09 Juil

Les indispensables archives de l’Institut Courbet

En cette année de bicentenaire de la naissance de Gustave Courbet, un autre anniversaire est célébré : celui de l’Institut de Courbet qui fête ses 80 ans. L’institut Courbet est connu des commissaires priseurs des salles des ventes du monde. Ils font appel à son comité d’experts pour authentifier les oeuvres du maître d’Ornans. Mais l’Institut, c’est aussi un important fonds d’archives. Retour sur l’histoire de cette association.

En sortant du musée Courbet d’Ornans, le visiteur a juste en face de lui une plaque de pierre gravée : « Institut Courbet. Association des amis de Courbet ». Les plus curieux peuvent pousser la porte lorsque l’Institut est ouvert, ce qui n’est pas toujours le cas. Là, l’amateur de la peinture de Courbet peut découvrir tout une série de bulletins édités au fil des ans. Des revues qui fourmillent d’articles bien documentés. Une mine d’or !

 

Le visiteur n’aura pas accès aux réserves. Dans les étages, l’Institut conserve des archives accumulées depuis 1939. Essentiellement, des lettres, des photos, des gravures, des revues et livres de l’époque de Courbet. Peu à peu, l’Institut rend publics ses trésors. Pour ce bicentenaire, l’association a publié « Courbet en privé », un recueil de lettres inédites. La préface est signée par l’éminente spécialiste Petra Ten Doesschate Chu, auteur du premier recueil de lettres de Gustave Courbet. 

Parmi toutes les lettres conservées, il y a celles que Gustave Courbet a envoyées à l’architecte Léon Isabey. Ces échanges épistolaires livrent un éclairage inédit sur ce que Courbet voulait en demandant à son ami de créer un espace pour son exposition de 1867. Et c’est grâce à ce fonds que l’Institut propose jusqu’au 3 novembre l’exposition Courbet/Isabey, le peintre et son architecte à la Ferme de Flagey.

L’intérêt de cet anniversaire est aussi de revenir sur 80 ans d’une histoire mouvementée. En 1939, des Parisiens et des habitants du Doubs veulent que l’enfant du pays Gustave Courbet ait un musée dans sa ville natale, Ornans. C’est la fin d’une sorte de purgatoire pour Courbet. Vingt ans plus tôt, en 1919, son cercueil est transféré de la Tour-de-Peilz, la ville suisse où il a passé les dernières années de sa vie, au cimetière d’Ornans. Un retour en catimini. Pas d’officiels, pas de grande cérémonie.. Courbet a une réputation marquée au fer rouge. Anti-clérical, républicain, provocateur… Le peintre a beau avoir sa place dans l’histoire de l’art, l’homme n’est pas en odeur de sainteté dans sa ville natale. En 1939, la cérémonie relatée dans le journal Le Petit Comtois montre que Courbet redort son blason auprès des Ornanais. Une exposition et un buste de Gustave Courbet sont inaugurés par Jules Jeanneney, président du Sénat et Franc-Comtois.

Voici comment débute l’article du Petit Comtois :

La ville natale de’ Gustave Courbet lui a rendu hier, un hommage qui, pour être tardif, n’en a été que plus éclatant.(…) Ainsi se trouvent groupées une trentaine de peintures du plus haut intérêt puisqu’elles ont été composées à différentes époques de la vie de l’auteur. On a également recueilli de nombreuses lettres et autographes qui permettent d’évoquer la vie courageuse et mouvementée du grand artiste qui fut aussi un grand républicain, ce qui explique peut être dans une large mesure l’oubli dans lequel trop longtemps on a voulu enfouir sa mémoire.

Ce buste de Georges Laethier est aujourd’hui près du groupe scolaire Courbet d’Ornans. La suite de l’histoire, vous pouvez la découvrir dans ce reportage réalisé avec Laurent Brocard, Thomas Hardy, Frédérique Parnet et Marie Loir.

Avec : Carine Joly conservateur adjoint de l’Institut Courbet commissaire de l’exposition Courbet-Isabey. Robert Fernier Président de l’Association des amis de Courbet Ornans, juillet 1977 Jean-Jacques Fernier conservateur de l’Institut Courbet Paris, février 2013 Jean-Jacques Fernier conservateur de l’Institut Courbet Sébastien Fernier Fils de Jean-Jacques Fernier, animateur du Comité Courbet

Sur le site de l’Institut Courbet, vous trouverez plus de détails sur l’histoire de cette association. Outre l’aspect conservation d’archives, on doit à l’Institut la publication du catalogue raisonné de l’oeuvre de Gustave Courbet par son président Robert Fernier. Un catalogue raisonné, c’est l’ensemble des oeuvres que des experts attribuent à un artiste. Une sorte de « bible » toute comme la correspondance de l’artiste.

Le catalogue raisonné de Gustave Courbet par Robert Fernier

 

Comme je l’évoque rapidement dans le reportage ci-dessus, l’Institut Courbet c’est une aussi une histoire de famille, celle des Fernier. Le peintre Robert Fernier a été l’un des fondateurs de l’association des amis de Gustave Courbet en 1939. Son fils Jean-Jacques, architecte, et désormais, son petit-fils Sébastien, consultant, ont pris le relais. Aujourd’hui l’Institut Courbet poursuit son rôle d’expertise initialement exercé par Robert puis Jean-Jacques Fernier, mais sous la forme d’un comité Courbet dont les noms des membres restent confidentielles. Liberté de jugement ou opacité, cette volonté de confidentialité n’est pas toujours comprise. Les salles des ventes du monde entier s’adressent au comité Courbet pour authentifier les oeuvres présentées comme étant des Courbet avant une vente aux enchères. Un avis qui compte. Ce comité, animé par Sébastien Fernier, précise toutefois que

Tout avis délivré par le Comité Courbet est une opinion et ne peut en aucun cas constituer une garantie ni un certificat d’authenticité. Il est rendu à l’issue d’une étude approfondie mais peut varier en fonction des découvertes et de toutes évolutions intervenues postérieurement à la date d’examen de l’œuvre.

Car authentifier un Courbet reste un art très délicat ! En 2013, Jean-Jacques Fernier accrédite la thèse que L’Origine du monde ait une « tête ». Un tableau représentant un visage d’une femme brune est alors présenté comme étant un autre « morceau » d’une toile plus grande comprenant initialement le sexe (L’origine du Monde) et le visage de cette femme. Le magazine Paris-Match parle alors de « scoop mondial » mais le monde feutré de l’histoire de l’art reste prudent, dubitatif et réfute cette « révélation ». Aujourd’hui l’Institut botte en touche. Jean-Jacques Fernier a pris sa retraite et ne s’exprime plus publiquement. Sébastien Fernier n’infirme ni ne confirme l’avis sur cette fameuse « tête » délivré son père, il précise que Jean-Jacques Fernier a été le seul à pouvoir observer les deux tableaux.
Actuellement, le troisième tome du catalogue raisonné du peintre est en préparation. L’occasion pour le Comité Courbet d’actualiser le recensement des oeuvres de Courbet. La « tête » de L’origine du monde sera-t-elle inscrite ou pas au catalogue ?

Isabelle Brunnarius
isabelle.brunnarius(a)francetv.fr