L’arabe du futur, premier opus d’une trilogie à venir, raconte la petite enfance du dessinateur, né en France, trimbalé par ses parents dans la Lybie de Kadhafi puis en Syrie le pays d’origine de son père, dirigé à l’époque par Hafez Al-Assad.
Ryad n’a que trois ans quand le récit commence. Petit garçon à la chevelure blonde et abondante, il est adulé par toute la famille. Tout se complique quand son père lui annonce qu’ils partent en Lybie. Persuadé qu’ils vont trouver un pays idéal, le père de Ryad est aveuglé par sa croyance dans le réveil des pays arabes.
Passant son temps à justifier les situations les plus improbables – en Lybie, les portes des maisons ne ferment pas à clef, et il faut donc qu’il y ait toujours une personne de la famille dans le domicile au risque de se voir remplacer par une autre famille- son père oscille entre une éducation européenne athée et son héritage familial oriental qui lui provoque parfois des crises de foi… Sa mère n’est pas mieux traitée, elle qui devant les absurdités proférés par le père, ne réagit le plus souvent que par des silences embarrassés.
La grande force de Ryad Sattouf est de traiter ses personnages sans ménagement et sans aucune complaisance. Le récit faussement naïf est raconté du point de vue de cet enfant qui découvre ces deux pays arabes, où l’on doit se conformer à l’autoritarisme de ses dirigeants. Le portrait qui est fait de la France de Pompidou n’est pas plus flatteur à travers les figures des grands-parents ou celle de ses camarades de classe en maternel.
Ryad Sattouf aime ses personnages sans réserve, avec leurs défauts et leurs tares. Il porte une affection particulière pour les personnages décalés : sorcières bretonnes et vieilles ratatinées, gamins amochés et bagarreurs. Il aime la démesure et l’outrance. Et excelle dans l’art de mettre en lumière les détails les plus dérangeants : lors d’un couscous partagé chez les cousins, les femmes n’ont droit qu’aux os déjà rongés par leurs maris ; quand le petit Riad voyage en bus, il ne regarde pas par la fenêtre, mais par les trous dans le plancher rouillé du véhicule.
Le trait précis et incisif et la mise en couleur très simple -chaque pays a droit à un à-plat d’une seule teinte- renforce la férocité et l’ironie de ce récit familial. Arrivé au terme de cet album de 160 pages, on attend avec impatience la suite des aventures du petit Ryad.
M.K.
FICHE TECHNIQUE
Dessinateur et scénariste : Ryad Sattouf
Tome 1 / 160 pages / Allary Editions