30 Oct

Carnet de bord # 15

Emblème et devise (2/2)

Symbole de force et de bravoure, le sanglier blanc a été pris comme emblème par Richard, duc de Gloucester, alors que ses frères Edouard IV et George, duc de Clarence ont respectivement choisi le lion blanc et le taureau noir.
Le sanglier bleu faisait déjà partie des nombreux emblèmes d’animaux du Roi Edward III, trisaïeul de Richard, et dernier patriarche Plantagenêt des maisons d’York et de Lancastre. Richard III a conservé ce symbole, mais les lois de l’héraldique l’obligèrent à avoir sa propre couleur, ce qui lui fit passer du sanglier d’azur (bleu) au sanglier d’argent (blanc).
Quelques rumeurs disent aussi que le choix du sanglier, « boar » en anglais viendrait d’un jeu de mots avec Eboracum, nom latin de l’ancienne cité romaine, devenue York par la suite.

Quelles que soient les raisons qui aient orienté Richard dans son choix, le sanglier était un symbole merveilleusement approprié car Richard était aussi courageux et volontaire que la bête elle-même. Tout au long de sa vie, Richard fut en effet un militaire vaillant et un chef résolu.
Le sanglier blanc de Richard est également connu pour avoir été massivement distribué sous forme de badge lors de l’intronisation de Richard en 1483. En effet, la guerre des Deux-Roses étant aussi une guerre des signes, à des fins de propagande, il avait fait faire 13000 badges en tissu de futaine qui devaient être distribués à ses partisans. Les autres badges en métaux précieux étaient destinés à des personnes de statut supérieur, ducs et notables, en reconnaissance de leur fidèle soutien.
Nous avons repris cette emblème à quelques endroits dans le décor mais surtout sur les motifs ornant l’armure en porcelaine dessinée et peinte à la main par Stéphane Blanquet puis sculptée par Christian Couty et enfin cuite grâce au concours de la Manufacture de porcelaine de Limoges.

Sur cette armure, composée d’un brassard complet pour le bras gauche comprenant canon d’avant-bras, cubitière, canon d’arrière-bras et épaulière ; puis pour la poitrine et l’abdomen d’un plastron et d’une pansière ; et enfin pour la jambe droite d’une tassette, d’un cuissard, d’une genouillère et d’une grève, on retrouve donc plusieurs des emblèmes de Richard III : Le sanglier blanc, le faucon au visage de vierge tenant une rose blanche, le soleil étincellant et bien-sûr la rose blanche des Yorks.
Cette rose blanche dessinée à plusieurs reprises sur l’épaulière et le cuissard de l’armure a été prise comme emblème au XIVes par Edmond de Langley, 1er duc d’York, fils cadet de la Maison Plantagenêt, le blanc étant le symbole de la lumière, caractérisant l’innocence, la pureté, la joie et la gloire. Durant la guerre dite des roses, la rose blanche des York fut opposée à la rose rouge de la branche Lancastre, issue de Jean de Gand, frère aîné d’Edmond de Langley. L’issue de cette guerre de trente ans, a été marquée par la défaite de Richard III face à Henry VII qui épousa Elisabeth d’York et réunifia ainsi les deux branches avec la rose bicolore de la dynastie Tudor.

©Tristan Jeanne-Valès

©Tristan Jeanne-Valès

La devise « Loyaulté me lie » et les emblèmes de Richard III ont acquis une place très importante dans notre processus de création. Ils furent des signes posés sur quelques éléments de costumes, d’accessoires ou de décors. Mais plus important, ils constituent des guides pour l’interprétation conduite par Jean Lambert-wild et Elodie Bordas. Car comment allier le blanc sanglier au parfum de la rose ? Comment faire du visage de Richard, dans ses moments de fureur, une hure de sanglier, toujours aux aguets, toujours décidé à charger, l’écume aux lèvres, les pieds en garde et les broches en avant ! Un cœur sauvage, au verbe enragé de sang, qui voudrait faire du trône sa souille mais qui perdrait par instant toute sa férocité et se retrouverait gauche, assommé par le parfum délicat d’une rose qui d’une épine pourrait l’endormir ou d’un souffle pourrait l’abattre. Alors chaque jour VLA-AU ! Il nous faut monter sur scène sans rechigner en nasillant au cri poussé par ces veneurs que sont Lorenzo Malaguerra et Gerald Garutti, car pour Richard, comme pour tout bon sanglier, c’est forcer le passage ou mourir qu’il faut.

