25 Sep

Carnet de bord # 10

Traduire Richard III (3/3)

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Si Shakespeare donne à entendre, à rêver, à rire, il donne aussi – et peut-être d’abord – à voir. Exprimer cet art du regard, ici transcendé en dessillement radical porté par une audace visionnaire et une imagination infinie, constitue un enjeu essentiel de la traduction. De Shakespeare, les visions explosent les cadres de la réalité, le socle de la normalité, les bornes de la bienséance. Tout ce qu’on ne verra pas ailleurs, dans la vie ou au théâtre, à la scène ou à la ville, ce poète l’expose et l’exalte, il le réalise et nous émerveille. Il ose tout – et son contraire. Rien ne l’arrête.

Ni l’exigence de cohérence temporelle, qui donnait déjà à Macbeth la temporalité en fusion d’un cauchemar où l’univers se condense en une chaîne de court-circuits, et qui dans Richard III concentre plus d’une décennie d’actions historiques en une folle course à l’anéantissement du monde et à l’implosion de soi-même. De fait, le poème macbethien de l’initiation au crime atteint avec Richard l’incandescence d’un joyeux éloge de la jouissance dans le mal, que Jean Lambert-wild et Élodie Bordas explorent dans leur jeu avec autant de délection que de précision pour en déployer toutes les saveurs, sous le regard attentif de Gérald Garutti et de Lorenzo Malaguerra, dans une commune volonté d’extrême précision dans la direction d’acteurs.

Ni les réticences des convenances, qui eussent par exemple interdit de donner à voir les meurtres d’enfants – crime dont fut accusé le Richard III historique, présenté coupable d’avoir fait assassiner ses propres neveux pour accéder au trône – et que nous montrons dans notre spectacle, avec toute l’horreur ludique provoquée par ce Joker infernal, certes héritier de l’allégorie médiévale du Vice mais tout autant beau monstre de la Renaissance, fascinant de séduction et d’immoralité.

Leicester (UK) 03 2015 ©Tristan Jeanne-Valès

Leicester (UK) 03 2015 ©Tristan Jeanne-Valès

Ni le souci de la vraisemblance psychologique, qui fait du brusque retournement de Lady Anne une énigme inaugurale, la veuve éplorée se changeant soudain en promise conquise par le meurtrier exécré de son mari et de son beau-père – ce « porc fouisseur » sanglant qu’elle conspuait pourtant l’instant d’avant. Loin de taire le mystère de cette inexplicable conversion de la haine absolue en consentement au mariage et en promesse d’amour, Shakespeare en souligne explicitement l’opacité. Dès le monologue d’ouverture, il fait d’emblée annoncer par Richard son projet impossible voire délirant, ourdi pour une raison ostensiblement cachée :

« Après quoi, j’épouserai la fille cadette de Warwick
Qu’importe que j’aie tué son mari et son père ?
Le plus court chemin pour dédommager la belle
Consiste à devenir son mari et son père :
Ce que je ferai; non tant par amour
Que pour un autre dessein, impénétrable et secret,
Que par un tel mariage j’accomplirai. »

Ce dessein, « impénétrable et secret », véritable trou noir au cœur de l’être, autorise tous les impossibles et ouvre une brèche féconde à toutes les monstruosités.Puis, après coup, le Barde offre à son héros un autre monologue en manière de bilan, où le prétendant impensable vante son tour de force à un public qu’il défie tout autant qu’il l’amuse, comme s’il cherchait, par l’inexplicabilité de sa prouesse, à précipiter une complexe alchimie de complicité, d’admiration et de répulsion.

©Tristan Jeanne-Valès

©Tristan Jeanne-Valès

« Femme fut-elle jamais en pareille humeur courtisée ?
Femme fut-elle jamais en pareille humeur gagnée ?
Je l’aurai; mais je ne la garderai pas longtemps.
Quoi! Moi, qui ai tué son mari et son père,
La prendre au cœur de sa haine la plus furieuse,
Les malédictions à la bouche, les larmes aux yeux,
Devant le sanglant témoignage de sa haine;
Avoir Dieu, sa conscience et tous ces obstacles contre moi,
N’avoir aucun ami à mes côtés pour soutenir ma cause,
Hormis le diable et mes regards hypocrites,
Et pourtant la gagner, – le monde entier contre rien! »

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Shakespeare bâtit un théâtre des paris impossibles et pourtant tenus. Tel est l’horizon asymptotique de notre traduction, sensible à la puissance de ces inconcevables visions.

