L’aventure de Richard III – Loyaulté me lie a commencé dans un hôpital psychiatrique. Quoi de plus normal que de travailler cette pièce dans un contexte aussi particulier ? Le personnage principal n’est-il pas la figure de l’anormal, de l’excès, de l’incontrôlable par excellence ? Sans doute que oui mais il y a aussi des raisons plus pragmatiques à un tel début. L’hôpital psychiatrique de Malévoz, à Monthey, en Suisse, est en effet un haut lieu de résidences artistiques, dans tous les domaines de l’art. Associé au Théâtre du Crochetan, situé dans la même ville, l’hôpital est un hospice pour les artistes, quels que soient les personnages qu’ils interprètent ou les pathologies dont ils souffrent.
Richard III a commencé en été 2014 par un travail de lecture à la table entre Jean Lambert-wild, Elodie Bordas et Lorenzo Malaguerra. La table pour pénétrer le texte mais surtout, dans ce cas-là, pour le concentrer sur les deux acteurs qui interpréteront l’ensemble de la partition, Elodie et Jean.
Jouer Richard III à deux acteurs alors que la pièce en compte une quarantaine n’est pas que de l’ordre de la performance. On pourrait même dire que cela n’a rien à voir avec cette notion. Car Richard III est le protagoniste d’un cauchemar dont il est aussi la victime. Un personnage profondément seul autour duquel tournent toutes ses futures victimes. Il faisait donc sens d’imaginer que Richard se retrouve seul face à un alter ego habitant presque toutes les autres les autres figures de la pièce. La récurrence des apparitions de ce double féminin, empruntant des identités diverses, ajoute à ce tourbillon infernal plus d’étrangeté et davantage de terreur.
Nous avons donc lu et relu la pièce, coupé des fragments, enlevé certains personnages, testé même la langue dans l’environnement terriblement bruyant d’un festival de musique afin de resserrer Richard III sur son noyau narratif et parvenir à une forme d’essentiel qui convienne au duo.
Cette collaboration entre Elodie Bordas, qui a accompli l’essentiel de sa jeune carrière sur les scènes helvétiques, et Jean Lambert-wild est nouvelle. Deux acteurs aux styles de jeu complémentaires – sur le fil de l’émotion pour l’une, sur l’engagement et la technique pour l’autre – qui rendent à merveille la dimension baroque de l’écriture shakespearienne, tout en souplesse, en profération, en tragique, en légèreté, en jeu.