©Tristan Jeanne-Valès

©Tristan Jeanne-Valès

23 Oct

Carnet de bord # 14

Emblème et devise (1/2)

©Tristan Jeanne-Valès

©Tristan Jeanne-Valès

Pour l’authentique Richard III, Roi d’Angleterre et seigneur d’Irlande qui fut récemment enterré à Leicester, « Loyaulté me lie » représente bien plus qu’une simple devise. A cette époque féodale, la loyauté est une valeur incontournable du code chevaleresque, et Richard, alors Duc de Gloucester, fit le choix de cette devise comme fondement de chacune des actions qu’il allait mener.
Cette devise était écrite en français car le français ancien et le latin étaient alors en Angleterre les langues de la haute société, de la justice et de la cour. Voilà pourquoi, sur l’étendard de Richard, sa devise est écrite en ancien français avec un « l » supplémentaire au substantif Loyaulté.

Richard's motto

Cela marque également un engagement officiel fort d’un réel choix de vie pour Richard. Malgré tout ce que l’on peut croire, et cela en partie par l’image qui nous est donnée d’un tyran machiavélique, fourbe, traître ou égoïste, Richard fut toujours fidèle aux gens qu’il estimait et en qui il pouvait avoir confiance indépendamment des circonstances. Ainsi, depuis son enfance, Richard a toujours soutenu et estimé Edward IV, son frère ainé, et a choisi cette devise très jeune pour sceller cette loyauté qui l’unissait à lui. Depuis son triomphe sur les Lancastre à Towton en 1461, Richard voit en son frère un héros et, bien que très jeune, il le soutiendra désormais corps et âme pour la reconquête du trône d’Angleterre en 1471. Richard III aurait déclaré tout jeune « Yet he took care to watch over his brothers and sister, regaling them with tales of his adventures, warming them with his affection and his greatness. How could there be anything better than to follow forever and to serve this wonderful brother, so splendid, so kind? »* Et il continua à le servir et à le protéger jusqu’à sa mort.

©Tristan Jeanne-Valès

©Tristan Jeanne-Valès

En 1483, Edward IV meurt. Richard prit alors la protection de son neveu, le jeune Edward V, fils ainé d’Edward IV, parce que c’étaient les volontés de son frère et que c’est ce qu’il attendait de lui. Par une lettre à la reine et au conseil, ainsi que sous serment, Richard affirma sa fidélité auprès de son neveu et œuvra sincèrement à son intronisation.
Richard nous est présenté comme un bossu boiteux et hideux, et nous apprenons aujourd’hui grâce aux recherches scientifiques qu’il avait effectivement une scoliose, pas courbé comme on peut imaginer un bossu, mais asymétrique avec l’épaule droite plus haute que la gauche ; et la reconstitution de son visage grâce aux images scannées en 3D nous permet de voir qu’il n’était pas si monstrueux et hideux que cela. L’Histoire nous dit qu’il aurait fait enfermer et assassiner ses neveux mais les sources sont confuses et contradictoires, et rien, encore cinq siècles plus tard ne peut prouver cela. L’œuvre de Shakespeare contribue à véhiculer cette mauvaise image de Richard III, mais, un siècle après la mort du Roi à la Bataille de Bosworth, il est fort possible que ce ne soit qu’une rumeur inventée de toutes pièces et désirée par la famille Tudor, notamment Elisabeth 1ère, pour abîmer l’image de ce roi aux yeux de la société et ainsi, détruire l’image de Richard III à travers les siècles. Ce qui est certain, c’est que Richard voulait contrôler la situation pour que celle-ci trouve une issue conventionnelle et en accord avec les volontés de son frère aîné. La pièce de Shakespeare nous offre le plaisir de jouer de cette ambiguïté, de confronter le personnage historique de Richard III au personnage théâtral construit par Shakespeare pour comprendre comment le fantôme de ce roi d’Angleterre est devenu la figure attirante et repoussante de la conquête du pouvoir.

