Les quatre soldats-reporters nord-vietnamiens sont les attractions de Visa pour l’Image. Hasard, la fille de l’un d’eux, Maï Nam, vit à une vingtaine de kilomètres de Perpignan. L’occasion de se retrouver autour d’un repas. Et d’évoquer de drôles de souvenirs…
Pour une première en France, c’est réussi. Maï Nam, arrivé il y a deux jours de Hanoï, présente dans l’exposition Ceux du Nord des clichés inédits de la guerre du Vietnam. Il a aussi pu revoir sa fille Vân, 54 ans, qui vit depuis deux ans à Ille-sur-Têt avec son mari, près de Perpignan. Emue par ce coup du sort inattendu, elle a invité ce mardi soir son papa et ses collègues, Doan Công Tinh, Chu Chi Thành et Hua Kiem. Etaient aussi présents son mari Claude Gendre, et Huyen, la traductrice, par ailleurs journaliste au Vietnam et surtout amie de Vân.
Sur l’un des murs, une affiche en vietnamien donne le ton : « Vivre, combattre, étudier et suivre l’exemple moral d’Hô Chi Minh ». La soirée sera rouge. « Mon père a toujours été mon modèle », lance Vân. La preuve, pour faire comme lui, elle est devenue…journaliste. Ce n’est pas la seule. Dans la fratrie de quatre, demandez le frère : celui qui travaille à l’Avant-Garde, l’ancien canard de Maï Nam. C’est ce qu’on appelle avoir de l’encre dans le sang.
« On a entendu un bruit de tonnerre, mon père a bondi… »
Claude Gendre trépigne. Pour faire bonne impression devant beau-papa et ses amis, ce retraité a prévu de montrer son plus beau DVD. Celui que lui a consacré une télévision vietnamienne en 2007 pour la parution de son ouvrage sur « Dé Tham », un résistant vietnamien à l’oppression coloniale, mort en 1913. Entre les nems et le « Pho » (prononcer « feu »), la soupe vietnamienne, rien de tel qu’un hommage à un grand sacrifié pour se mettre ses invités dans la poche. D’ailleurs, ça marche : Chu Chi Tanh se lève et lui serre la main. Claude est adopté. « Et dire que mon grand-père servait dans les troupes en Indochine », dit le Français. Pas de problème, ce soir, ça ne compte pas.
C’est maintenant Vân qui s’assied près de son père. Devant eux, Once Upon a Time, un livre de photos sur le travail du Maï Nam. On parle de Dai Phuc, le village natal de la famille. Au détour d’une page, Vân s’anime : « Je me souviens de cette photo ». C’est le cliché d’un chasseur-bombardier F-105 américain abattu. Le pilote se parachute et un milicien court, pour mieux le « cueillir » une fois au sol. La légende de la photo est explicite : « Comment pourrais-tu t’échapper ? »
Vân raconte : « Ma mère servait le repas quand les sirènes ont retenti. On a couru aux abris. Puis on a entendu un bruit de tonnerre. Mon père a bondi. Et il a pris cette photo. J’avais six ans… » Cadrage parfait, jeux de symétrie, ombres. Dans le livre, quelques clichés de guerre, mais surtout des visages de soldats, de miliciennes, de paysans. La vie pendant la guerre. Une séance de gymnastique dans un cratère, une représentation théâtrale dans un tunnel. « Comme on n’avait pas de flashs à l’époque, j’ai dû brûler une poutre devant moi pour prendre cette photo, s’amuse Maï Nam. D’ailleurs, pour faire joli dans le journal je prenais beaucoup de photos de jolies filles et de jeunes hommes ». Il ajoute : « Je suis reporter de guerre… et un peu artiste. »
Ryad Benaidji