C’est une première ! Plutôt que d’organiser de nouveau un Pow Wow à Ornans, l’association Fourwinds propose aux habitants de la vallée et d’ailleurs de participer à une marche de l’eau au bord de la Loue. Ce rite amérindien purificateur aura lieu ce week-end.
Aux Etats-Unis, des Amérindiennes « porteuses d’eau » agissent pour tenter de sauver les cours d’eau victimes eux-aussi de la pollution. En ce moment même, Sharon Day marche le long du Misssouri. A chaque fois, la démarche est la même. La porteuse d’eau prélève à la source du fleuve ou de la rivière de l’eau dans une cruche puis marche le long de la rivière pour aller ensuite purifier le cours d’eau à plusieurs kilomètres du point de départ.
Ce rite dépasse le geste symbolique, il exprime rage et détermination. Les Amérindiens dénoncent les graves atteintes à l’environnement dans leur pays. La terre et l’eau de leurs ancêtres sont victimes d’intérêts économiques. Dans la réserve de Standing Rock dans le Dakota du Sud, les Sioux et les militants environnementalistes expriment leurs révoltes : ils sont des milliers à dénoncer la construction d’oléoducs qui menace gravement la qualité des eaux en creusant profondément dans le sol sous le Missouri. D’après eux, les risques de fuite sont réels.
Nibi Walk: Mississippi River from Works Progress on Vimeo.
L’idée de Christian Larqué, l’organisateur des Pow Wow d’Ornans et de Suisse, est de faire écho à la révolte de Standing Rock. Cette marche de l’eau devrait « éveiller les consciences » des Francs-Comtois. Même si il ne s’agit de pollution par du pétrole de schiste ou des mines d’uranium, les rivières de la région sont à l’agonie. Cette convergence de combats est d’ailleurs le thème du prochain documentaire de Sylvie Jacquemin. La réalisatrice est déjà venue à Ornans filmer les précédents Pow Wow.
Les années précédentes, ils étaient des milliers à venir assister aux cérémonies amérindiennes d’Ornans. Cette fois-ci, il s’agit d’accompagner les porteuses d’eau qui auront prélevé vendredi à 15 heures de l’eau de la Loue à la source du Pontet. Un rassemblement est ensuite prévu à la cascade de Syratu. Le lendemain, la marche est prévue à partir de 14 heures entre le pont de Vuillafans et Ornans. Quelques kilomètres le long de la Loue pour réfléchir à l’impact des activités humaines sur la vie des cours d’eau. Jana, une jeune habitante d’Ornans, a été choisie pour être la « petite marcheuse de la Loue ». Avant de se mettre en marche, elle sera intronisée selon les traditions amérindiennes. Puis, les participants suivront, les deux Amérindiennes « porteuses d’eau ». L’arrivée est prévue au Totem d’Ornans, cadeau des nations indiennes aux habitants de la vallée de la Loue pour « marquer l’amitié qui lie ces deux peuples ».
Dimanche, des conférences donneront le sens de cette démarche. Le matin à 10 heures, Fawn Galvan expliquera les relations entre la femme et l’eau. A 11h30, une table-ronde animée par Marc Bertet est prévue puis en début d’après-midi, l’Amérindien Dennis Yelow Thunder (Chef Lakota et Homme Médecine) décrira son combat contre la pollution des mines d’uranium. Puis, à 16 heures, Zanya Hawk reviendra sur les événements de Standing Rock.
L’association Fourwinds est soutenue par la mairie d’Ornans pour l’organisation de ces trois jours de « Marche avec la Loue ». La ville est très attachée à son rendez-vous avec la culture amérindienne. Depuis 2008, Ornans a accueilli quatre Pow Wow et en 2015 près de 10 000 personnes ont assisté aux cérémonies. Après l’attentat de Nice, il avait été décidé de ne pas organiser de Pow Wow en 2017 en raison des difficultés à assurer la sécurité du lieu. Le prochain doit avoir lieu en 2018.
Cette marche de l’eau ne devrait pas rassembler autant de participants qu’en 2015 mais le message des Amérindiens est encore plus en lien direct avec le combat des défenseurs des rivières comme SOS Loue et rivières comtoises ou la CPEPESC. Il ne s’agit pas de folklore mais d’une incitation, voir d’une incantation, à changer nos pratiques pour mieux respecter l’environnement. Les élus de la ville d’Ornans assument pleinement l’intention écologique de cette marche avec la Loue. La voix des Amérindiens portera-t-elle plus que celle des Francs-Comtois mobilisés pour les rivières ? Nul n’est prophète en son pays. Si le public est au rendez-vous de cette marche inédite, le message des porteuses d’eau Fawn Galvan et Zanya Hawk pourrait bien jouer le rôle de catalyseur d’énergies.
Isabelle Brunnarius
isabelle.brunnarius(a)francetv.fr