« A quoi sert une chanson
Si elle est désarmée? »,
Me disaient des Chiliens,
Bras ouverts, poings serrés.
Comme une langue ancienne
Qu´on voudrait massacrer,
Je veux être utile
À vivre et à rêver. »
écrivait Etienne Roda-Gil pour Julien Clerc.
A quoi sert un colloque s’il n’est pas suivi de décisions ? « Utile », le colloque de Rurey a l’ambition de l’être. Pour la seconde fois, Pierre Braems, le responsable du lodge de la Piquette et Maurice Demesmay, le maire de Ruray et président de l’office du tourisme Arc-et-Senans Loue Lison, organisaient, dimanche 29 juillet, un colloque à la Piquette pour évoquer les problèmes de la Loue et surtout trouver des solutions. Cette fois-ci, les hommes politiques sont venus en plus grand nombre qu’en 2010, « Annus horribilis » pour la Loue. Il faut dire que malgré les fonds débloqués, l’état de santé de la Loue ne s’améliore pas. Une situation qui commence à inquiéter les professionnels de la tourisme. C’est pour répondre à des demandes d’informations de la part d’habitants de la vallée et aux inquiétudes des professionnels du tourisme que ce colloque a été organisé en même temps que le salon des terroirs et des territoires. Martial Bourquin, sénateur du Doubs, Jean-François Longeot , conseiller général du Doubs et maire d’Ornans, Christian Bouday, conseiller général du Doubs, Annie Vignot, conseillère régionale, pour n’en citer que quelques uns. L’objectif est de leur donner des éléments de plus en plus précis pour qu’ils prennent des décisions appropriées pour la rivière.
Devant une assistance nombreuse, les intervenants ont fait le point sur leurs recherches. « Nous commençons à comprendre les données qui nous manquent pour connaître les flux de pollutions » explique l’hydrogéologue Pascal Reilé. Il va donc falloir continuer à explorer ce complexe gruyère karstique qu’est le bassin versant de la Loue. A ses côtés, l’hydrobiologiste Alain Cuinet et le professeur en microbiologie de l’Université de Neuchâtel Lassad Ben Belbahri. Alain Cuinet a précisé que les taux de nitrates dans la rivière continuaient d’augmenter et même si les taux de phosphore étaient stables, ils étaient encore trop important. La présence des macroinvertébrés dans la Loue est toujours trop faible et indique une mauvaise qualité de l’eau. Quant au chercheur suisse, il a présenté ses derniers travaux sur la présence du champignon mutant saprolégnia. Une écrevisse américaine introduite dans le Dessoubre pourrait être à l’origine de cette contamination mais rien est encore certain et les recherches se poursuivent.
Pendant plus de trois heures, exposés et débats ont alimenté la réflexion des élus. Pour Martial Bourquin, toute la population doit se sentir concernée, les élus ne pouvant agir que si ils se sentent portés par un élan citoyen. Toute la question pour les défenseurs de la Loue, va donc être d’élargir leur audience à l’ensemble des habitants de ce vaste bassin versant. Et pas seulement une catégorie professionnelle en particulier.
Un point de vue partagé par Claude Vermot-Desroches. Cet agriculteur travaille au bord de la Loue à Cademène et il est président de l’interprofession du Comté. « Je reconnais que l’agriculture a un rôle dans la pollution de la Loue mais au même titre que les autres activités humaines de la vallée ». Une des premières actions à développer, selon Claude Vermot-Desroches est une meilleure connaissance de la nature karstique de chaque parcelle. Un travail de titan déjà entamé par la chambre d’agriculture et le conseil général du Doubs. Cela concerne environ 800 agriculteurs. C’est un travail long et précis, à 50 mètres près, un épandage peut être utile aux sols sans impact sur la rivière ou au contraire être vraiment nocif pour la Loue. En tant que président de la filière Comté, Claude Vermot-Desroches a également affirmé sa volonté de « sensibiliser les agriculteurs à ne pas chercher à produire plus de lait mais plutôt à maîtriser leurs coûts ». Dans un contexte de déréglementation des quotas laitiers, cette ambition est un combat ardu.
Les scieries, les industriels, les stations d’épurations, les normes à faire respecter sans moyens de contrôler, la police de l’eau l’ONEMA ayant peu d’hommes sur le terrain … tout ces dossiers ont été abordés au cours de cette matinée. « Il faut se mobiliser sinon on y arrivera pas » conclut Maurice Demesmay, par ailleurs président du syndicat mixte de la Loue. Prochaine étape, septembre. L’état devrait présenter un plan d’action lors d’une « journée rivières comtoises ». L’occasion, peut-être, pour le sénateur Martial Bourquin de convaincre le ministre de l’environnement Delphine Batho de venir au chevet de la Loue.
Isabelle Brunnarius