aurait pu pointer son arme en direction du journaliste… » Quelques secondes à peine avant le déclenchement de l’appareil, ce soldat des forces favorables à Charles Taylor, alors président de la République libérienne, venait de tirer une roquette sur les rebelles du LURD (Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie). Les affrontements se déroulaient à Monrovia, la capitale du pays.
« Il faut continuer à aller dans ces zones de guerre, comme Chris Hondros l’a fait, pour nous informer », soutient Marie-France Fournié, originaire de Cannes. En plus, sa photo est très artistique, avec le bras et le lance-roquette en symétrie. »
Question technique, Laurent Gayte, photographe professionnel, a aussi son avis : « Le cliché a dû être pris au téléobjectif. Le cadrage est un peu serré et le focus semble sur l’épaule mais le soldat ressort bien du fond. On sent qu’il a envie de se battre pour sa cause. » Cause perdue puisqu’après quatre ans de conflit, entre 1999 et 2003, les rebelles du LURD sont parvenus à chasser Charles Taylor du pouvoir. Deux semaines seulement après le cliché de Chris Hondros.
Alexandre OLLIVIERI