31 Août

Mohamed Abdiwahab : « J’ai perdu près de 35 amis journalistes »

Mohamed Abdiwahab, photojournaliste somalien de 28 ans, est enfermé dans l’une des villes les plus dangereuses du monde, Mogadiscio. Repéré par l’équipe de Visa pour l’Image, il est parvenu à s’en extirper le temps du festival. Son bonheur d’être en France est à la hauteur des difficultés qu’il a rencontrées pour toucher un rêve qu’il pensait irréalisable. « Pour un Italien ou un Espagnol, c’est facile de venir ici. Mais pour un Somalien… tout est plus compliqué », lâche-t-il, ému, encore un peu dépassé par tout ce qui lui arrive.

Jusqu’au 13 septembre, Mohamed Abdiwahab expose à Perpignan des clichés pris de 2011 à aujourd’hui, essentiellement dans la capitale. Des scènes de chaos, bien sûr, dans ce pays sans véritable Etat depuis l’insurrection armée de 1991, des scènes de vie quotidienne, aussi. « C’est comme ça que nous vivons en Somalie, dit-il en anglais. Aujourd’hui c’est la violence, demain c’est la vie de tous les jours. »

« Pourquoi vous nous prenez en photos ? »

Il a commencé à travailler vers 15 ans dans un journal local. Puis l’AFP lui a donné sa chance. « Il n’y a pas de journalistes étrangers en ce moment en Somalie. Pour un Occidental, aller en Somalie et couvrir les événements, c’est tellement compliqué. Je connais le pays, j’ai ma famille, mes amis… C’est chez moi. Je prends les gens en photos. La plupart ne comprend pas ce qu’on fait. Ils disent : « Pourquoi vous nous prenez en photos ? ». Pour moi, c’est la liberté de parler. »

Se balader dans son propre pays, quitter les murs de Mogadiscio est presque devenu une mission impossible depuis que les attentats et les violences rythment le quotidien de la Somalie. « Il faut faire attention à tout. On ne sait jamais ce qu’il peut nous arriver, qui va nous tuer. J’ai perdu près de 35 amis journalistes. » Correspondant pour l’Agence France-Presse depuis quatre ans, il n’a pas l’intention de déserter. « C’est mon devoir de travailler ici, en tant que Somalien ». Mohamed dit qu’il n’a pas le temps de prendre du recul, qu’être journaliste est assez difficile.

L’avenir est pour lui incertain. Le photoreporter se prend à rêver à d’autres destinations. « J’aimerais voyager à travers le monde, partir ailleurs et y travailler, photographier autre chose que de la violence. Mais, j’ai la nationalité somalienne. Je ne peux pas aller où je veux ».

STEPHEN CROZET