18 Sep

Carnet de bord # 9

Traduire Richard III (2/3)

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Shakespeare incarne la chair du monde – il en déguste toutes les saveurs, en étreint toutes les ardeurs, en digère toutes les matières. Sa langue s’élance concrète, charnelle, infinie dans les espaces qu’elle traverse, en invention perpétuelle. Sa poésie embrasse tous les champs, magnétiques ou politiques, érotiques ou métaphysiques, historiques ou domestiques. Le Barde du Globe n’a peur de rien, ni du grand écart périlleux, ni de la joyeuse trivialité, ni du coq-à-l’âne stupéfiant, ni du martellement insistant. Cette liberté absolue nous guide dans notre traduction, qui veille à exprimer du texte originel la bigarrure essentielle, l’audace radicale et la beauté convulsive.

Trop souvent, Shakespeare se donne à lire en français au travers de trois prismes différents dans leur approche mais également divergents à l’égard de l’esprit anglais initial. 1. Une classicisation de la langue, qui en abrase toutes les rocailleuses aspérités, les saillantes disparités et les ludiques disparités – se perdent alors l’esprit du jeu tenté à tout prix et le démon de la vie réellement vécue, et disparaît avec eux le jaillissement baroque (on croirait entendre Shakespeare détourné par Racine). 2. Une littéralité à la frontière du barbarisme, qui fait sonner la monstruosité shakespearienne sans parvenir à en inventer la transposition française, au risque de l’obscurité du propos, de la violence infligée à la grammaire et au sens, de l’imprononçabilité sur une scène de théâtre (on croirait entendre Shakespeare écrasé par Google Translate). 3. Une extrapolation d’une subjectivité partiale, qui déplace le génie anglais vers des horizons étrangers, en distord la vérité et en tord la parole, en pervertit la dynamique et la signification, pour faire primer sa propre musique intérieure et sa mythologie trop personnelle (on croirait entendre le traducteur glosé par Shakespeare).

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Comment faire résonner la puissance et l’étrangeté, l’insolence et la vitalité, sans se réfugier sans une réduction classique, une fidélité opaque ou une élucubration interprétative? En prêtant l’oreille à la poésie de l’humour. Quand Gérald Garutti a mis en scène Richard III en Angleterre avec sa troupe de comédiens anglais, il a été frappé de la déflagration comique provoquée par leur jeu. Richard ne se limitait plus à intervenir en triste sire et sinistre comploteur, il prenait toute l’étoffe d’un joker à l’humour assassin et d’un pervers polymorphe possédé par la jouissance du jeu – jeu de vilain, jeu de massacre, feu de joie. Les comédiens riaient, fût-ce en leur fort intérieur, et les spectateurs riaient avec eux, avec toute la licence d’un public dépris de l’esprit de sérieux. C’est cette poésie de l’humour, souvent noir, ou jaune, ou rouge sang, que nous visons à traduire, avec l’alacrité et l’allant du plateau d’où partent toutes les énergies. La puissance de corruption, de perversion et de destruction d’un Richard, véritable soleil noir de la mélancolie, ne va pas sans une terrible énergie comique de presque tous les instants, pétrie de distance à soi, au monde et à l’autre, une énergie qui se joue de tout, et d’abord de soi-même. Oui, Richard joue, à tous les sens du terme – y compris sa vie et son destin. Ainsi, le clown de Jean Lambert-wild, développé sur maints spectacles antérieurs, prend-il tout son sens lorsqu’il enfile ici la fraise du prince noir d’York, dernier de sa lignée, fin de race explosive – « le monde entier contre rien ».

