04 Sep

Visa inquiet croit en l’avenir du photojournalisme

Soirée de projection au Campo Santo DR

Des soirées de projection sont organisées tous les soirs au Campo Santo, pendant la première semaine de Visa pour l’image. © Mazen Saggar.

Des paysages dévastés, des bateaux surchargés, des hommes et des femmes qui pleurent, qui crient, qui sourient. Les vingt-six expositions proposées cette année à Visa pour l’image ont encore une fois offert un reflet lucide du monde.

On lui reproche parfois de trop mettre en avant des photographies brutales, violentes : Jean-François Leroy, directeur du festival, assume pleinement. Il a d’ailleurs eu l’occasion de rappeler sa conception du photojournalisme lors du débat, jeudi matin, face à Lars Boering, directeur du World Press Photo (non exposé à Perpignan cette année). Sa critique du World Press Photo of the year résume sa pensée : « Pour moi, la photo de l’année aurait dû traiter de ce qui se passe avec Ebola, Daech. L’actualité ne se déroulait pas dans la chambre d’un homosexuel russe. »

L’Afrique et l’Asie émergent

Comme toujours, les photoreportages de cette 27e édition font la part belle à l’actualité : les migrants, avec Lynsey Addario ou Giulio Piscitelli, les militaires français en Centrafrique avec Edouard Elias (lauréat du prix Rémi Ochlik 2015), la Syrie d’Assad avec Sergey Ponomarev ou encore la Somalie de Mohamed Abdiwahab, photographe somalien pour l’AFP, exposé pour la première fois en France.

A 28 ans, Mohamed Abdiwahab est un exemple de la diversité du photojournalisme : la profession n’est plus made in Europe ou Amérique. En Afrique, en Asie, les bons photographes sont là, eux aussi, pour shooter les scènes qui feront la Une de nos journaux. L’évolution force les photojournalistes à se remettre en question. Leurs pratiques changent, avec une appétence de plus en plus prononcée pour le numérique et les réseaux sociaux comme Instagram.

« La presse reste le Graal »… pour le moment

Reste qu’en l’absence de modèle économique, Internet ne permet pas aux photographes de pouvoir totalement se passer du papier. Problématique, puisque les droits d’auteur se réduisent comme peau de chagrin :  « La presse reste la quête du Graal mais des journaux paient une demi-page entre 60€ et 80€ », constate Jean-François Leroy. Alors, de nouveaux projets, de nouvelles façons de faire, émergent : on les trouve dans le webdoc Sarcellopolis, Visa d’or du webdocumentaire, ou dans Me-Mo magazine, application multimédia fondée par des photographes professionnels qui mêle photos, vidéos, animations 3D… On peut aussi citer le cas de Gerd Ludwig avec son application (payante) autour de son travail sur Tchernobyl. Ces enjeux-là prennent aujourd’hui une importance capitale, plus sans doute que les questions de retouches et de Photoshop, prégnantes dans le débat entre Jean-François Leroy et Lars Boering.

Le petit monde de la photo s’interroge sur les évolutions à venir. Nombreux dans les allées, les visiteurs ont, cette année encore, fait part de leur intérêt pour les travaux exposés pendant les conférences avec les photojournalistes. Le besoin de voir le monde tel qu’il est se fait de plus en plus pressant, à mesure que le flux d’informations s’accélère. Reste à trouver le modèle économique qui permettra de continuer une production de qualité. Car le soutien populaire, lui, semble acquis.

A noter : les expositions sont visibles jusqu’au 13 septembre 2015.

DIMITRI L’HOURS


Liste des prix

Visa d’Or 2015-Arthus BertrandDaniel Berehulak pour The New York Times / Getty  pour son reportage sur l’épidémie de Ebola

Prix de la ville de Perpignan-Rémi Ochlik : Edouard Elias / Getty Images, pour « La légion étrangère en République Centrafricaine »

Prix Canon de la femme photojournaliste : Anastasia Rudenko, pour son reportage sur la maladie mentale en Russie

Prix ANI-Pix Palace : Andres Kudacki / AP, pour « Espagne : crise nationale du logement et expulsions »

Prix Getty Images Grants : Javier Arcenillas, Souvid Datta, Matt Eich, Salvatore Esposito & Mojgan Ghanbari

Prix Pierre et Alexandra Boulat : Alfonso Moral, pour son reportage sur le quotidien et les tensions religieuses à Tripoli (Liban)

Prix Photo-Fondation Yves Rocher : remis samedi 5 septembre 2015

Prix Camille Lepage : Romain Laurendeau, pour son reportage sur la jeunesse algérienne, qui sera présenté l’an prochain à Vis

Visa d’or News : Bülent Kiliç pour son reportage sur les migrants syriens à la frontière turque

Visa d’or humanitaire du CICR : Diana Zeyneb Alhindawi, pour son reportage « Viols : procès de Minova »

Visa d’or du webdocumentaire : Sébastien Deycard-Heid pour « Sarcellopolis »

Visa d’or du Figaro Magazine : remis vendredi 4 septembre 2015