J’ai eu la chance, il y a deux ans et demi, de rencontrer Charb, le directeur de Charlie Hebdo. C’était à l’occasion des Rendez-vous de la bande dessinée d’Amiens 2012.
Dans cette interview intégrale, vous retrouverez le Charb que vous imaginiez si vous ne l’avez jamais rencontré. Celui que vous connaissiez, fidèle à lui-même si vous l’aviez croisé ou côtoyé.
Interview de Charb le 29 mai 2012 (15 min)
Un homme libre, fier de l’être, conscient de jouer un rôle, mais qui ne se veut pas chef de file de la liberté d’expression, qui reste un amuseur…
Je ne connaissais pas Charb avant. Je l’ai découvert. Pas un ami, non. Une relation de travail. Un confrère journaliste. Un esprit indépendant comme j’aime citer en référence. Mais pas en symbole ! Il aurait d’ailleurs détesté cela !
Mercredi dernier, vers midi, quand j’ai appris l’attentat, je n’ai pas réagis. C’était une simple nouvelle. Le journaliste que je suis a pris l’info brute, comme une info qui s’enchainera avec une autre info. Puis, doucement, la dimension humaine a pris toute sa place.
Le fait s’est transformé en tragédie. D’une dépêche, j’en suis arrivé à un drame personnel. Professionnel. Humain. L’heure tournant, la gravité des évènements a pris une profondeur incroyable. D’une simple actualité, l’affaire a tourné à l’acte barbare. Sur fond de terrorisme, puis plus tard de djihadisme…
En fin d’après-midi, un incroyable déferlement d’humanité a eu lieu sous nos yeux ébahis… Nous tous, des centaines, des milliers déjà – 2000 devant la mairie d’Amiens – nous sommes rassemblées pour pleurer ensemble, nous tenir chaud, nous rassurer, nous dire que NON : cela n’est pas possible !
On est tous, beaucoup en tout cas, devenu « Charlie ».
Cet élan spontané m’a redonné la définition de mon métier de journaliste : nous travaillons pour vous. Nous avons le devoir de vous informer. Et vous avez compris une chose si importante : vous avez le devoir de nous lire.
On appelle ça la démocratie.
Stanislas Madej