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Un bon exemple de cet humour qui s’infiltre partout, y compris là où on l’attendrait le moins, est la scène du meurtre de Clarence, que nous travaillons en ce moment. Richard envoie deux meurtriers assassiner son frère Clarence, soi-disant sur ordre de son autre frère régnant, le roi Edouard. Mais face au corps de leur victime endormie, les deux assassins se voient saisis à tour de rôle d’un « petit relent de conscience », qui, de l’un à l’autre, se faufile, de l’âme du premier jusqu’au « coude » du second en passant par la bourse de Richard. Au point que les deux « cadors » aux airs de gros bras se retrouvent à « raisonner » avec l’homme qu’ils doivent tuer et, l’instant d’avant, méditaient d’ « accommoder en mouillette ». Suite d’hilarantes palinodies, leur ping-pong éthico-pratique, du calcul commercial à la recette culinaire, est ponctué de « quoi », systématiquement traduits par Gérald Garutti (la répétition étant l’une des fleurs les plus odoriférantes de la rhétorique, comme le disait bien Raymond Queneau dans Les Fleurs bleues, à l’inverse d’une trop française aversion malvenue pour la répétition). De la sorte, Jean Lambert-wild et Elodie Bordas peuvent se renvoyer cette balle qui claque dans l’incompréhension, la brutalité voire l’obscénité. D’autant plus que ce duo assassin intervient juste après le rêve de Clarence, vision sublime autant qu’horrible et pathétique où, dans une poétique de la rêverie et de la catastrophe, le captif prophétise sa propre mort, poussé par son frère Richard depuis le pont d’un bateau :

“O Seigneur! Quelle souffrance quand il me sembla me noyer!
Quelles horribles visions de mort dans mes yeux!
Il me sembla voir un millier d’effrayantes épaves;
Un millier d’hommes rongés par les poissons;
Des lingots d’or, des ancres immenses, des monceaux de perles,
D’inestimables pierreries, d’inappréciables joyaux,
Tous éparpillés au fond de l’océan,
Parfois nichés dans les crânes des morts; et dans ces trous
Où se logeaient jadis les yeux, s’étaient glissés,
Parodies des yeux, d’étincellantes pierreries,
Qui courtisaient le fond visqueux des profondeurs
Et bafouaient les ossements morts éparpillés autour d’eux.”

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De cette extraordinaire vision d’une noyade infinie, au fond d’un abîme de mort et de beauté, jusqu’au pronostic de trempette dans un tonneau de vin assaisonné par deux hommes de main versatiles, en traduisant Shakespeare Gérald Garutti cherche à épouser les genres, les impressions et les univers, pour offrir à Jean Lambert-wild et Elodie Bordas matière à jouer et à vivre, à déployer la beauté jusque dans son horreur et son rire.

11 Sep

Carnet de bord # 8

Traduire Richard III (1/3)

RICHARD III. Loyaulté me lie. Jean Lambert-wild, Elodie Bordas, Lorenzo Malaguerra, Gérald Garutti, Jean-Luc Therminarias et Stéphane Blanquet. Répétitions au Théâtre de l'Union. CDN Limousin. Limoges. 26 06 2015 ©Tristan Jeanne-Valès

©Tristan Jeanne-Valès

Traduire, c’est toujours choisir. Comme pour toute écriture, certes, mais avec en prime, par définition, un faisceau complexe d’exigences concurrentes issues d’ailleurs – non de soi-même (véracité intime ou fantaisie personnelle) mais d’un texte premier, ensemble constitué à faire entendre au mieux par le prisme d’une autre langue. À l’origine, par effet d’antériorité et d’autorité, le texte original prime, la traduction seconde. Mais à l’arrivée, la traduction prévaut, se donnant seule à voir, éclipsant un original relégué dans le secret de ses replis et mué en palimpseste dont, dans le meilleur des cas, les nervures irrigueront le filigrane.

Nous avons choisi d’écrire une nouvelle traduction de Richard III. Et donc nous dansons sur un fil dont la tension, cruciale pour l’élan de la langue au plateau, exige audace et acuité, inspiration et vigilance, fidélité et liberté, rigueur et initiative, mémoire et imagination. Fermement guidés par plusieurs principes essentiels.

