Lauréat du Visa d’Or du webdocumentaire ce mercredi, Sébastien Daycard-Heid, co-réalisateur avec Bertrand Dévé de Sarcellopolis, propose une virée interactive à Sarcelles, dans le Val-d’Oise. L’utilisateur, à bord du bus 368, sillonne la ville à la rencontre de ses habitants et à la découverte de ses quartiers cosmopolites.
Qu’avez-vous cherché à montrer à travers ce webdocumentaire ?
« Il n’y avait pas la volonté de démontrer quelque chose, mais surtout de rendre hommage à Sarcelles. J’ai eu un coup de cœur pour sa diversité, pas simplement d’identités et de communautés, mais aussi de vécus et d’histoires extraordinaires, dans un petit espace de 60 000 habitants. C’est un village monde où l’on retrouve toutes les vagues d’immigration en France depuis les années 50. »
Ce projet aurait-il pu se situer ailleurs qu’à Sarcelles ?
« La diversité existe aussi dans d’autres villes comme Marseille, mais c’est plus lisse. Elle est davantage visible à Sarcelles, à travers ses quartiers et modes de vie. On a l’impression de voyager à petite échelle. Elle s’est construite comme une ville américaine, où l’on passe d’un quartier oriental, avec les Chaldéens, les chrétiens d’Orient, à un quartier antillais. On change de monde à chaque fois. On a voulu mettre en valeur cette ville aux identités multiples, où se jouent beaucoup de questions liées à la cohésion sociale, à l’intégration. C’est un bon endroit pour prendre le pouls de la société française. »
Les sujets d’intérêt général ont vocation à être publiés sur Internet, si possible d’une manière assez sensible, sans présence du journaliste ou du documentariste.
Pourquoi avoir choisi le format webdocumentaire ?
« Ça se prêtait au sujet. Cette forme, qui en est encore à ses balbutiements, a un avenir, notamment sur certains thèmes. Les sujets d’intérêt général ont vocation à être publiés sur Internet, si possible d’une manière assez sensible, sans présence du journaliste ou du documentariste. Sans voix off, on met les gens en relation directe les uns avec les autres. Ça permet de faire un travail de médiation qui était nécessaire à Sarcelles, que des gens qui ne se croisent pas forcément se rencontrent. Que ce soit entre Sarcellois ou avec l’extérieur. Beaucoup de gens ont des préjugés sur la ville alors qu’ils n’y vont jamais. Sarcellopolis est un moyen d’emmener les gens à Sarcelles pendant 20 minutes. »
Pourquoi avoir choisi cette durée ?
« Souvent, je trouve les webdocs trop longs. On s’y perd. L’idée du voyage en bus permet de proposer à l’utilisateur de vivre l’expérience sans avoir la prétention de tout voir. Il est tout de même possible de remonter dans le bus afin d’en voir plus. C’est une navigation plus simple et plus appropriée au web. »
Quelle place occupe la photographie dans ce webdocumentaire?
« On accorde une place très importante à l’image en général. Car à force de stigmatisation, les habitants eux-mêmes ont fini par avoir une mauvaise image de leur ville. C’était important de changer cela. Les photos de Jacques Windenberger, qui a vécu à Sarcelles dans les années 60, ont été le point de départ du projet. Elles racontent tout un pan de l’histoire française : l’arrivée des immigrés en France, et donc à Sarcelles. Elles montrent que le vivre ensemble n’y est pas une notion abstraite, que cela existait déjà. »
STEPHEN CROZET et BASTIEN VACHON