14 Avr

Berlin, Moscou, Paris : Gustave Courbet for ever !

L'association "Les amis du Manoir de Mouthier-Haute-Pierre" réunis à Berlin. De gauche à droite : Alexandre Thiercelin, Philippe Perrin, Alexa Graefe, Katharina Renneisen, Max Renneisen.

L’association « Les amis du Manoir de Mouthier-Haute-Pierre » réunis à Berlin. De droite à gauche : Alexandre Thiercelin, Philippe Perrin, Alexa Graefe, Katharina Renneisen, Max Renneisen.

Côté notoriété auprès du grand public, Gustave Courbet n’est pas spontanément cité dans le top 5 des artistes mondialement connus. Côté coeur et tradition picturale, c’est une autre histoire. Non seulement, le peintre de la vallée de la Loue est une référence pour de nombreux artistes contemporains mais il suscite aussi des vraies passions.

Ce matin, une poignée d’inconditionnels s’est retrouvée face à La Vague de Gustave Courbet de la Alte Nationale Galerie de Berlin. Une version particulièrement réussie de ce thème récurrent chez Courbet. Voici ce qu’en disait Cézanne :

Les grandes vagues, celle de Berlin, prodigieuse, une des trouvailles du siècle bien plus palpitante, plus gonflée, d’un vert plus baveux, d’un orage plus sale que celle d’ici (la version aujourd’hui conservée au musée d’Orsay et que Paul Cézanne peut voir au Louvre), avec son échevellement écumeux, sa marée qui vient du fond des âges, tout son ciel loqueteux et son âpreté livide. On la reçoit en pleine poitrine. On recule. Toute la salle sent bon l’embrun…

Ce tableau « se trouve dans le « temple » du réalisme et du romantisme » selon Philippe Perrin. Une réunion symbolique pour tracer pour le premier trait d’union entre Berlin et la vallée de la Loue. Ils sont français ou allemands, tous sont imprégnés de l’oeuvre du maître d’Ornans. En novembre dernier, ils ont créé l’ association « Les amis du Manoir de Mouthier Haute-Pierre ».

Une belle histoire est en train de se dessiner dans la vallée de la Loue. Plus exactement à Mouthier Haute-Pierre. Gustave Courbet aimait faire une halte dans ce village de la haute vallée auprès de son ami Charles Pouchon. Natif de Mouthier,  Pouchon rencontra Courbet au petit séminaire d’Ornans. Il était peintre et vigneron. De quoi alimenter les conversations avec Gustave !

L’une des anciennes demeures du village, le Manoir, vient d’être louée par cette jeune association. L’objectif est d’organiser des expositions dans la galerie baptisée « Charles Pouchon », des colloques « autour des thèmes de l’art, de la philosophie et de la convivialité ». L’idée est aussi de proposer des résidences à des artistes. Les Berlinois  Max et Katharina Renneisen seront les premiers à exposer en mai prochain leurs oeuvres influencées par Courbet. Des peintures de nus féminins et des photographies argentiques coloriées sur le thème des paysages de la vallée de la Loue. Le projet de l’association est aussi de mettre au point des promenades culturelles dans la vallée de la Loue.

Deux oeuvres de Max et Katharina Renneisen

Deux oeuvres de Max et Katharina Renneisen

Glissons un peu plus à l’Est le curseur de la mappemonde et nous voilà à Moscou. Anastasia Danilochkina a elle aussi contracté le virus courbetophile. Grâce à cette artiste qui tient une galerie à Moscou, j’ai pu vous raconter comment l’oeuvre de Courbet avait influencé le peintre russe Victor POPKOV. Aujourd’hui, elle publie un texte avec Igor V. Piliev sur une oeuvre tardive de Gustave Courbet exposée au musée Pouchkine de Moscou : Chalet en Suisse, 1874. 

Avant d’entrer dans la cabane, souffle un vent tel un coeur anonyme. Sous-vêtements ondulant, cliquetis de l’ombre. Et la terre bientôt disparaîtra dans le néant. Ainsi l’artiste transmet son sentiment tel une crainte pansée par l’éternité. Ainsi, le tableau «la Cabane dans les montagnes» est une des dernières images de sa carrière en exil.