©Tristan Jeanne-Valès

©Tristan Jeanne-Valès

Aussi, nous avons choisi d’ajouter la devise du Roi Richard au titre de notre adaptation de la pièce de Shakespeare : tout d’abord pour avouer que, même si nous n’avons pas fait de rajout à la langue de Shakespeare, nous ne jouons pas la pièce dans son intégralité ; mais surtout pour témoigner que nous avançons tous ensemble, unis par cette même valeur de Loyauté qui nous lie au théâtre, qui nous lie aux spectateurs, qui nous lie aux acteurs, qui nous lie à la langue de Shakespeare et à la magie de son imaginaire.

* « il a pris soin de veiller sur ses frères et sœurs, de les régaler avec des histoires de ses aventures, de les réchauffer avec son affection et sa grandeur. Comment pourrait-il y avoir quelque chose de mieux que de suivre toujours et de servir ce merveilleux frère, si splendide, si gentil » Richard III – biographie par Paul Murray Kendall p.38

©Tristan Jeanne-Valès

©Tristan Jeanne-Valès

16 Oct

Carnet de bord # 13

La Mélancolie de Richard (2/2)

Il y a une épine de rose qui pique le cœur de Richard III et le rend fou de colère. D’où vient cette épine ? A-t-elle une cause ou est-elle sans objet ? Est–elle engendrée par sa difformité ? Par la tristesse d’un être « dépourvu de la majesté de l’amour » ? Par sa conscience de la fuite inexorable du temps, lui qui ne cesse de demander l’heure ?
Pourrions-nous admettre que toute la puissance de manipulation de ses discours vient peut-être du fait qu’ils sont construits par des aveux ?
Sa mélancolie est-elle alimentée par l’inquiétude qu’il ressent de la situation et de l’état du trône d’Angleterre ?
« Le roi est malade, faible et mélancolique
Et ses médecins craignent pour sa vie.
Oh, voilà longtemps qu’il suit un régime fatal
Et qu’il a par trop consummé sa royale personne.
»

© André Abalo

© André Abalo

Est-elle l’héritage d’une généalogie odieuse ?
« Oui, au besoin, viens-en même à effleurer ma personne :
Dis-leur que quand ma mère fut enceinte
De cet insatiable Edouard, le noble York
Mon noble père faisait la guerre en France
Et, par d’exacts calculs sur le temps écoulé,
Découvrit que l’enfant n’était pas de lui.
»

De son instabilité constante et de son mépris amusé de lui-même ?
« Je vais faire l’achat d’un miroir
Et entretenir une ou deux vingtaines de tailleurs
Puisque me voici revenu en grâce avec moi-même
Je m’y maintiendrai à peu de frais.
»

De sa certitude d’être maudit ?
« Alors que vos yeux soient les témoins de ce mal
Voyez comme je suis ensorcelé. Regardez, mon bras
Est flétri, tel un arbuste pourri.
Et c’est la femme d’Edouard, cette monstrueuse sorcière
Qui m’a ainsi marqué de sa sorcellerie.
»

Du sentiment de déclin qui l’habite ?
« Je ne saurai dire : Le monde a si mal tourné
Que les roitelets viennent chasser là où les aigles n’osent percher
Depuis que le moindre pouilleux est fait gentilhomme
Beaucoup de gentilshommes sont devenus des pouilleux.
»

De son impuissance à véritablement changer le cours du destin, car finalement il se vit toujours seul, abandonné et sans soutien ?
« Avoir Dieu, sa conscience et tous ces obstacles contre moi
N’avoir aucun ami à mes côtés pour soutenir ma cause
Hormis le diable et mes regards hypocrites
»

©Tristan Jeanne-Valès

©Tristan Jeanne-Valès

Sans doute est-ce tout cela à la fois et plus encore, mais l’addition de toutes ces causes fait une somme dans le corps et le verbe de Richard qui soustrait la mélancolie stuporeuse au profit d’une mélancolie furieuse.
Chez Richard, la mélancolie ne se traduit pas par un état dépressif . C’est, au contraire, une jetée dans la mélée qui se moque de toute la morale du monde et porte le contrechamp de sa tritesse par des actes sanglants. C’est une mélancolie dont l’idéal est de jouer sa vie sur un coup de dé. Cette mélancolie offre à son discours clairvoyance, lucidité, cruauté de vérité. Car tout le paradoxe et l’ambiguité est de comprendre à quel moment il ment et à quel moment il dit la vérité. Peut-être, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, se ment-il à lui-même et dit-il la vérité aux autres ayant ainsi « l’air d’un saint quand il joue le plus au diable. » ?
Ses hallucinations, son aspiration à un destin plus grand que lui-même, sa complaisance à la douleur, la sienne comme celle des autres, sa bravade à affronter les forces de la nuit ; sa vie construite comme une vengeance qui cherche une délivrance dans le basculement constant de la mort transforment cet homme, d’une scène à l’autre, en un fauve qui combat un autre fauve, celui-là noir et invisible, et très vite nous comprenons que dans l’assaut final de cette méloncolie indomptable, il se fera piétiner.

