Le Carrousel de Richard
Il est un troisième personnage dont on a peu parlé jusqu’à présent. Personnage bien matériel pourtant et toujours présent : le décor. Celui imaginé pour ce spectacle est conçu comme une véritable machine à jouer, permettant une très grande variété de possibilités de jeu, de placement, d’amusement et de surprises.
Le décor de Richard III – Loyaulté me lie est inspiré du clown de Jean Lambert-wild. On imagine mal ce clown évoluant au sein d’un décor classique, d’un château ou d’un univers totalement réaliste. Et puis Shakespeare résiste beaucoup à l’esprit de sérieux, même dans ses pièces les plus tragiques. Il existe toujours une scène de formidable drôlerie qui succède ou précède le meurtre le plus ignoble. Il était pour nous absolument essentiel de mettre le décor à la fois au diapason du clown et à ce que raconte la pièce. Nous l’avons donc placé au centre d’une façade de carrousel salon– à l’image d’un train fantôme ou d’un palais du rire – du même type que ceux qu’on peut encore trouver aujourd’hui dans les fêtes foraines itinérantes. Il est également fortement inspiré du dispositif élisabéthain qui permet aux acteurs d’intégrer le public dans les situations jouées. Dans ce théâtre-là, le quatrième mur n’existe pas et il est absolument fondamental que le décor « pousse » les acteurs vers le public plutôt que de les en éloigner.
Ce carrousel infernal dessiné par Stéphane Blanquet est un véritable partenaire de jeu pour les acteurs car il est successivement agi et subi par eux. Nous ne dévoilerons pas ici les multiples machineries et effets prévus dans le spectacle mais il est clair que ce va-et-vient offre des situations très diverses ainsi que de multiples surprises pour les acteurs et pour le public. Une autre caractéristique du décor de ce spectacle est qu’il emploie à la fois des techniques très classiques (jeux de rideau, transformations mécaniques, changements rapides) et actuelles (projections, travail élaboré du son, effets spéciaux).
Cette rencontre entre techniques classiques et actuelles crée un choc étrange qui humanise les effets numériques et décale des effets théâtraux connus. L’enjeu de tout décor est sans doute celui-ci : comment lier le passé de l’écriture au présent de la représentation ? La réponse à apporter à cette question se situe au-delà du problème de la transposition, toujours réductrice et souvent peu convaincante.
Notre réponse s’est voulue imaginative, liée au jeu, amusante, pragmatique et belle. Du moins, nous l’espérons !