Prendre le temps du recul est toujours instructif. La ville de Besançon vient de dresser le bilan de 10 ans d’actions sur le bassin versant d’Arcier. Une démarche « audacieuse » selon Laurent Teissier, le directeur de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse. A l’époque, les actions de prévention pour l’environnement n’étaient pas dans l’air du temps. La logique de la ville de Besançon a été de chercher à « supprimer le problème plutôt que de le traiter » comme l’a expliqué Christophe Lime, adjoint au maire de Besançon, chargé de l’eau et de l’assainissement.
Pourquoi protéger la source d’Arcier en voulant diminuer les sources de pollution sur son bassin versant ? La moitié des Bisontins sont alimentés par une eau du robinet qui provient, après traitement, de la source d’Arcier. Plutôt que d’investir lourdement dans une station de traitement des eaux, la ville a souhaité agir à la source. Un pari car les habitants et les acteurs économiques n’ont à priori aucun intérêt à se mobiliser puisqu’ils ne boivent pas eux même de cette eau. C’est le syndicat mixte des eaux de la Haute-Loue qui fournit en eau potable les habitants de bassin versant d’ Arcier. Et pourtant, cela a globalement bien marché même si il reste encore des progrès à faire. Pendant toute une soirée, des habitants, des chefs d’entreprises, des agriculteurs, des élus de ce secteur sont venus à l’espace du Marais de Saône pour en débattre. C’était le 9 avril dernier.
Concrètement, que s’est-il passé pendant ces dix annnées ? Les agriculteurs ont largement été impliqués dans cette démarche volontariste. Le cadre réglementaire de leur usage des produits phytosanitaires ( comme les herbicides) a été renforcé et ils ont bénéficié de compensations financières pour compenser l’impact de ces nouvelles pratiques. D’après Christian Morel, agriculteur à Saône, « l’utilisation des produits phytosanitaires a chuté de 40% en 4 ans ». Les statistiques présentées par le bureau d’études chargé du bilan demeurent cependant incomplètes sur cette question. A noter que les taux de nitrate dans l’eau brute ont diminué.
Sur les 128 analyses d’eau brute avant traitement réalisées lors de ces dix années, 27 dépassements de seuil ont été enregistrés dont la moitié par l’herbicide utilisé dans le Round up, le glyphosate. Diminuer l’usage des pesticides a été la priorité de ces actions, le traitement des micropolluants pour rendre l’eau potable étant particulièrement onéreux et difficile.
L’intérêt de cette démarche de prévention a été de vouloir toucher tous les acteurs du bassin versant. Avec plus ou moins de succès. Et comme souvent, un schéma vaut mieux qu’un long discours. Voici, les résultats obtenus après actions auprès des communes. Plutôt que de traiter, les communes ont privilégié le désherbage thermique ou manuel.
Autre action réussi celle auprès de gros utilisateurs de phytosanitaires : la SNCF, l’aérodrome, le golf. Là aussi les résultats sont probants.
Plus difficile à démarcher et à convaincre; les petites entreprises et les particuliers. Après la présentation générale des résultats, L’ASCOMADE a proposé aux participants de se retrouver en petit groupe pour échanger sur leurs pratiques et proposer des pistes d’amélioration pour les années à venir. J’ai participé au groupe des habitants du bassin versant.
Des échanges particulièrement instructifs car ils reflètent ce qui se produit dans de nombreuses autres situations. La mobilisation pour sauver la Loue par exemple. La douzaine d’habitants venus de Montfaucon ou de Nancray, Gennes, Morre, Saône, La Vèze, La Chevillote, Mamirolle et Naisey ne représente pas réellement les habitants du secteur. Ils sont déjà motivés et impliqués. Leurs remarques ont permis de soulever les obstacles rencontrés pendant ces dix ans d’action. La difficulté d’informer le grand public. Une lettre d’information a été créée mais elle n’est pas forcement lue ou connue, « je n’ai pas l’impression d’avoir été bien informé » reconnait un habitant de Montfaucon. Et surtout, les habitants ne se sentent pas concernés car « on est pas bénéficiaire des efforts que l’on fait ! » d’autant plus que les « gens n’ont pas conscience des dégâts qu’ils font en utilisant du glyphosate ». « A aucun moment, on m’a dit que j’étais sur le bassin versant » regrette un autre participant. En milieu karstique, les gestes du quotidien ont un impact que l’on habite au bord de la rivière ou bien plus loin. C’est ce qu’a compris une des participantes en visitant la source d’Arcier. Une des actions pédagogiques organisées par la ville de Besançon lors de ces dernières années.
» La visite de la source et des marais de Saône nous a ouvert les yeux. Cela m’a fait comprendre le cheminement de l’eau et que cela vient de chez nous ».
Pour les années à venir, le groupe d’habitants a proposé de diffuser les informations sur les réseaux sociaux, dans les bulletins municipaux, continuer les visites pour les scolaires . Autre piste : veiller à ce que les désherbant soient bannis des cimetières et organiser le prêt aux particuliers de matériel de désherbage thermique.
Cette exercice de démocratie participative pourrait donner des idées aux responsables des actions pour préserver la Loue.
« la source d’arcier est votre territoire, votre environnement et votre santé ! «
Un slogan qui pourrait se décliner pour la vallée de la Loue. Il est assez facile d’impliquer des organismes déjà structurés ( chambre d’agriculture, chambre d’industrie), c’est beaucoup plus long de toucher le grand public. L’Agence de l’eau cite souvent en exemple les actions sur le bassin versant d’Arcier, « un modèle pour les cinquante autres captages prioritaires » de la région. L’adjoint au maire Christophe Lime a fait lancer des études pour relier la station de traitement des eaux de la Malate à la réserve d’eau de Montfaucon pour qu’un jour, les habitants du bassin versant d’Arcier, puissent avoir accès à l’eau qu’ils contribuent à rendre moins polluée à la source. Une façon d’impliquer encore plus les habitants dans cette démarche de préservation de la ressource en eau.
Isabelle Brunnarius
isabelle.brunnarius@francetv.fr