©Tristan Jeanne-Valès

©Tristan Jeanne-Valès

Voilà que pour interpréter Richard III, Jean Lambert-wild décore sa loge de reproductions des peintures de Friederich, de Chassériau, de Fuseli, de Turner, qu’il martèle du pied et s’assouplit le poignet en grognant et en riant à la fois, qu’il danse comme un damné en rêvant de ne pas bouger un muscle, car la mélancolie de Richard, ce trouble des humeurs dont parlait Hippocrate, nécessitera une interprétaion où les capacités de ruptures seront poussées à leur maximum. Où à l’emballement d’une phrase devra répondre parfois l’essouflement d’un mot. Où les lèvres devront rire et les yeux s’effondrer.
Il faudra aussi traduire par le corps cette agitation et ce trouble que la bile noire habille en criminelle. Il faudra faire vivre ce mal boiteux qui désarticule son âme comme une lance tordue par la foudre.
Enfin, il faudra sentir comment cette mélancolie réveille d’autres mélancolies. Celle de Lady Anne, celle de la Reine Elisabeth , ou celle aussi d’un meurtrier qui l’acte sanglant accompli avoue :
« Oh, j’aimerais tant, comme Pilate, me laver les mains
De ce meurtre épouvantable
»
De la qualité de ce dialogue dépendra la richesse du jeu entre Elodie Bordas et Jean Lambert-wild.

©Tristan Jeanne-Valès

©Tristan Jeanne-Valès

09 Oct

Carnet de bord # 12

La Mélancolie de Richard (1/2)

©Tristan Jeanne-Valès

©Tristan Jeanne-Valès

Selon un texte attribué à Aristote – l’Homme de génie et la mélancolie -, la mélancolie était la marque des hommes illustres et des créateurs. Décrite comme une affection écartant l’individu loin des dieux, le portant aux excès, à la luxure et aux colères comme aux enthousiasmes passagers, la mélancolie est intéressante dans la compréhension de Richard III. Cette idée, selon laquelle ni les dieux ni les hommes n’ont de prise sur un caractère mélancolique, explique bien davantage que la simple méchanceté le caractère du roi. Elle dévoile même un aspect central de sa personnalité : une extrême créativité dans le chemin qui le mène au pouvoir.

©Tristan Jeanne-Valès

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Lire à la lumière de la mélancolie la scène entre Richard et Lady Anne, où celui-ci la séduit contre toute attente, permet de résoudre un problème de jeu assez inextricable : comment jouer finement et avec la légèreté propre à la séduction une situation aussi extravagante et qui inspire un dégoût aussi puissant ? Construire l’interprétation sur la veulerie, la méchanceté, la manipulation, le cynisme et la terreur est possible. Mais comment rendre attirant quelqu’un de parfaitement ignoble ? Il faut en quelque sorte imaginer que Richard III – s’il sait très exactement ce qu’il fait – ne témoigne d’aucune empathie et n’est accessible à aucune pitié. Les émotions coulent sur lui comme l’eau sur la plume, les pires horreurs, les joies comme les plus petits chagrins. Il est d’ailleurs marquant que ce qui devrait susciter chez lui une joie immense – comme celle d’accéder enfin au trône – produise davantage de noirceur que de sentiment positif. Ainsi, un Richard III animé de mélancolie offre à l’acteur un terrain de jeu de tous les possibles, où chaque réplique peut être construite comme une surprise pour le spectateur. Et donne également la possibilité d’une grande ouverture à l’humour, ce qui est en phase avec notre option d’un Richard III métamorphosé en clown inquiétant et monstrueux mais imprégné de drôlerie.

