PIP : les coulisses d’un procès hors normes
Un reportage de 26’ de Mariella Coste – Sylvie Garat – Pauline Guigou – Gilles Guérin – Jean-François Vuidepot. Montage : Sylvain Prouteau. Mixage : Pascal Arnold.
7 745 parties civiles, 430 avocats, un hall de 4800 m² aménagé pour l’occasion au Parc Chanot…. C’est un procès exceptionnel qui s’est tenu pendant un mois à Marseille. Au coeur des audiences : un scandale mondial d’implants mammaires frauduleux. Cinq anciens dirigeants de la société PIP comparaissaient pour tromperie aggravée et escroquerie*. Comment s’organise et se déroule un tel procès ? Enquête dans les coulisses de cet événement hors normes.
PIP : les coulisses d’un procès hors normes (21… par france3provencealpes
Mariella Coste répond à nos questions
PZ :Jean-Claude Mas accepte peu d’interview. Comment l’avez-vous obtenue ?
MC : Au départ, pour obtenir l’interview je suis passée classiquement par son avocat, maître Haddad… Après 2 rendez-vous manqués, j’ai décidé d’approcher directement Jean-Claude Mas le dernier jour du procès… Lorsqu’il est rentré dans la salle d’audience, je lui ai expliqué ce que je faisais, lui ai demandé de le rencontrer tranquillement après le procès, et c’est cela qui apparemment a emporté son adhésion. Il m’a dit oui tout de suite. J’ai eu le temps de prendre son numéro de portable, de le faire sonner pour vérifier qu’il était valable et le tribunal est entré en salle… Voilà, ça s’est fait comme ça en 30 secondes, c’était ma dernière chance. Il m’a fait confiance tout de suite. Mais après coup, j’ai compris qu’il m’avait accordé cette interview uniquement parce qu’il avait un message à faire passer… Il ne s’est jamais dévoilé.
PZ :Qu’attendiez-vous de cet entretien ? Comment l’avez-vous perçu ?
MC : Je tenais vraiment à cet entretien, je voulais avoir Jean-Claude Mas en tête-à-tête. Son cynisme affiché à l’égard des victimes des prothèses était-il réel ou est-ce un homme qui vient d’une autre planète… ? Aujourd’hui, je n’ai toujours pas de réponses à mes questions… Il a l’apparence d’un vieux monsieur quelconque au premier abord. En parlant avec lui, on se rend compte que c’est un homme très froid, qui ne dégage aucune humanité, aucune compassion, aucune sensibilité, aucune émotion ni sentiment. C’est assez impressionnant. Son avocat m’expliquait que sa façon d’être venait de son éducation très stricte.
Donc, quelqu’un qui est dans son monde ou d’un cynisme incroyable ? je ne sais pas, je n’ai pas réussi à le cerner. Ou bien je n’en ai pas eu le temps. Il nous a accordé une heure, dans une brasserie, ce qui n’est pas idéal pour faire une interview.
Il a refusé de nous ouvrir les portes de son appartement « pour ne pas faire Cosette « , m’a-t-il dit… Soit c’est un escroc d’envergure comme le laisse supposer Maître Ravaz (à l’origine du volet financier de l’affaire), qui a mis des millions de côté, soit c’est un homme qui ne se rend pas compte du scandale mondial qu’il a enclenché…
PZ : On est surpris en visionnant votre reportage de l’effet « baudruche » qu’a eu ce procès. Des moyens exceptionnels avaient été mis en œuvre par le parquet – presque 800 000 euros d’investissements pour délocaliser le tribunal au parc Chanot. Et, au final, des salles exsangues dès le 2ème jour du procès. Comment l’expliquez-vous?
MC : Environ 350 personnes sont venues le premier jour pour assister à l’audience, et beaucoup de confrères de la presse… Puis le nombre a chuté dès le 2e jour : autour de 50 personnes à peine dans le public… Il faut dire qu’un mois de procès c’est long.
L’explication est venue d’Alexandra Blachère, la présidente de l’association PPP : pour les victimes il faut faire l’avance des frais et,souvent, les remboursements ne sont pas à la hauteur des frais. Donc les femmes ne sont pas venues en nombre. De plus, certaines d’entre elles ont honte de s’afficher, car elles ont été taxées de « bimbos » (celles que j’ai rencontrées sont des femmes blessées au plus profond de leur corps de femme et sont en souffrance au quotidien), certaines même n’ont pas encore dit à leur famille qu’elles ont eu recours à des prothèses ! Celles qui sont venues, sont celles qui ont mis de côté leur vie professionnelle et familiale et qui assument.
