Mortalité de poissons dans la rivière La Rigotte à Molay (70)
Faisons un peu de « justice fiction ». Si ce projet de loi relatif à la responsabilité civile environnementale était voté, comment les récentes pollutions des rivières comtoises seraient prises en compte ?
Tout d’abord, petit rappel des faits. Ce week-end à Molay, La Rigotte et tout son écosystème ont été victimes d’une pollution.Un agriculteur a reconnu avoir déversé « par accident » de l’azote liquide dans la rivière. La fédération de pêche de Haute-Saône a porté plainte. Voici le reportage de mes confères Thierry Chauffour et Sébastien Poirier.
Sur le plan législatif, deux initiatives, l’une du Sénat, l’autre du gouvernement veulent instaurer la notion de réparation du préjudice écologique. le Sénat a adopté le 16 mai 2013 une proposition de loi du sénateur Bruno Retailleau. La même année, un groupe de travail présidé par Yves Jegouzo , professeur de droit public rendait son rapport. Le garde des Sceaux Christiane Taubira a repris un certain nombre des propositions du groupe de travail. Si le projet est voté, explique Benoît Hopquin, journaliste au Monde, il permettrait de consolider la notion de réparation de préjudice écologique introduite dans les décisions des tribunaux dans l’affaire de l' »Erika ».
Bien sûr rien n’est voté et cela peut encore être retardé. Le projet de loi a déjà été repoussé deux fois… Mais si il avait été déjà voté, l’agriculteur de Molay aurait pu avoir à remettre en état la Rigotte au nom du principe « pollueur-payeur ». Une remise en état à ses frais ou à ceux de son assurance… Car, cette pollution correspond à la définition de « préjudice écologique » qui existe déjà dans la jurisprudence :
« Le préjudice que nous envisageons est donc celui qui est fait à la nature, aux écosystèmes, à la qualité des sols, etc. » précise le rapport Jegouzo.
La loi devra déterminer qui pourra « se faire le porte-parole de la société pour exiger la remise en état des écosysytèmes ». En l’état actuel de la réflexion, les collectivités locales, l’Etat, les associations de défense de l’environnement, les parcs nationaux ou régionaux pourraient remplir ce rôle.
Les fédérations de pêche portent régulièrement plaintes. En Haute-Saône, le président Bolognesi souligne qu’avec les industriels, il est possible d’obtenir une remise en état du cours d’eau sans pour autant passer devant le tribunal.
IKEA à Lure et la CFP de Saint Loup ont signé des conventions avec les pêcheurs pour y parvenir. Avec les agriculteurs, cela semble plus compliqué comme l’a expliqué à mes confrères Bruno Bolognesi.
Autre proposition du groupe de travail d’Yves Jégouzou, « renforcer l’efficacité du juge en matière de préjudice écologique ». Une nécessité, le juriste reconnait que
« le contentieux de l’environnement est un « petit » contentieux par rapport à d’autres beaucoup plus lourds. Il est quelque peu laissé pour compte, d’autant qu’il requiert souvent un travail technique complexe et des expertises coûteuses. »
D’où l’idée de proposer de dédier une juridiction vers laquelle tous les contentieux de l’environnement remonteraient. Cela pourrait être une « chambre au sein du tribunal de grande instance du chef lieu de la cour d’appel ». Des magistrats « possédant une sensibilité pour ces questions » pourraient y être affectés.
Au tribunal de grande instance de Besançon, c’est le procureur de la République en personne qui suit les dossiers environnementaux en attendant la nomination d’un substitut qui devra suivre ses questions. A Montbéliard, un substitut a en charge les affaires de pollutions. Je n’ai pas pu l’interviewer lors de notre récent tournage avec Denis Colle. Nous voulions savoir ce qu’étaient devenues les plaintes déposées par le conseil général du Doubs et la
fédération de pêche du Doubs à la suite des
pollutions agricoles survenues il y a un an à Cour Saint Maurice et Vaufrey. Curieusement la justice reste discrète sur ces dossiers alors que les plaignants auraient souhaité un traitement exemplaire.Voilà notre reportage :
Le garde des sceaux devrait également proposer un « volet pénal à la lutte contre la criminalité écologique. Une « circulaire de politique pénale » sera diffusée dans le milieu judiciaire, notamment auprès des procureurs, précise mon confrère du Monde. Elle préconisera « une réponse pénale adaptée à la gravité des atteintes subies » et « des poursuites systématiques lorsque les atteintes sont graves ou irréversibles ».
Bref, si ce projet de loi est adopté, on pourrait s’attendre à un durcissement des sanctions mais restera un problème propre à la pollution des rivières. Si il est parfois facile d’établir un lien direct entre pollueur et pollution, comme à Molay, il est souvent plus délicat de quantifier le préjudice sur le milieu aquatique lorsque les causes de la dégradation des cours d’eau sont multiples comme c’est le cas pour la Loue, le Doubs et le Dessoubre.
Isabelle Brunnarius
isabelle.brunnarius@francetv.fr