Chaque jour, pendant une semaine, les festivaliers de Visa pour l’image à Perpignan se prêtent à l’exercice : commenter et tenter de légender la photo du jour. Assis à la terrasse du Café de la Poste, ils réagissent à une photo des dégâts causés par le typhon Haiyan, aux Philippines, prise par Sean Sutton, le 8 novembre 2013.
Un ouragan, un tremblement de terre, un typhon… Les festivaliers reconnaissent, dans le cliché de Sean Sutton, qu’il s’agit d’une catastrophe naturelle. « Mais il y en a tellement », lâche Nuno Soares, un Perpignanais de 30 ans.
Tellement, qu’il est difficile de localiser le sinistre. « Haïti, peut-être »… L’Inde pour certains, la Chine ou la Thaïlande pour d’autres. « En tout cas, c’est loin ! », suppose Juan Massana, un Barcelonais en visite à Perpignan, comme pour prendre de la distance par rapport au désastre. « C’est aux Philippines, assure Julie Catalayoud. Je m’en souviens parfaitement. J’étais en Malaisie et nous savions qu’un typhon devait toucher les cotes vietnamiennes. » Les tas de gravas photographiés au lendemain du passage d’Haiyan émeuvent peu.
« Tous les jours à la télévision, à la une des journaux, on nous vend que de la misère. Nous sommes habitués, dit Nuno Soares. On a déjà vu ce genre d’images des millions de fois. On n’y prête même plus attention ». Il reproche aux médias d’être responsable de cette accoutumance. Sa femme Marjorie n’est pas d’accord : « Heureusement qu’ils sont là pour nous montrer les malheurs du monde, puisqu’ils sont si nombreux ».
Les tenir les plus loin de soi, ces malheurs. « Je vois en tout cas qu’il ne s’agit pas de ma maison ou de mon appartement », ironise Didier Cuenca, projectionniste au Palais des congrès de Perpignan. Il se reprend : « J’ai l’habitude de voir les images de Visa, c’est vrai qu’elles sont toujours difficiles ». Sur l’image en noir et blanc, dans les décombres, on ne distingue même plus les morts des vivants.
L. F.