C’est une mare au milieu d’un champ, ni plus ni moins. Une immense flaque à peine photogénique et pourtant son histoire illustre bien l’évolution du monde de la pêche. Nous sommes à Avanne-Aveney, plus exactement dans la Corne d’Avanne au lieu dit Les Fossés, un ancien site de granulat. C’est un peu comme une île, le canal enferme l’Espace naturel sensible, géré par le conseil départemental du Doubs.
Aujourd’hui, si vous étiez partis vous promener dans ce secteur vous auriez pu rencontrer des pêcheurs, sans canne à pêche mais avec des filets… Plus exactement, ces techniciens de la fédération de pêche du Doubs comptaient des petits brochets. Cette pêche électrique est organisée chaque année pour vérifier le bien-fondé de la démarche de la fédération).
En 2011-2012, des travaux de déboisement ont permis de creuser une frayère au sud-ouest du secteur en prairies. Des travaux financés par le conseil départemental du Doubs. En 2006, la collectivité a mis au place « un schéma départemental permettant d’identifier des espaces à intérêt patrimonial particulier ». D’où la « réhabilitation des prairies, afin de redynamiser la biodiversité. Ces actions sont accompagnées d’autres aménagements : création d’un sentier de découverte, réhabilitation de l’espace des jardins en jardins familiaux, mise en place d’un parking.
Si les brochets ont trouvé un lieu idéal pour se reproduire, c’est parce que les hommes ont redonné à cet espace une fonction de zone humide. Des travaux ont permis de créer les conditions pour que les brochets viennent déposer leurs oeufs sur des herbes légèrement inondées. Ces poissons sont capables de parcourir 60 kilomètres pour frayer ! Dans la rivière Doubs, ce n’est plus trop possible en raison des nombreux barrages. En tout cas, ils ont trouvé le chemin de la frayère de la Corne d’Avanne ! Chaque année, les spécialistes de la fédération de pêche du Doubs repèrent des petits alvins. Voici le reportage réalisé aujourd’hui par mes confrères Jean-Luc Gantner, Philippe Arbez et Stéphanie Chevallier. Avec Jean Sebastien Brocard, garde pêche et Thomas Groubatch, Biologiste, chargé de mission de la Fédaration de pêche du Doubs :
Les comptages des alvins de Brochet à Avanne Aveney
La frayère d’Avanne a la particularité d’être vaste : entre 5 et 6000 m2 soit trois à quatre fois la taille d’une frayère habituelle. Autre avantage, les terrains appartiennent au conseil général du Doubs, c’est plus facile pour intervenir que lorsque l’espace est détenu par de nombreux petits propriétaires. Plus tard, ces petits poissons vont rejoindre le Doubs et vivre leur vie de brochet dans le Doubs. Ils feront également la joie des pêcheurs de l’AAPPMA La concorde du Doubs. Dans d’autres endroits du département, cette méthode naturelle n’est pas encore pratiquée. Les sociétés de pêche dépensent des milliers d’euros pour acheter aux piscicultures des alvins ou des brochets. Cette « nurserie naturelle » est non seulement beaucoup plus économique mais elle intègre une démarche de préservation du milieu naturel. Eviter les inondations en canalisant le Doubs n’a pas eu que des bienfaits. Aujourd’hui, ces prairies de l’agriculteur du secteur sont inondées mais elles participent au développement de la biodiversité. A la période sèche, les vaches viennent, fertilisent naturellement la prairie. Un pâturage bénéfique à la frayère. Une pratique agricole saluée par les pêcheurs ! Du cycle infernal de creusement du lit du Doubs expliqué dans le reportage par Thomas Groubatch, on passe ainsi progressivement au cercle vertueux de l’agroécologie.
Isabelle Brunnarius
isabelle.brunnarius(a)francetv.fr