©Tristan Jeanne-Valès

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Le projet politique de Richard est animé par une très grande créativité, marque des esprits mélancoliques, toujours selon Aristote. La marche vers son accession au pouvoir est un modèle du genre : Richard anticipe par son intelligence et sa rouerie l’issue des situations dans lesquelles il se trouve, donnant ainsi l’impression d’un pur génie à l’œuvre, bien au-dessus de la mêlée. Il séduit, il tue, il manipule, il trouve la sympathie du public en se confiant à lui dans un mouvement parfaitement rythmé. Autant sa démarche physique est chaotique, autant est gracieuse son agilité d’esprit. Le meilleur signe de la mélancolie de Richard III se situe peut-être dans sa légèreté que nous ferons nôtre – insoutenable pour tous ceux qui le croisent mais jouissive pour tous ceux qui le regardent.

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02 Oct

Carnet de bord # 11

Qui est le metteur en scène ? A cette question, souvent posée, nous répondons « personne ». Le metteur en scène, cette figure tutélaire des plateaux, dictateur ou démocrate mais toujours parfaitement solitaire, est encore un modèle du présent théâtral. L’immense majorité des productions sont régies par ce chef d’Etat sans territoire, ce sculpteur des voix et des corps qui ne sont pourtant pas de marbre. Le rôle du metteur en scène aujourd’hui n’a-t-il pas quelque chose de délicieusement anachronique, comme un allumeur de réverbère au temps de l’électricité ? Considérons que nous sommes en 2015 : l’art du théâtre a changé en ce sens qu’il s’est complexifié et les compétences à réunir pour réaliser un spectacle associent des spécialités extrêmement diverses. Davantage que cela, la réunion de plusieurs regards sur un même projet enrichit l’acte artistique en même temps qu’il le singularise. Gérald Garutti, Lorenzo Malaguerra et Jean Lambert-wild possèdent des qualités différentes : l’un connaît la pièce comme sa poche – puisqu’il en est aussi le traducteur et qu’il l’a déjà « mise en scène » – le second aime à placer les acteurs sur la monture de leurs personnages et le troisième déploie un clown acrobatique à la puissance de jeu enragée.

©Tristan Jeanne-Valès

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Le travail sur Richard III – Loyaulté me lie avait commencé dans une petite annexe du Théâtre du Crochetan, dans un hôpital psychiatrique en Suisse, il se poursuit en ce moment au Théâtre de l’Union, à Limoges. Cette multiplicité des lieux et des périodes de répétition correspond aussi au fait que le travail au plateau est distribué de telle façon que chacun prend sa place, à des moments différents, dans ce qu’il sait faire de mieux. Et que si nous pouvons unir nos forces plutôt que de centraliser toutes les responsabilités aux mains d’un seul, nous serons simplement meilleurs. Elodie Bordas, Stéphane Blanquet, Gérald Garutti, Jean Lambert-wild, Lorenzo Malaguerra et Jean-Luc Therminarias sont convaincus, sur ce projet-là, d’être meilleurs à six que tout seul. Parmi ces six, parmi l’actrice, l’acteur, le scénographe, l’illustrateur, le musicien, le traducteur, ceux qui regardent, qui est le metteur en scène ? Personne. Notre spectacle est la réunion de tous ces regards qui se posent sur Shakespeare.

©Tristan Jeanne-Valès

©Tristan Jeanne-Valès

L’association des pensées et des regards ne signifie pas non plus que nous nous rassemblons en collectif de création. Nous avons déjà vécu, les uns et les autres, ces périodes de répétition où chaque geste était débattu, combattu, voire passé au vote. Des collecifs donc l’angle mort était l’ego. Les mots sont ici important : s’unir n’est pas se fondre, être frustré ou se soumettre à la loi de la majorité ou du plus virulent. Il nous arrive de ne pas être d’accord, bien sûr, mais l’union est affaire de ralliement aux meilleures solutions, au pragmatisme et à la réalité du plateau qui ne ment pas.

 ©Tristan Jeanne-Valès

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Le geste créatif ? Mais il est toujours là ! Les fulgurances existent et quand l’un de nous s’anime, c’est l’ensemble qui rit. Rappelons-nous de nos jeux dans la cour d’école : il était toujours plus drôle de taper dans un ballon avec ses camarades que le faire tout seul contre un mur. Faisons donc de ce Richard III un hymne enfantin à la joie de ce rire commun !

©Tristan Jeanne-Valès

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