Gustave Courbet, Chalet en Suisse, 1874

Gustave Courbet, Chalet en Suisse, 1874

Ultime étape, Paris. Près de douze oeuvres, vidéos, tapisserie, dessins, peintures sont réunis autour d’une oeuvre de Gustave Courbet : Le Puits Noir, une version intimiste de ce thème souvent traité par le peintre. L’exposition a été conçue par le galeriste Mathias Coullaud.

J’ai eu la chance de grandir à l’ombre d’un Courbet dont une légende personnelle fait que cette oeuvre désormais conservée par mes soins gardera toujours sa part de mystère et de fantasme.J’admire Courbet et les premières visites, enfant, du Musée d’Orsay me confrontent au gigantisme artistique et humain de son oeuvre – l’intimité avec « mon » Courbet n’en sera que renforcée. Plus tard, emporté par l’histoire de l’épisode de la « Commune » et ses révolutionnaires, je retrouvais dressée la figure de Gustave Courbet, éternel révolté, la colonne Vendôme stigmate effondré à ses pieds. Enfin, Jacques Lacan et la confrontation dévoyée à « L’Origine du Monde » parachevait la mise au Panthéon personnel du grand artiste.

Le Puits Noir de Gustave Courbet. Collection privée.

Le Puits Noir de Gustave Courbet. Collection privée.

Mathias Coullaud a eu l’heureuse idée de demander aux artistes de sa galerie ou de son entourage d’exposer leurs oeuvres inspirées d’une manière ou d’une autre par Courbet. Avec comme pièce maîtresse, Le Puits Noir. Je n’ai pas encore pu voir cette exposition c’est pourquoi je vous recommande la lecture de l’article de Thierry Savatier sur son blog « Les mauvaises fréquentations ».

Parmi les artistes du XIXe siècle, Gustave Courbet semble occuper, dans la démarche des créateurs contemporains, une place essentielle. Ni Delacroix, ni Ingres, ni même Manet ne parviennent aujourd’hui à égaler cette position singulière. Est-ce le rôle de dynamiteur des conventions qu’il incarna dans le champ artistique de son temps qui lui vaut cette popularité, ou bien l’extraordinaire pulsion de vie qui émane de ses toiles, ou encore son caractère d’éternel insoumis et transgressif ? Sans doute un peu des trois. Paradoxalement, lui qui, dans sa Lettre aux jeunes artistes de Paris (1861), se défendait de vouloir exercer un quelconque magister sur les générations montantes tout en présentant son manifeste du Réalisme, est devenu très tôt une référence, notamment pour Matisse. Et si l’on voulait en trouver une preuve, il suffirait de visiter l’exposition « Moi, Courbet ».

Michel Auder, Jérôme Borel, Zoulikha Bouabdellah, Olivier Colombard, Laurent Fiévet, Grégory Forstner, Scott Hunt, Jean-Jacques Lebel, Jean Le Gac, Dawn Mellor, Valérie Sonnier exposent  jusqu’au 13 mai à la galerie Mathias Coullaud (12, rue de Picardie, 75003).

Trois oeuvres de "Moi, Courbet". De g. à d., Jérôme Borel, Visitation, 162 x 130cm, 2016, Courtesy Jérôme Borel ; Olivier Colombard, Les Bestioles, Shandell, 2016, laine, coton, lurex et latex, 70 x 110 cm, Courtesy Olivier Colombard ; Jean-Jacques Lebel, Ce n’est presque pas un Gustave Courbet, 63 x 84 cm, signé en bas à droite, technique mixte, JJL1964, Courtesy Jean-Jacques Lebel –

Trois oeuvres de « Moi, Courbet ». De g. à d., Jérôme Borel, Visitation, 162 x 130cm, 2016, Courtesy Jérôme Borel ; Olivier Colombard, Les Bestioles, Shandell, 2016, laine, coton, lurex et latex, 70 x 110 cm, Courtesy Olivier Colombard ; Jean-Jacques Lebel, Ce n’est presque pas un Gustave Courbet, 63 x 84 cm, signé en bas à droite, technique mixte, JJL1964, Courtesy Jean-Jacques Lebel –

Paris, Moscou, Berlin… Gustave Courbet ne rayonne pas seulement par ses oeuvres accrochées aux cimaises des plus grands musées, il nourrit la vie artistique du XXIe siècle.

Isabelle Brunnarius
isabelle.brunnarius(a)francetv.fr