04 Sep

Centrafrique : deux regards différents sur un même conflit

Michaël Zumstein et Pierre Terdjman ont travaillé ensemble en Centrafrique. Les deux photojournalistes exposent leur travail au festival Visa pour l’image. En découvrant leurs photos, surprise : les mêmes clichés ne racontent pas la même histoire.

« Quand on est photojournaliste, on sait l’importance de voyager ensemble, pour des raisons de sécurité, pour partager les coûts… », explique Michaël Zumstein. Arrivé en Centrafrique fin 2013, il est, avec Pierre Terdjman, l’un des premiers à se rendre sur les lieux. A cette époque, ils ne sont que cinq ou six à s’intéresser au conflit qui oppose la rébellion Seleka au pouvoir, et les milices chrétiennes, les anti-balaka.

Faute de moyens et de sécurité, les musulmans sont contraints d'enterrer leurs morts dans une fosse commune. Suite à des attaques anti-balaka, la cérémonie aura lieu à côté de Bangui et sera très rapide. Le convoi funéraire sera attaqué sur la route du retour. ©Pierre Terdjman

Faute de moyens et de sécurité, les musulmans sont contraints d’enterrer leurs morts dans une fosse commune. Suite à des attaques anti-balaka, la cérémonie aura lieu à côté de Bangui et sera très rapide. Le convoi funéraire sera attaqué sur la route du retour. © Pierre Terdjman

Dans le cimetiére musulman de Bangui, des hommes enterrent les corps de 16 musulmans tués après les affrontements entre soldats de l'ex Seleka et milices anti-Balaka. ©Michaël Zumstein.

Dans le cimetière musulman de Bangui, des hommes enterrent les corps de 16 musulmans tués après les affrontements entre soldats de l’ex-Seleka et milices anti-Balaka. © Michaël Zumstein.

Pierre Terdjman et Michaël Zumstein vivent donc les mêmes événements, au même moment, pendant leurs six mois sur place. Pas étonnant donc, que certains de leurs clichés exposés à Perpignan, dans le cadre de Visa pour l’image, montrent des scènes identiques.

« Ces deux photos décrivent une situation critique. Les chrétiens tiraient sur les musulmans pour les empêcher d’enterrer leurs morts », explique Pierre Terdjman. L’instant n’est pas à la réflexion. Il faut se placer rapidement. Capter l’intensité du moment, la détresse de ces populations réduites à enfouir leurs disparus dans la boue, tout en laissant son confrère hors champ. « Michaël était à quelques mètres de moi, mais nous ne nous sommes pas concentrés sur les mêmes détails de la scène », remarque Pierre Terdjman qui explique avoir voulu montrer l’insécurité, le nombre de morts, la permanence du conflit.

De son côté, Michaël Zumstein raconte qu’il a tenté de prendre du recul par rapport à la situation, « pour la montrer dans sa globalité et donner à voir les gens qui filment la scène avec leurs téléphones portables ». L’un est en plan large, l’autre plus resserré. Et le soir, de retour à l’hôtel, les deux photographes confrontaient leur travail.

Complémentaires avant tout

Mardi, à Perpignan, Pierre Terdjman a découvert les clichés choisis par son confrère : « Finalement, seuls 10% de nos photographies rapportent des scènes similaires tout en racontant des histoires différentes. » Un propos confirmé par Michaël Zumstein : « Nous ne travaillons pas pour les mêmes médias. Moi j’étais là-bas avec une commande du Monde. Pierre travaillait pour Paris Match et Le Figaro. Les demandes d’un quotidien et d’un magazine sont différentes ». Deux visions complémentaires qui n’entrent pas en concurrence pour ces deux amis qui ont partagé la même chambre pendant six mois.

Amélie SOLEILLE, Amélie DAVIET et Marie COLLINET