11 Mar

Ouverture de la pêche sur la Haute-Loue : Faut-il lâcher des truites arc-en-ciel dans la rivière ?

A gauche, deux truites Arc-en-ciel (élevage). A droite, une truite fario (sauvage)

A gauche, deux truites Arc-en-ciel (élevage). A droite, une truite fario (sauvage)

Plus que jamais, le monde de la pêche est divisé dans la haute vallée de la Loue. Depuis quelques années, la situation est complexe. il n’y a plus de règlement commun entre les associations de pêche entre Ornans, Montgesoye, Vuillafans, Lods et Mouthier. Les pêcheurs de Montgesoye et une partie de ceux de Mouthier-Lods (La Baume de Mouthier) ont quitté la fédération départementale de pêche pour conserver leur liberté. Et cette année, ce premier jour de pêche de la saison 2016-2017 a eu lieu sur fond de division. Deux conceptions de la pêche s’affrontent : Que recherche le pêcheur ? Quel relation a-t-il avec sa proie ? Quelle remise en question est-il prêt à accepter au nom de la préservation du milieu aquatique ?

Les frères Cattin, piliers de l’AAPPMA La truite de Mouthier-Lods, assument leur choix. Cette année, leur société de pêche a décidé de lâcher, en aval de la réserve de cette AAPPMA, plusieurs fois 100 kilos de truite Arc-en-ciel, provenant de l’élevage de la Côte. Des mises à l’eau prévues la veille de l’ouverture, puis les 14 avril, 5 mai, 3 juin, 13 juillet et 11 août. Avant l’apparition de la saproneliose en 2010, cette AAPPMA déversait des truites fario. Une pratique arrêtée par précaution. Pourquoi avoir pris cette mesure « temporaire » ? Dans le reportage que nous avons réalisé avec Fabienne Le Moing et Emmanuel Dubuis, la réponse est simple : pour ramener du poisson à la maison ! Ces deux dernières années, la préfecture du Doubs avait accordé la prise d’une truite fario par jour et par pêcheur dans la Haute-Loue. Mais, cette année, toute le parcours de la Loue est redevenue en no kill en raison d’une chute du cheptel. En juillet dernier, une pêche électrique à Mouthier a permis de constater une chute des effectifs entre 2010 et 2016. Désormais, les truites fario et les ombres doivent être systématiquement remis à l’eau. Reste donc la truite d’élevage …


L’ouverture de la pêche dans la haute vallée de la Loue

Quelles conséquences peut avoir cette introduction de truite Arc-en-ciel dans la Haute-Loue ? Cette pratique est déjà effective sur d’autres secteurs de la Loue mais dans la haute vallée, c’est une première ! La fédération de pêche du Doubs n’interdit pas mais n’approuve pas. Jean-Marie Conche, le président de la société de pêche de Montgesoye désapprouve totalement. Le contrat de territoire Haut-Doubs Haute-Loue « recommande de préserver les souches piscicoles autochtones et de mettre en cohérence la gestion du patrimoine ».

Pour des raisons sanitaires. Les truites d’élevages sont certes contrôlées mais difficile de certifier qu’elles sont exemptes de toutes contaminations. Pour des raisons culturelles. Quel intérêt de taquiner un poisson qui gobe tout ce qui passe, qui n’arrête pas de se déplacer ?  Les pêcheurs venaient du monde entier pour se confronter à cette fario rebelle et maligne.
Pour des raisons patrimoniales. La truite Arc-en-ciel est une carnivore vorace et elle peut mettre en péril le cycle de reproduction des espèces sauvages.

Mais les habitudes de pêche ont la vie dure. Et puis il y a l’argent … Celui des cartes de pêche. Dans toute la vallée de la Loue, leur vente a chuté presque de moitié en dix ans. Mais pas partout. A Mouthier-Lods, 139 cartes annuelles pour adultes ont été vendues en 2016 contre 127 en 2008; le creux des 2009-2010-2011 a été surmonté. Des pêcheurs, extérieurs au village, viennent pratiquer la pêche à la mouche dans ce décor somptueux. En revanche, à Cléron , ces cartes ont chuté de 74 en 2008 à 27 l’an dernier. Pour les rivières de première catégorie comme la Loue, les associations de pêche doivent avoir des ressources pour louer ou acheter le droit de pêche aux propriétaires des rives, souvent des particuliers.  A Mouthier, selon Cyrille Cattin, le président de l’AAPPMA La truite de Mouthier-Nods, les propriétaires des rives veulent garder le poisson qu’ils pêchent. En tant que propriétaires, ils ont un certain poids…

Ces pêcheurs sont les premiers à monter au créneau pour défendre sincèrement leur rivière, tout comme les pêcheurs qui refusent que des seuils ou des barrages soient arasés pour rétablir la continuité écologique. C’est toujours la faute du voisin !

Isabelle Brunnarius
isabelle.brunnarius(a)francetv.fr