RICHARD III. Loyauté me lie. Jean Lambert-wild, Stephanr Blanquet, Gerald Garutti, Jean-Luc Therminarias. Répétitions au Théâtre de l'Union. CDN Limousin. Limoges. 25 06 2015 ©Tristan Jeanne-Valès

©Tristan Jeanne-Valès

1. De la musique avant toute chose. Shakespeare est poète. Dès lors, il ne se contente pas de dire, il ne cesse de chanter. La cadence de son vers, l’ordre de ses mots, la rythmique des répliques, les sonorités de ses périodes: tout joue, tout compte, tout sonne et résonne. Pour avoir déjà mis en scène Richard III en anglais avec une troupe de douze comédiens britanniques, seul, il y a douze ans en Angleterre, Gérald Garutti part d’une immersion totale dans le texte original, qu’il avait jadis sillonné en profondeur pendant une pleine et dense année de travail, sans avoir alors jamais recours à la médiation de la langue française. Cette plongée au long cours a induit une connaissance intime de la matière originelle de la pièce, pleinement incorporée à force de l’avoir entendue, proférée, méditée, réfléchie, dirigée dans sa langue originale, et donc avec sa musique première. C’est par cette résonance primordiale que Gérald Garutti aborde la traduction de Richard III, en visant à restituer le souffle de la parole shakespearienne, en approchant la plus grande justesse de ses timbres et de ses rythmes, en cherchant la plus stricte pertinence de ses volumes et de ses dynamiques au regard du texte-source.

RICHARD III. Loyauté me lie. Jean Lambert-wild, Stephanr Blanquet, Gerald Garutti, Jean-Luc Therminarias. Répétitions au Théâtre de l'Union. CDN Limousin. Limoges. 25 06 2015 ©Tristan Jeanne-Valès

Ainsi, pour prendre un exemple simple, du vers suivant, issu de la malédiction de Margaret contre Richard:

“Thy friends suspect for traitors while thou livest”

“Tes amis, soupçonne-les de traîtrise toute ta vie”

En termes rythmiques, loin de lisser la violence shakespearienne, qui procède par éclats en faisant surgir dans la phrase les termes selon leur importance, nous en répercutons la respiration haletée, qui cloue les amis à l’orée du vers pour en faire un objet de soupçon niché en son sein, rongé par la traîtrise et courant jusqu’à la fin du dit vers, conclu seulement avec la vie. En termes mélodiques, nous faisons entendre le venin de la malédiction qui gicle par alternance de sifflantes et de dentales. En termes métriques, aux dix syllabes canoniques du vers shakespearien (pentamètre iambique) correspondent ici quatorze syllabes dans la version française, effort de densité systématiquement poursuivi afin de conserver une masse sonore analogue d’une langue à l’autre (de fait, cet enjeu s’avère toujours des plus difficiles vue l’extrême concision de la langue anglaise  qui procède par monosyllabes là où le français se déploie souvent en mots de plusieurs syllabes ; exemple typique de vers anglais, dans le monologue d’ouverture de Richard : « that dogs bark at me as I halt by them » ; soit dix mots d’une syllabe chacun – autrement dit le cauchemar du traducteur français attentif à la métrique.

Ainsi, quand Jean Lambert-wild met en bouche ce vers pour le tester, en poète et en acteur, il en vérifie les appuis et les glissements, les impacts et les sonorités, les vitesses et les accès, à haute voix face à Gérald Garutti, qui, en dialogue et en retour, affine à nouveau la mélodie de la langue. Et ainsi de suite, encore et encore. Exercice de haut vol auquel se livre depuis cet été ce duo de voltigeurs qui, sans filet mais non sans conscience, se jettent dans le vide à chaque réplique.

RICHARD III. Loyauté me lie. Jean Lambert-wild, Stephanr Blanquet, Gerald Garutti, Jean-Luc Therminarias. Répétitions au Théâtre de l'Union. CDN Limousin. Limoges. 25 06 2015 ©Tristan Jeanne-Valès

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04 Sep

Carnet de bord # 7

Notre adaptation de Richard III s’est enrichie lorsque que nous avons choisi que le personnage de Richard interprété par Jean Lambert-wild serait accompagné par une femme, à savoir Elodie Bordas.
En effet, lorsque nous découvrons l’histoire de Richard III, histoire de sa vie réelle et histoire rapportée par Shakespeare, nous mesurons que la relation qu’il entretient avec les femmes est aussi complexe que passionnante.

