Un week-end de folie, des milliers d’automobilistes bloqués sur les routes des stations de ski, des centres d’hébergements ouverts en urgence… Et beaucoup de stress pour des chutes de neige, pas vraiment surprenantes en hiver…
La France a vécu un de ces épisodes hystériques dont elle a le secret. Un scénario de crise rendu encore plus piquant avec deux circonstances aggravantes : cette neige, tout le monde l’attendait avec beaucoup d’impatience, avant de la redouter. Ces vacanciers, tout le monde les attire avec beaucoup d’espoir et de crainte lorsqu’ils sont trop nombreux au même endroit, au même moment.
Cette crise vécue en Savoie rappelle au moins trois situations similaires qui ont défrayé la chronique ces dernières années.
Janvier 2009, la France est paralysée par les chutes de neige, dans l’Aisne, dans l’Est de la France et sur tout le quart sud-est. Aéroports bloqués, routes impraticables… Le Premier Ministre François Fillon hausse le ton et demande que l’on tire des enseignements de ces blocages « inacceptables ». Une enquête administrative est demandée.
Fin février 2001, la neige tombe brutalement dans le sud de la France, jusqu’à un mètre de neige sur le Mont Ventoux, 50 cm à Brignoles dans le Var. Résultat : des autoroutes et des routes bloquées, des accidents de poids lourds et des centaines d’automobilistes bloqués dans leurs voitures, d’autres contraints de trouver refuge dans des salles des fêtes transformées en camps d’hébergement. La plupart des automobilistes n’étaient pas équipés (et pour cause, ils ne se rendaient pas en station), les poids lourds non plus. Les sociétés d’autoroute ont très vite fermé leurs accès, mais les routes départementales et nationales, elles aussi saturées de neige, devinrent rapidement impraticables… Résultat, des dizaines d’automobilistes ont passé la nuit dans leur voiture, dans le froid, sans ravitaillement. Un traumatisme pour certains.
Un ministre piqué au vif
De l’autre coté de la France, en région parisienne et en Picardie, début 2003. Nous sommes le 4 janvier, c’est le week-end de retour des vacances scolaires. Plus de 60.000 véhicules se trouvent coincés sur l’autoroute en Picardie, en Champagne-Ardennes et sur les routes nationales autour de Paris. 30.000 personnes vont passer la nuit bloquées dans leurs voitures. Neige et verglas ont rendu la circulation impossible, les itinéraires d’évitement n’existent pas.
Comme en Savoie le week-end dernier, les engins de déneigement sont gênés par le flot de circulation et les véhicules.
A l’époque, le ministre des Transports s’appelle Gilles de Robien, lui-même élu de la région Picardie. A la vue de ce désastre, son sang ne fait qu’un tour, il commandera une enquête sur cette pagaille monstre. Les enquêteurs préconiseront une « remise à niveau » du plan neige et verglas et recommanderont de compléter les moyens de déneigement par du « petit matériel ».
Et maintenant?
Au lendemain du week-end de crise vécu en Savoie, qui va tirer les leçons du dysfonctionnement ? Le préfet de la Savoie a fait un premier constat sur France 3 Alpes : si la neige était prévue, les pluies verglaçantes ne l’étaient pas. La combinaison des deux a entraîné le blocage des routes et empêché les engins de déneigement de circuler entre les voitures bloquées. Le maire de Chambéry, en direct dans le 19/20 des Alpes, dimanche 28 décembre, a toutefois reconnu que l’information n’avait pas toujours bien circulé.
Pour autant, ce lundi matin, sur BFM TV, le ministre de l’Intérieur a affirmé ne surtout pas vouloir imposer aux automobilistes des équipements d’hiver. On apprend par ailleurs que tous les bus en direction des stations ne sont pas équipés pour affronter la neige…
Quant aux touristes qui sont arrivés en masse le même jour, comment leur reprocher d’être attirés par notre région, mais comment leur faire comprendre une bonne fois pour toutes qu’on affronte pas des routes enneigées sans équipement approprié ? Quant aux stations, quand vont-elles développer les transports partagés et adopter les réservations « ski décalé » comme le propose Isère Tourisme pour favoriser l’étalement des arrivées en stations ?
Une commission d’enquête?
Beaucoup de questions, beaucoup d’interlocuteurs, beaucoup de services publics et privés doivent tirer le bilan de ce week-end catastrophique, heureusement sans victime. Le préfet ne peut être juge et partie. Les parlementaires savoyards ont la possibilité de demander une commission d’enquête indépendante pour tenter de tirer des leçons de cette incroyable pagaille. On verra dans les jours qui viennent si tous les acteurs « involontaires « de ce psychodrame ont collectivement envie de réfléchir à ce qui vient de se dérouler ou s’il devient urgent de mettre… la neige sous le tapis.