04 Juil

« Moment précieux » avec Marie-José Justamond

Dans la ruche bourdonnante du 66 rue du 4 Septembre à Arles, Marie-José Justamond a bien voulu se prêter au jeu des questions-réponses, à quelques jours de la 18ème édition des Suds à Arles, festival dont elle est l’âme pensante et la fondatrice.


photo : Florent Gardin

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L’entretien

PZ : A l’évidence, l’exposition de la diversité culturelle que vous proposez à travers les musiques du monde constitue en soi une fenêtre grande ouverte sur le monde et sa richesse. Alors, cet aspect patrimonial que vous évoquez, est-ce qu’il ne prend pas une dimension particulière à Arles dont on connaît la richesse architecturale, témoignage de son histoire à travers le temps et les civilisations ?

MJ.J : C’est certain, il est amplifié, il est valorisé parce que ce sont des lieux magnifiques. On est dans le patrimoine mondial de l’Unesco, donc effectivement ce sont des lieux qui inspirent énormément les artistes. Cela ne m’arrive pas souvent mais il y a huit ans j’avais accompagné le chanteur éthiopien Mahmoud Ahmed jusqu’au théâtre antique où il allait se produire et là… 2000 ans d’histoire tout de même ! il était sous le charme… et c’était très fort. Par ailleurs, je dirais que dans la structure du festival, certains des concepts ont été inspirés par ce patrimoine bâti. Les moments précieux par exemple nous ont été inspirés directement par la Cour de l’Archevêché et cela fonctionne très bien. C’est un concept qui a trouvé son public donc c’est une chance inouïe de pouvoir profiter d’ une aussi belle ville que la ville d’Arles, dont le cœur est petit et facilite la flânerie d’un lieu à l’autre, d’un concert à l’autre. Les apéros-découvertes, les siestes musicales, les salons de musique et toutes les autres occasions de rencontres.

PZ : Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce nouvel opus qu’est « La Nuit » initié avec le soutien de MP2013, qui va encore enrichir cette semaine de découvertes musicales ?

MJ.J : Tout d’abord je dois vous dire que ce projet sur lequel nous travaillons depuis 2 ans est et restera un événement exceptionnel lié à MP2013. Il serait impensable de le réitérer chaque année car tant sur le plan financier que sur celui de l’organisation, c’est extrêmement lourd. Mais revenons un peu en arrière. Dès 2008, avant même que la candidature de Marseille ne soit entérinée, nous leur avions proposé, un projet de recherche sur le thème Nomadisme et deltas qui a été très bien accueilli et dès l’année suivante, nous avons démarré le projet. Donc chaque année c’était un delta différent qui était mis à l’honneur à travers sa richesse musicale et patrimoniale d’une manière générale. Nous avons donc exploré le Guadalquivir, le Danube, le Pô, le Nil et bien sûr en filigrane, le Rhône.
Mais pour revenir à 2013 et La Nuit, à un moment donné, j’ai ressenti le besoin de créer un événement plus « grand public », plus facilement compréhensible par le plus grand nombre. Il faut dire qu’il devient de plus en plus difficile de réunir tous les publics, ils sont morcelés, sectorisés : on a un public spécifique pour le Théâtre antique, un autre pour les Moments précieux, un autre encore pour l’Atelier des forges et enfin celui des scènes en ville. Donc l’envie, voyez-vous, était de réunir à nouveau tout le monde et cette idée de nuit blanche a émergé et c’est réellement passionnant à construire et, évidemment, je l’espère, passionnant à vivre.
C’est une trentaine de concerts dans seize lieux différents du cœur de la ville. Chacun pourra prendre l’expérience comme il le souhaite, soit par le temps, soit par l’espace en s’aidant des plans que l’on va proposer, soit d’un point vue artistique musical ou patrimonial. Créer sa propre déambulation et rencontrer de très belles musiques, du festif, de l’électrique, oui, mais aussi de l’intimiste, du sacré et chaque fois en harmonie avec les lieux. Cette nuit-là on n’utilisera pas le Théâtre antique, très peu la cour de l’Archevêché mais des lieux moins habituels comme : la commanderie de Sainte Luce, le Musée Réattu, les Cryptoportiques, les Thermes de Constantin. Le jardin de l’église Saint-Honorat des Alyscamps, le toit du cloître Saint-Trophime. Autant de lieux qui nous ont été « prêtés » pour l’occasion grâce au concours du service du patrimoine de la ville d’Arles.
Voilà, le concept de la nuit c’est cela. Maintenant on espère qu’il va faire beau et chaud !

PZ : Il y a 18 ans, que’est-ce qui vous amène à monter la première édition du festival ?
Est-ce que c’était inscrit en vous depuis longtemps ?

MJ.J : J’ai toujours travaillé dans le domaine de la culture; de très nombreuses années aux Rencontres internationales de la photographie puis dans la musique et dans l’édition, aussi bien en production qu’en communication. Donc tout cela m’était assez naturel.

Enfin, nous étions en 95. Michel Vauzelle, l’actuel président de la région, venait d’être élu maire d’Arles. Nous étions en juin. A l’occasion d’une discussion que nous avons eue, il m’a parlé de la Méditerranée, avec beaucoup d’intensité, de la conférence de Barcelone et il a conclu en me disant : « eh bien vous qui êtes une professionnelle de la culture, plutôt typée

« Suds », c’est peut-être le moment de faire une proposition». Il ne m’a pas parlé de projet à proprement parler, il ne m’a pas passé une commande. II m’a parlé de politique, en homme politique.
C’est quand même assez rare et exemplaire C’est pour cette raison que j’aime raconter ce point de départ.
Voilà, ça s’est passé comme ça. Ensuite, des amis que j’avais à mes côtés, qui sont toujours là aujourd’hui, d’ailleurs, ont créé une association et tout s’est structuré, organisé, avec les difficultés que vous pouvez imaginer, mais progressivement. Et j’aime bien la façon dont cela s’est épanoui et continue de s’épanouir. Ce que l’on souhaite avec l’équipe, ce n’est pas tant devenir gros que faire un Beau festival qui sache aussi rester à la mesure de la ville.

A la fin de notre entretien, j’ai demandé à Marie-José Justamond si le label les Suds faisait des émules à travers le monde – après tout, un tel concept ne peut que susciter l’envie de le dupliquer. Et bien oui ! Il y a déjà Ville des Musiques du Monde en Seine-Saint-Denis, dont le contexte n’a rien à voir avec Arles, l’antique, mais où l’on revendique une vraie filiation avec les Suds. Et puis en Asie, un festival qui fonctionne encore sur les mêmes ressorts. Sans compter les demandes nombreuses de passerelles, parrainages ou collaborations qui ne font qu’asseoir un peu plus la réputation professionnelle internationale du festival des Suds.

Propos recueillis par Pernette Zumthor

Les Suds à Arles se déroulent du 8 au 14 juillet 2013
Le site officiel

Rencontre de Manon avec la directrice des Suds, pour le lire