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Depuis sa naissance, Richard fait souffrir toutes les femmes qui l’entourent jusqu’à sa propre mère, qui, jour après jour, le voit s’enivrer d’un désir sanguinaire, et va jusqu’à regretter de l’avoir mis au monde. Ce benjamin « frustré d’allure par la fallacieuse nature” d’une fratrie de douze enfants dont la moitié seulement va survivre, ne trouve le moyen d’exister aux yeux de ses proches que par ses accès de colère, et développe tout au long de sa vie des stratégies sournoises afin de se prouver à lui-même sa propre valeur.

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Mais plus durement, il regrette que les hommes se laissent si facilement corrompre par les vains plaisirs de la vie. Il observe avec dégout que les hommes de pouvoir se laissent détourner de leurs accomplissements par les attraits des femmes. Il est répugné de découvrir que le roi Edouard, son frère,  agit de la sorte après l’heure de son couronnement, de constater que le vainqueur des Lancastre à la bataille de Towton se laisse si facilement manipuler par les plaisirs charnels.

RICHARD III Jean Lambert-wild premières répétitions au Théâtre d'Hérouville 10 2014 ©Tristan Jeanne-Valès

©Tristan Jeanne-Valès

“Et voici qu’au lieu de monter des chevaux cuirassés
Pour effrayer les âmes d’ennemis effarés,
Il fait de lestes cabrioles dans la chambre d’une dame
Aux accents langoureux d’un luth voluptueux. »

Ainsi il méprise la Reine Elisabeth et ses vulgaires complaintes érigées par un égoïsme honteux.
“Sa Grâce royale
Ne peut profiter d’un souffle de répit
Sans que vous ne la troubliez de vos vulgaires complaintes.”

De même, Il n’accorde aucune importance à la vieille reine Margaret dont les crises de démences étaient déjà l’objet de querelles sur son inaptitude à gouverner le Royaume. Il ne supporte pas non plus de voir son mari Henry VI et son fils Edouard se laisser manipuler par elle, et la considère comme responsable de leur folie.
Et si, plus tard Richard s’intéresse à sa belle-fille Anne Neville et se permet de la courtiser après avoir tué son mari et son père, ce n’est pas par attrait sentimental envers elle, c’est uniquement car leur union justifierait le ralliement des maisons d’York et de Lancastre et permettrait d’agrandir son royaume s’il était couronné.

RICHARD III - LOYAULTÉ ME LIE - WILLIAM SHAKESPEARE Un spectacle de Jean Lambert-wild, Elodie Bordas, Lorenzo Malaguerra, Gérald Garutti, Jean-Luc Therminarias et Stéphane Blanquet. Répétitions au Théâtre de l'Union, CDN Limousin. Limoges 02 07 2015 ©Tristan Jeanne-Valès

©Tristan Jeanne-Valès

Toutes les femmes qu’il croisera dans les âges de sa vie finiront toutes par le maudire.
Haï de tous, maudit par la reine Margaret, rejeté par sa mère, insulté par sa femme, Richard fait fi de tous les sentiments de ses semblables. Toutes le méprisent, mais aucune n’est jamais parvenue à l’attendrir, pourquoi chercherait-il à leur plaire réellement? En quelque sorte, Richard est une espèce de contre-Dom Juan, son exact opposé géométrique. Don Juan vit dans un désir égoïste de plaire et dans la jouissance de l’instant présent alors que Richard ne cherche qu’à s’accomplir dans un dessein « impénétrable et secret ». Et tout comme en géométrie la symétrie n’existe que par un axe ou un point de différentiel, l’axe commun entre ces deux personnages est que pour chacun d’eux il n’existe aucune règle sociale, morale ou religieuse qui ne puisse contrarier leur entreprise.

RICHARD III Jean Lambert-wild Leicester (UK) 03 2015 ©Tristan Jeanne-Valès

©Tristan Jeanne-Valès

Au final, ce même Richard vu comme un monstre par certains, comme un traître par d’autres, comme un personnage perfide et sanguinaire est peut-être simplement un être incompris et profondément mélancolique, « dépourvu de la majesté de l’amour » dont le dessein impénétrable et secret serait d’organiser un grand Festin de pierre, et d’y inviter le monde entier à dîner pour enfin exister.