Beaucoup d’avocats m’ont dit, en off, que c’était un procès qui ne servait à rien. Certes, le tribunal allait enfin reconnaître ces femmes en tant que victimes mais vu que Jean-Claude Mas est insolvable, il n’y aura pas de dommages et intérêts versés à ces milliers de victimes… La suite avec les 2 autres volets de l’affaire (financier et blessures involontaires) sera plus intéressante. Mais ce sera dans 5 ou 10 ans…
D’autre part, ils dénoncent un procès monté en urgence pour céder à « une pression politique » **, pour « calmer les victimes » (et les médias en passant…)
**En février 2012, Xavier Bertrand, ministre de la Santé, reçoit un rapport d’enquête concernant les prothèses PIP. L’AFSSAPS (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) recommande aux femmes de consulter leur chirurgien et l’explantation des prothèses si nécessaire. Dès lors, il semblerait selon certains, qu’on ait voulu organiser rapidement un premier procès.
Entretien réalisé par Pernette Zumthor-Masson
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Istres, autopsie d’un drame
Un magazine de 26’ de Christophe Chassaigne – Pauline Guigou – Sabine Vivares – Frédéric Montage : Sébastien Micaelli. Mixage : Jean-François Vuidepot.
Le 25 avril dernier, à Istres, Karl Rose tue en pleine rue trois personnes choisies au hasard dans son voisinage. Le jeune homme de 19 ans, passionné d’armes, est décrit comme instable par son entourage. Il se serait isolé dans la pratique des jeux vidéos et aurait remis en service une Kalachnikov démilitarisée achetée sur Internet. Deux thèses mises en avant par le ministre de l’Intérieur lui-même.
Diffusion vendredi 21 juin à 23:10
Istres, autopsie d’un drame (21.06.2013) par france3provencealpes
Christophe Chassaigne répond à nos questions
PZ : Pouvez-vous nous dire où en est la procédure concernant l’auteur de la tuerie d’Istres ?
CC : Karl Rose est mis en examen pour trois assassinats et tentative d’assassinat sur une quatrième personne.
L’instruction suit son cours avec des auditions et une succession d’expertises visant notamment à déterminer son degré de responsabilité pénale.
Si celle-ci était avérée, Karl Rose pourrait -être renvoyé devant la Cour d’Assises des Bouches-du -Rhône. Dans l’hypothèse d’une instruction rapide, ce sera au deuxième semestre 2014.
PZ :Vous êtes revenu à Istres, 2 mois après le drame. Est-ce qu’il a été difficile de susciter des témoignages alors que la ville est encore sous le choc de cette tuerie inexpliquable ?
CC :Je n’ai pas eu à revenir à Istres puisque je suis installé dans cette ville. J’y fais le marché, j’y ai beaucoup d’amis…
Tous les habitants sont marqués par ce drame, tous se posent des questions sur ce qui a déclenché le « passage à l’acte » de Karl Rose.
Mais – principalement par respect pour la douleur des familles – très peu de gens acceptent de s’exprimer publiquement sur le sujet.
PZ : Vous avez pu rencontrer un certain nombre d’experts.
A leur sens est-ce-que l’acte de Karl Rose est considéré comme un cas exceptionnel et isolé ou bien la société d’aujourd’hui est-elle en train de créer des modèles incontrôlables ?
CC : Il y a des témoignages d’experts dans le magazine. Beaucoup d’autres m’ont donné leur avis sur la personnalité du tireur présumé.
La majorité des psychologues, psychanalystes et psychiatres a bien du mal à croire que des jeux vidéos de type FPS (First Person Shooter) puissent conduire à une confusion entre monde virtuel et monde réel.
Idem pour les spécialistes de l’armement… « Remilitariser » une kalachnikov est possible en théorie mais il faut être extrèmement compétent et disposer d’un atelier hi-tech.
Les thèses mises en avant au lendemain du drame sont battues en brèche.
Certains médias ont ainsi parlé de « tuerie à l’américaine », associant ce drame aux fusillades dans des lycées américains.
Or, pour les experts, Karl Rose n’a pas du tout le profil de ces meurtriers américains.
C’est ce qui fait la singularité de l’évènement istréen. Karl Rose n’est pas plus dans le « déni » de cet acte que dans l’expression d’un malaise, d’une colère ou d’une revendication quelconque.
Dans ses premiers témoignages, c’est un peu comme s’il avait été le spectateur du drame, comme s’il s’était noué malgré lui.
Entretien réalisé par Pernette Zumthor-Masson avec la collaboration de Florence Brun