10 Fév

Sécheresse 2018 : « Et si le Doubs disparaissait ? »

Le Doubs à sec lors de la sécheresse de 2018. Photo P.Froment.

Le titre est un brin provocateur ! Mais, c’est pour la bonne cause. Ce mardi 12 février, deux hydrogéologues de renom sont invités par le Pavillon des Sciences de Montbéliard pour éclairer les lanternes du grand public sur les enjeux hydrologiques à l’aune de la sécheresse de 2018. Jean-Pierre Mettetal et Pascal Reilé participent au Bar des sciences qui aura lieu au bar de l’hôtel Bristol à 20 heures.

La sécheresse de cette fin d’été a déjà laissé la place à quelques épisodes de crues. Il en est ainsi des rivières karstiques, l’excès est une seconde nature. Leur mystère aussi ! Finalement, la mise à nu du lit de la rivière Doubs a permis d’affiner les connaissances de son fonctionnement. Les colorations sont beaucoup plus aisées qu’en période de crues.

C’est ce que devrait expliquer Pascal Reilé, l’hydrogéologue chargé par la Direction Départementale des Territoires ( les services de l’Etat) de réaliser, en cette période de sécheresse, des traçages pour mieux comprendre la circulation souterraine des eaux. Mes confrères Emmanuel Rivallain et Denis Colle l’avait rencontré lors des colorations du Doubs :

Ce travail a permis de mieux comprendre l’écoulement des eaux du Doubs entre Maison du Bois et Ville-du-Pont. En fait, il existe une zone de partage des eaux à l’aval de Maison du Bois. D’un côté, l’eau ruisselle vers la Loue et de l’autre, elle retourne  via des chemins souterrains au Doubs à hauteur de Sombrenom, Remenot, Corchère. Cela peut s’expliquer par la faille de Pontarlier. Depuis un million d’années, deux plaques se décrochent doucement mais surement.

Est-ce vraiment utile de mieux connaître les pertes du Doubs ? C’est une des questions qui pourra être débattue lors de ce bar des Sciences :

L’avenir de l’eau est-il assuré ? Ou encore à construire avec un partage des ressources ? La production d’eau semble atteindre ses limites dans divers endroits de la région comme dans une partie du Jura, la région de Montbéliard ou dans plusieurs secteurs du Haut-Doubs où les alertes se sont succédé. Cet été nous avons vu un Doubs complètement  à sec sur des kilomètres ; des lacs, des torrents et des cascades devenus l’ombre d’eux-mêmes.  Cela  inquiète les usagers et les élus. Que se passe t-il ? Va-t-on vers une disparition inéluctable du Doubs ? Y a-t-il  des solutions ? Y aurait-il un patrimoine sous nos pieds encore très largement  méconnu ? La France puise 5,5 milliards de mètres cubes d’eau par an. Chaque habitant consomme en moyenne 148 litres d’eau par jour. L’eau reste un juteux marché mais qui coule de moins en moins de source.

Quant à la disparition du Doubs, elle pourrait bien avoir lieu mais pas avant … un million d’années. L’hydrogéologue Jean-Pierre Mettetal a prévu de replacer le débat dans un contexte géologique et non pas seulement à l’échelle humaine ! En milieu karstique, les rivières sont fantaisistes, elles jonglent passant d’un lit visible à des méandres souterrains. Et si l’on prend une forme de hauteur temporelle, cela devient vertigineux !

Jean-Pierre Mettetal a prévu de faire remonter dans le temps les participants à ce bar des sciences. Le massif du Jura a connu des périodes de glaciation. Des épisodes qui ont façonné les paysages d’aujourd’hui. Des moraines, ces dépôts de débris rocheux laissé par un glacier, ont barré la route du Doubs dans les vallées. Il y a 15 à 12 000 ans, le Doubs a quitté son lit. Il n’est plus à sa place originel. Un farceur qui se perd et se retrouve en surface comme dans le sous-sol.

Toutes ces histoires n’ont pas qu’un intérêt purement scientifique. Les communes qui ont dû être ravitaillées en eau potable par des citernes en savent quelque chose. D’après Jean-Pierre Mettetal, la grande réserve en eau souterraine de Novillars qui sert à alimenter en partie en eau potable la ville de Besançon fait partie justement de ce Doubs souterrain ! Une ressource en eau sans nitrate, sans trace de produits phytosanitaires .. 95% des eaux sont souterraines rappellent Jean-Pierre Mettetal. Il faut juste savoir où elle se trouve !

 

Isabelle Brunnarius
isabelle.brunnarius(a)francetv.fr